Dans ce deuxième feuilleton des non-dits d'El Othmani, L'Opinion explique comment le gouvernement creuse le déficit budgétaire, sans pour autant stimuler la croissance. Grande absente du bilan synthétique du mi-mandat, la politique budgétaire est pourtant au coeur du débat. La raison? La dette publique globale a atteint 82,6% du PIB en 2018 (données du HCP), et la dette extérieure s'est établie à plus de 330 milliards de dirhams, soit 31% du PIB de 2017, se rapprochant ainsi de la capacité de remboursement du Maroc en devises étrangères, et donc de ses réserves de change. Le déficit budgétaire, quésaco? Il y a déficit budgétaire quand le volume des charges de l'Etat est supérieur à celui de ses ressources. À notre époque, la majorité des budgets publics est marquée par l'existence d'un déficit, et cela concerne autant les pays développés que les pays en développement. Par conséquent, les Etats recourent à des emprunts pour financer leurs déficits budgétaires, qui risquent de les trainer dans des effets boules de neiges à cause de la nécessité de règlement des intérêts. Dans le cas du Maroc, avec une dette publique globale de 82,6% en 2018 (et une prévision du HCP de 82,9% pour l'année 2019), l'Etat est à la quête de sources de financement du déficit budgétaire qui, lui, s'accentue à 3,9% en 2018, contre 3,4% en 2017. Selon Driss Effina, docteur en économie et professeur à l'INSEE, "le gouvernement est en train de chercher du financement par l'endettement et par la pression fiscale". Loin de l'objectif On l'aura compris. Si El Othmani omet de parler budget dans son bilan d'étape, c'est que, visiblement, il n'a pas de politique budgétaire claire à présenter. Force est de noter que le programme gouvernemental voté par le Parlement en 2016 prévoyait un déficit budgétaire de 3% à l'horizon 2021. Mais selon une information relayée par le site LeBoursier.ma, le Chef du gouvernement a annoncé devant quelques journalistes réunis à son domicile le mercredi 15 mai qu'il assumera un déficit budgétaire de 3,5%. Il a déclaré: "Bien sûr, il faut maîtriser les finances publiques et veiller au maintien des équilibres macroéconomiques, mais nous assumons un déficit autour de 3,5% du PIB compte tenu des besoins sociaux du pays". Un taux par ailleurs contesté par le HCP qui prévoit une accentuation autour de 3,6% pour 2019. Quoiqu'il en soit, on reste loin des objectifs initiaux, ceux du plan gouvernemental de 2016 et de la loi de finances 2018. Cette dernière tablait en effet sur un déficit budgétaire de 33,4 milliards de dirhams, soit 3% du PIB. Le trompe-l'œil du social Pour l'Exécutif, si la loi de finances 2019 a contribué au creusement du déficit, c'est parce qu'elle "répond à des exigences sociales urgentes", et parce qu'elle survient suite à la demande du Roi de donner la priorité aux politiques sociales, particulièrement dans les domaines de l'enseignement, la santé et l'emploi. Mais concrètement, les secteurs sociaux n'ont eu que 19% de la part du budget général, contre des parts oscillant entre 25% et 28% dans certaines lois de finances du début des années 2000. Abonné aux tergiversations, El Othmani s'est félicité dans son discours de mi-mandat de la création de 15.000 postes de Cadres des Académies régionales de l'Éducation sans indiquer que 13.000 professeurs d'éducation nationale partent à la retraite cette année. Ce ne sont donc que 2.000 nouveaux postes budgétaires créés. L'autre pièce manquante des mesures sociales du gouvernement est la création du fonds spécial pour la généralisation de l'éducation prévu par le projet de loi-cadre sur l'enseignement. Ce fonds devait aussi servir à la construction d'établissements scolaires communautaires dans le monde rural munis d'internats, de cantines et de logements pour les enseignants, comme recommandé par le Conseil supérieur de l'Education nationale (CSEFRS). Souvent brandies par le gouvernement pour justifier le dépassement des prévisions sur le déficit, les dépenses sociales ne sont pourtant pas si budgétivores que cela. "Il n'y a pas d'opposition entre les équilibres macroéconomiques et les politiques sociales", explique Dr Effina. Autrement dit, la nécessité de préserver les équilibres macroéconomiques peut s'accommoder d'une politique sociale efficace. Car, en définitive, le problème n'est pas une question de moyens. Il faut rationaliser la dépense et optimiser les recettes. "Nous devons mieux dépenser car, souvent, nous dépensons mal", estime l'économiste. Amine DERKAOUI