«La préfecture de Casablanca compte 1 médecin pour 767 habitants, tandis que la province de Sidi Bennour, c'est 1 médecin pour 5.000 habitants. Précisons que la moyenne nationale est 1 médecin pour 1.925 habitants» : en présentant certains chiffres relatifs aux disparités régionales en matière de santé, Nizar Baraka, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a planté le décor de la 3ème édition du Morocco Today Forum, initié par nos confrères du Groupe de presse Le Matin, sous le thème : «Disparités régionales : Ecosystème pour la concrétisation d'un développement harmonieux». Le constat est le même en ce qui concerne le tissu économique et social : «3 régions sur 12 produisent 50% des richesses nationales et comptent plus de la moitié des entreprises industrielles du pays. (…) Béni Mellal-Khénifra a un taux de pauvreté de 14,4% contre une moyenne nationale de 4,8%», ajoute Baraka. Cet événement, qui a connu la participation de plusieurs experts marocains et étrangers, mais aussi d'universitaires, fut ainsi l'occasion d'édifier le public sur l'état d'avancement de la régionalisation avancée et sur les enjeux cruciaux portés par ce chantier. Au fil des échanges, et à travers un vocable technique afférent au développement territorial (transferts de compétences, principe de subsidiarité, autonomisation des territoires, économie résidentielle, etc.), des explications claires ont été données sur les enjeux et l'aboutissement de ce chantier sur lequel se construit le Maroc de demain. Notons qu'une régionalisation réussie consiste en la décentralisation des différents services institutionnels vers les collectivités territoriales, accompagnée de la déconcentration du pouvoir de l'Etat. La déconcentration se concrétisant par le transfert des compétences de l'Etat central vers les collectivités afin que ces dernières agissent de manière autonome.
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Inclusivité des territoires
Pour le cas du Maroc, la régionalisation est un long processus qui a connu plusieurs réformes depuis 1960, dont la plus récente est la loi 2015 du nouveau découpage territorial. Mustafa Bakkouri, président de la région de Casablanca-Settat, qui a donné des éléments pragmatiques, explique en substance que le passage de 16 à 12 régions a nécessité de reconsidérer de nombreux paramètres et, souvent même, en partant de zéro. Cette régionalisation voulue et orientée vers l'inclusivité des territoires, a été élaborée de façon à intégrer les localités les moins avancées aux régions économiquement plus stables, et ceci dans le but d'instaurer des mécanismes naturels de solidarité et de péréquation. D'après Bakkouri, il faudra entre 10 à 15 ans pour que les services institutionnels des nouvelles collectivités créées soient fonctionnels et opérationnels. Sur fond d'inégalités territoriales, le bon sens prête ainsi à penser que l'adaptation des moyens institutionnels, financiers et techniques consacrés à l'organisation précédente basée sur 16 régions, sera bien complexe à établir dans le cadre de la nouvelle configuration du Maroc à 12 régions, allusion faite aux problèmes d'enchevêtrement des compétences. Enfin, pour concrétiser l'offre d'un développement harmonieux, il faut aussi s'inspirer du benchmark national, avec notamment l'exemple du développement en cours des provinces du Sud. Pour rappel, un contrat-programme conclu avec le gouvernement planifiait des objectifs à échéances déterminées et, en 3 ans, on en est à 47% de taux de réalisation, avec de bonnes perspectives. De même, un développement harmonieux et inclusif de toutes les composantes de la nation nécessite impérativement une mise à niveau de tous les territoires du Maroc. Baraka souligne à cet effet l'obligation de réduire les inégalités régionales pour favoriser de l'équité sociale, facteur d'intégration sociale. Présent également à cet évènement, le professeur Claude Courlet, spécialiste des questions de développement territorial, indique qu'au vu des grandes aspirations du Maroc, il faut des actions concrètes en donnant la priorité aux localités qui, en dépit d'actions salutaires, demeurent jusque-là en marge des retombées du circuit économique. En effet, pour favoriser des écosystèmes favorables à la concrétisation d'un développement harmonieux, le Maroc doit avoir un sursaut d'orgueil et s'interdire de laisser perdurer des situations d'extrême pauvreté. ■