Le gouvernement est tiraillé entre sa volonté de mettre le paquet sur les programmes sociaux et les impératifs de discipline budgétaire. Sa marge de manœuvre est limitée. Dans ce contexte, l'Exécutif doit prioriser, cibler et rationaliser les dépenses.
Au vu de certaines mesures du projet de Loi de Finances 2019 qui ont fuité dans la presse depuis près d'une semaine, et du rapport préalable au Budget publié par le ministère de l'Economie et des Finances (MEF), il semble de plus en plus évident que le Budget 2019 sera sage et veillera scrupuleusement à la préservation des équilibres macroéconomiques. Après une année 2017, où le déficit budgétaire hors privatisation s'est amélioré de 0,9 point par rapport à 2016 pour s'établir à 3,6% du PIB, et une année 2018 où, au contraire, ce même déficit devrait se dégrader pour atteindre 3,8% du PIB (au lieu de 3% initialement prévu par la LF 2018), le gouvernement compte, dès 2019, réinscrire le déficit dans une trajectoire baissière et le maintenir autour de la barre symbolique des 3%. Pas si simple quand on sait que les recettes fiscales, notamment celles de l'impôt sur les sociétés, ne font plus autant recette justement, que les cours du pétrole repartent dangereusement à la hausse, que le dialogue social est toujours en suspens, et que, dans le même temps, le gouvernement souhaite donner une impulsion vigoureuse aux politiques sociales. Le MEF résume ainsi ses intentions: «le Budget 2019 se focalise essentiellement sur la priorisation des secteurs sociaux, notamment l'enseignement, la santé, l'emploi, le dialogue social et la protection sociale (…), tout en veillant à faire avancer la politique de discipline budgétaire et de rationalisation des dépenses dans l'objectif de maintenir le déficit à 3%». Un jeu d'équilibriste en quelque sorte.
Ramener la dette du Trésor à moins de 60% du PIB La programmation budgétaire triennale montre d'ailleurs que le gouvernement s'est fixé des objectifs ambitieux en matière de maîtrise du déficit et de la dette publique : avec une croissance cible en 2021 comprise entre 4,5% et 5,5%, le déficit budgétaire devra être ramené à moins de 3% du PIB et la dette du Trésor devra être inférieure à 60%, au lieu de 65% à fin juin 2018. Bref, vous l'aurez compris, le gouvernement joue serré et ne sa marge de manœuvres est limitée. Ceci explique pourquoi il projette d'appliquer certaines ponctions fiscales pour alimenter son budget, comme le retour de la contribution sociale de solidarité, une hausse d'un point de l'IS pour les entreprises réalisant un bénéfice supérieur à 1 million de DH, la hausse de la cotisation minimale, ou encore l'application de la TVA aux opérations de livraison à soi-même de construction d'habitation. De telles mesures, dont l'efficacité reste à démontrer traduisent la volonté de l'Etat de renflouer son budget en prennant l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire en faisant les poches aux contribuables dits «classiques», face à l'échec de ce gouvernement, et de ceux qui l'ont précédé, d'élargir la base imposable, notamment en intégrant l'informel.
Prioriser, mieux dépenser Plus que ces mesures fiscales, qui donnent un mauvais signal aux contribuables, qu'ils soient personnes morales ou physiques, ce qui va réellement permettre à l'Exécutif d'inscrire ses déficits dans une trajectoire durablement baissière, c'est avant tout une profonde remise en question de sa manière de dépenser. Car il n'y a pas de recettes miracles. Lorsque les moyens sont limités, on ne peut courir plusieurs lièvres à la fois. Il faut au contraire prioriser, cibler, rationaliser, contrôler et évaluer les dépenses. «La préservation des équilibres macroéconomiques peut s'accommoder d'une politique sociale efficace. Car, en définitive, le problème n'est pas une question de moyens. Il faut rationnaliser la dépense et optimiser les recettes», expliquait tout récemment Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib. Le gouvernement a, semble-t-il, choisi cette voie pour les années à venir, en orientant ses efforts sur les secteurs sociaux, tout en poursuivant les réformes structurelles (régionalisation, déconcentration, retraite, climat des affaires, etc.). Et pour ce qui est des projets d'investissements publics, une nouvelle approche de gestion sera instaurée. Des textes de lois seront ainsi adoptés dans ce sens visant à améliorer le système de sélection des projets d'investissements, sur la base de la généralisation des études d'évaluation sociale et économique, notamment en ce qui concerne leur impact sur l'emploi, la réduction des disparités et l'amélioration des conditions de vie des citoyens. On attend de voir. ■