La location à loyer attractif (LLA) apparaît comme une alternative crédible au «tout propriétaire». L'Etat réfléchit à des incitations pour les opérateurs du privé.
Une maison s'est effondrée dernièrement au cœur de l'ancienne médina de Casablanca faisant plusieurs victimes. Cet énième drame est loin d'être un cas isolé. Il n'est ni le premier, ni, malheureusement le dernier. Tant que des solutions définitives susceptibles d'éradiquer de manière définitive l'habita menaçant ruine, le risque de nouvelles catastrophes reste bien réel. Par ailleurs, sous l'effet de la pression démographique et la faiblesse de l'offre en logement, les propriétaires de la quasi-totalité des maisons des anciennes médinas ont procédé à des constructions en hauteur. Une option qui a aggravé davantage le risque d'effondrement. Force est de constater que l'approche volontariste de l'Etat censé résoudre la problématique de l'habitat insalubre a montré ses limites. «A l'instar des bidonvilles, les habitats menaçant ruine nécessitent un effort financier colossal pour les absorber. La politique du relogement présente plusieurs dysfonctionnements qu'il faut corriger. Il est primordial d'investir de nouvelles pistes plus pertinentes pour recaser cette population», souligne Driss Effina, expert en immobilier. En effet, plusieurs associations locales sont montées au créneau pour dénoncer les facteurs qui impactent le programme de rénovation urbaine. De nombreuses personnes parmi les populations concernées ne disposent pas de l'avance nécessaire pour acquérir un logement (le minimum requis est de 100.000 DH) et ne peuvent pas contracter un crédit Fogarim à cause de leur âge avancé ou parce qu'elles ne remplissent pas les conditions requises.
Un business juteux pour certains L'autre problème qui se pose avec acuité concerne la fraude. «Le relogement est un moyen parmi d'autres pour lutter contre l'habitat menaçant ruine. Malheureusement, il a été utilisé par certains opportunistes pour accéder à la propriété par des moyens détournés», souligne notre expert. «Le nombre de personnes éligibles aux opérations n'a cessé d'augmenter, et ce malgré un recensement préétabli. C'est un business juteux auquel s'adonnent plusieurs parties prenantes. Sans l'implication des autres intervenants, notamment le ministère de l'Intérieur, le programme ne peut donner les effets escomptés», explique Effina. Pour remédier à cette situation, le département de l'Habitat investit actuellement la piste de la location à loyer attractif (LLA). Le concept ressemble à celui des HLM (Habitat à loyer modéré), mais avec des réajustements. L'idée est de capitaliser sur les atouts des HLM tout en écartant ses inconvénients qui ont incité plusieurs pays à l'abandonner. Pour le cas du Maroc, il y a une urgence, car la LLA contribuera à résoudre en partie l'insuffisance de l'offre en logement et de recaser les cas les plus difficiles des habitats menaçant ruine. «Cela permettra à coup sûr de sauver des vies humaines et à l'Etat d'assurer l'aménagement urbain des zones à risque en toute tranquillité en évitant la grogne sociale», précise Effina.
Des incitations pour les investisseurs ? Contrairement au concept des HLM qui sont des bâtiments construits par l'Etat ou les communes, la LLA est un segment qui est développé par le privé. Le département de Abdelahed Fassi Fihri envisage d'accorder des avantages fiscaux ou fonciers pour les investisseurs intéressés par ce marché. Ils peuvent bénéficier d'une exonération ou d'une réduction d'impôt, que ce soit au niveau de la construction ou de la location. Des subventions peuvent être également accordées directement, moyennant un engagement formel pour que les contrats de loyers soient de longue durée. Mais ce projet bute sur l'aval du ministère de l'Economie et des Finances qui doit encore l'étudier. Outre le montage financier du schéma de la LLA, un effort de sensibilisation doit être mené auprès de la population concernée. «Le locatif est un moyen qui peut résoudre l'offre en logement, encore faut-il changer les mentalités : 70% des Marocains préfèrent la propriété qui est une sorte de sécurité sociale», explique Effina. Selon le département de tutelle, la location sera plafonnée à 2.000 DH pour le logement de type 250.000 DH et à seulement 1.200 DH pour celui de 140.000 DH. ■
55.000 habitats recensés Officiellement, il existe 55.000 habitats menaçant ruine dans le Royaume. Mais plusieurs sources notamment, celles d'associations locales, assurent que ce chiffre peut être multiplié par trois. Dans le projet de feuille de route que le ministère de l'Habitat a dévoilé dernièrement, plusieurs éléments ont été relevés pour expliquer le phénomène. «La dégradation du parc logement est certainement à mettre en rapport avec son vieillissement, le manque d'entretien, les densités fortes d'occupation, l'implémentation de bâtiments sur des sols impropres à la construction, le recours à des matériaux de mauvaise qualité ainsi qu'aux conditions financières difficiles des populations qui sont contraintes d'y résider et qui ne leur permettent pas d'améliorer la sécurité et le confort de leur habitation», explique-t-on dans le document.