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Impôt sur la fortune : «Ce gouvernement manque d'audace»
Publié dans Finances news le 25 - 06 - 2018


Najib Akesbi, professeur et économiste.

- Les motifs avancés et qui seraient à l'origine de la non mise en place d'un impôt sur les grandes fortunes au Maroc sont multiples.
- Najib Akesbi, professeur et économiste, livre son analyse sur cet épineux sujet.

Finances News Hebdo : Selon vous, qu'est-ce qui justifie le retard pour l'application de l'impôt sur la fortune au Maroc ?

Najib Akesbi : Lors des dernières Assises nationales sur la fiscalité de 2013, il faut savoir que la mise en place de «l'ISF» n'était pas la priorité des organisateurs.
L'essentiel des préoccupations tournait autour du panel portant sur la compétitivité des entreprises, lequel s'était chargé des recommandations allant dans le sens de la baisse des charges fiscales supportées par les entreprises et les détenteurs de hauts revenus. Ce n'est que dans le cadre du panel portant sur «l'équité» que quelques participants avaient quand même réussi à introduire la recommandation de la mise en place d'un impôt sur les grandes fortunes au Maroc.
Toutefois, cette recommandation avait davantage été acceptée pour la forme que pour le fond, en fait pour faire passer le message que toutes les opinions étaient prises en compte. L'objectif était de montrer à l'opinion publique que les «Assises» n'étaient pas totalement fermées à ce type d'imposition allant dans le sens d'une meilleure justice fiscale.
La preuve en est qu'au cours des années suivantes, avec toutes les Lois de Finances élaborées entre 2014 et 2018, l'essentiel de ce qui a été réalisé concerne les recommandations destinées à baisser les charges fiscales des entreprises et des détenteurs des hauts revenus, soit disant pour améliorer leur compétitivité.
Je pense donc que la raison principale de la non mise en œuvre de la recommandation relative à l'imposition des grandes fortunes est essentiellement d'ordre politique.
Les orientations politiques de ce gouvernement, et malheureusement aussi de celles des gouvernements qui l'ont précédé, sont motivées par des choix de classe. En matière fiscale, ces gouvernements privilégient les détenteurs du capital, les grandes fortunes et les hauts revenus et profits. Sachant qu'au regard des statistiques, la plus grande partie des ressources fiscales est générée par les impôts sur la consommation de masse et sur les revenus moyens et faibles, donc supportés par les classes moyennes et démunies.
Du reste, je vous rappelle que depuis quelques années, des députés de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) ou de la Confédération démocratique du travail (CDT) présentent, dans le cadre des Lois de Finances, des amendements permettant la mise en œuvre, même très progressive, d'une imposition des grandes fortunes, et ces propositions d'amendement sont systématiquement rejetées et par les gouvernements et par les groupes parlementaires qui les soutiennent.

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F.N.H. : Depuis janvier 2018, l'ISF est supprimé en France au profit de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Que vous suggère cette réforme et quels sont les enseignements à tirer pour le Maroc ?

N. A. : Dans le contexte qui prévaut en Europe, il faut savoir que Emmanuel Macron, actuel président français, a été élu notamment pour mettre œuvre une politique favorable aux hauts revenus et aux grandes fortunes. Ne dit-on pas que Macron est le «Président des riches» ? Ce n'est pas moi qui le dit, mais plutôt une très large partie de l'opinion publique française.
Malgré sa volonté manifeste de diminuer la fiscalité sur les grandes fortunes, le président français n'a quand même pas osé supprimer totalement l'ISF. En réalité, l'IFI concerne l'assiette la plus «visible», qui est le patrimoine immobilier.
Le problème au Maroc est que jusqu'à présent, nous n'avons même pas ce type d'impôts, somme toute très «minimal». Même le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui avait fait en 2013 un rapport très modéré sur la réforme fiscale, n'avait pu éviter de suggérer une imposition de la propriété foncière et immobilière.
Malheureusement, ce gouvernement manque d'audace, même pour l'application d'une recommandation aussi timide.
Il ne faut pas se leurrer, il existe des lobbies (gros propriétaires fonciers, grandes fortunes) qui ont des liens incestueux avec le pouvoir politique en place. D'ailleurs, l'actualité le montre amplement... C'est la quadrature du cercle, car le pouvoir politique et les pouvoirs économiques se consolident mutuellement.
En réalité, l'actuel gouvernement n'a pas les «manettes» et encore moins le pouvoir réel pour mettre en place des réformes fiscales ambitieuses. La taxation provisoire instituée en 2013 sur les hauts revenus (sous forme d'une surtaxe à partir d'un certain niveau de revenu et de profits) était une parodie d'imposition. D'autant plus que cette mesure constituait en réalité une reconnaissance de la part du gouvernement qu'il fallait, qu'il était de bon sens d'augmenter l'imposition des hauts revenus.
Mais celui-ci n'est pas allé jusqu'au bout de la logique en procédant plus simplement à une réforme du barème d'imposition de l'impôt sur le revenu, ce qui aurait permis d'institutionnaliser et de pérenniser une meilleure progressivité d'un tel barème.
Même l'ébauche d'une telle réforme allant dans le sens d'une meilleure équité fiscale a vite été abandonnée, le gouvernement faisant marche arrière sous la pression des lobbies. Il a fini par supprimer la «surtaxe» en question au bout de trois années de mise en œuvre ...

F.N.H. : Dans le contexte actuel marqué par le boycott de certains produits qui serait la manifestation d'une contestation contre la vie chère et le creusement des inégalités, n'est-il pas opportun d'appliquer l'ISF au Maroc ?

N. A. : Le boycott est un cri de ras-le-bol de la population qui en a assez de l'abus des pouvoirs économiques face à une économie de marché qui, en réalité, n'en est pas une, du moins pour une grande partie.
Notre économie est dominée par les oligopoles, les monopoles et la logique de la rente. Il est tout de même intéressant de souligner que les trois entreprises ciblées sont des entités qui ont un pouvoir de marché considérable ou qui jouissent d'une situation de rente avérée. Les boycotteurs ont voulu envoyer un message politique clair qui dénonce la collusion entre les pouvoirs politique et économique et le creusement des inégalités sociales, devenues à leurs yeux insupportables.
Le gouvernement lui-même est largement «noyauté» par les pouvoirs économiques qui sont au cœur de celui-ci. Un gouvernement qui se respecte doit certes défendre les entreprises qui sont des acteurs économiques majeurs, mais sa priorité devrait d'abord être la population dont il tire la légitimité.
Or, l'équipe gouvernementale s'est révélée être le «gouvernement des lobbies», en défendant spontanément les entreprises, à tel point que certains ont parlé de «gouvernement de Danone», ou de «Sidi Ali» ou encore de «Afriquia» ... Cela est très significatif, et explique en partie comment et pourquoi une telle majorité gouvernementale est dans l'incapacité absolue de régler les problèmes du pays.
On peut même constater que, au lieu d'être source de solutions, ce gouvernement et sa majorité sont devenus une partie du problème. Dans sa globalité, le système se nourrit des inégalités et, en les accentuant, celui-ci s'enfonce dans un véritable cercle vicieux. A travers le boycott, la population exprime aussi son ras-le-bol face à la passivité d'un gouvernement incapable de trouver des solutions appropriées aux multiples problèmes dans lesquels elle se débat.
Pour revenir à la fiscalité, vous savez, celle-ci n'est pas un outil révolutionnaire, mais plutôt un instrument réformiste qui peut contribuer à atténuer les inégalités, et éviter ainsi à la «marmite» d'exploser... Mais il faut croire que nos dirigeants n'ont pas encore atteint ce niveau de lucidité nécessaire…
Pourront-ils un jour l'atteindre, avant qu'il ne soit trop tard ? ■


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