Le Royaume ne peut rester indifférent à la vague de légalisation au niveau mondial. i L'interdiction ne profite qu'aux trafiquants, et a détérioré la situation des petits exploitants.
La légalisation du cannabis n'est plus un tabou dans le monde. Plusieurs pays ont légiféré dans ce domaine, le dernier en date étant le Canada, qui a autorisé la consommation et la commercialisation de ce produit à des quantités et des doses strictement réglementées. Aux Etats-Unis, 16 Etats, dont la Californie, ont adopté des législations similaires. D'autres sont en voie de le faire. En Europe, des pays ont pris des mesures tolérantes en matière de consommation, notamment la Suisse, la Hollande et la Catalogne en Espagne. C'est le cas aussi de l'Inde, de l'Afrique du Sud ou du Chili. Tout laisse présager que ces Etats se dirigent vers la légalisation dans les années à venir. Selon certains observateurs, le Maroc ne peut rester en marge de ces changements, eu égard aux enjeux socioéconomiques et politiques relatifs à cette question. Tout d'abord, force est de reconnaître que la filière reste la principale source de revenu pour des milliers d'agriculteurs. En dépit des efforts du gouvernement tendant à éradiquer cette culture, la superficie de la filière Kif culmine à plus de 47.000 ha, concentrée essentiellement dans la région de Kétama et ses environs. «Le gouvernement n'a pas pu instaurer une alternative pérenne et fiable pour cette culture. La politique de l'autruche de l'Etat n'a fait qu'empirer la situation. Les partenaires du Maroc, notamment l'Union européenne, n'ont pas respecté leurs engagements pour développer le Rif», souligne Chakib Al Khayari, coordonnateur du Collectif national pour la légalisation du cannabis. Cette entité créée par des militants associatifs a, depuis 2007, appelé à une amnistie des personnes recherchées, notamment les agriculteurs, et aussi à produire un texte de loi encadrant la culture et la consommation du hashich dans un cadre légal sous le contrôle de l'Etat. Evoquant l'expérience réussie de l'Uruguay, premier pays à avoir légalisé cette culture en 2013, Al Khayari affirme que «cet Etat de l'Amérique latine a pu, en 5 ans, réduire le niveau de la criminalité lié au trafic de la marijuana. Les agriculteurs ont adhéré à des programmes de développement local en canalisant leur culture dans un circuit organisé. N'étant actuellement plus dépendants des trafiquants, ils bénéficient d'une bonne partie des profits générés par leurs exploitations».
Le niet du PJD Il est à rappeler que les formations de l'Istiqlal et du Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM) avaient déposé en 2014 deux projets de loi pour légaliser le cannabis. Le gouvernement, présidé par le Parti de la justice et du développement (PJD), n'avait pas jugé opportun de les discuter. «Nous étions à la veille du scrutin législatif de 2015. Ces projets de loi ont été proposés par des partis qui voulaient séduire les électeurs, notamment ceux de la région du Nord. Nous rejetons toute loi qui soit contraire à l'éthique morale des Marocains et aux engagements internationaux du Royaume, mais nous sommes pour les solutions qui peuvent venir en aide aux agriculteurs et à la population démunie des régions du Rif et des Jbala», souligne le tonitruant Abdelaziz Aftati, ancien député et membre influent du secrétariat général du PJD. Au niveau de l'Istiqlal, la légalisation du cannabis a été fortement défendue par une poignée de députés du parti, arguant que la situation actuelle ne profite qu'aux trafiquants et aggrave la clandestinité. «Plus de 40.000 agriculteurs vivent en marge de la société à cause de ce phénomène. Cette situation, qui n'a que trop duré, a un coût social et économique très important. Il faut avoir la volonté et le courage pour trouver une issue favorable à ces personnes persécutées que seule une amnistie peut sauver», affirme Noureddine Mediane, député du parti de la balance. Les adeptes de la légalisation du cannabis avancent d'autres arguments d'ordre économique. En effet, diverses études ont prouvé les bienfaits de la plante pour des usages industriels ou médicaux. D'où l'idée de sceller des partenariats dans avec de grands laboratoires internationaux. Dans un autre volet, le cannabis pourrait être un argument de taille pour les tour-opérateurs afin de développer un tourisme de niche. Les clients pourront joindre l'utile à l'agréable, d'autant que la région du Nord jouit de très belles plages méditerranéennes, en plus d'un arrière-pays splendide. ■