Xavier Reille, responsable Maghreb de la Société financière Internationale, filiale du groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, nous livre son analyse sur l'infrastructure financière du Royaume. Il nous explique en quoi la délégation de la gestion du Credit bureau permet un meilleur accès au crédit.
Finances News Hebdo : Quel regard portez-vous sur l'infrastructure financière du Maroc par rapport aux standards internationaux et à celle des pays de la région ?
Xavier Reille : Le Maroc est l'un des champions de la région MENA, voire du monde francophone. Ce qui se justifie amplement par la mise en place d'une centrale des risques moderne et de deux bureaux de crédit qui fournissent aux banques des informations financières de qualité. A cela, il faudrait ajouter l'arsenal juridique ayant trait à la sûreté, notamment les garanties. A l'échelle régionale, le Maroc occupe la tête du classement du Doing Business 2018 en matière d'accès aux crédits avec la note de 7/8. Les différents éléments précités permettent une meilleure stabilité du secteur financier national par l'amélioration du suivi des risques, ainsi qu'une meilleure inclusion financière. Avec les multiples avancées, les banques seront à même de mieux connaître les profils des emprunteurs, tout en leur évitant le surendettement. L'intérêt d'un tel processus qualitatif est d'arriver à terme à l'octroi de prêts avec moins de garanties, voire sans garanties. Cela dit, l'autre marque qui confirme le positionnement du Maroc en tant que modèle dans le domaine de l'infrastructure financière, est la présence de près de vingt Banques centrales africaines au séminaire international portant sur l'utilisation des centrales des risques.
F.N.H. : Bank Al-Maghrib a délégué la gestion du Credit Bureau. Comment jugez vous l'efficacité de cette démarche et son impact sur le développement du système de partage d'informations sur le crédit au Maroc ?
X. R. : La délégation de la gestion du Credit Bureau était un pas crucial à franchir. Il faut savoir que les Banques centrales gardent jalousement le contrôle de l'information sur le crédit. Or, la promotion de l'information financière va de pair avec la délégation, comme l'a fait BAM. Les bureaux de crédit privés ont l'avantage de fournir des informations sur les risques de crédit, tout en développant plusieurs produits et services à grande valeur ajoutée. A titre illustratif, citons le scoring pour les PME et les particuliers. En d'autres termes, l'expertise des bureaux de crédit privés contribue sensiblement à l'amélioration de l'accès au crédit.
F.N.H. : Les délégataires du Credit Bureau au Maroc livrent un rapport de solvabilité, tout en élaborant le scoring et la gestion du portefeuille. Ces aspects vous paraissent-ils suffisants pour la maîtrise des risques de plus en plus complexes, avec notamment l'expansion des banques marocaines en Afrique ?
X. R. : Il faut savoir qu'il existe une marge de progression pour les Credits Bureaux qui n'ont pas encore des bases de données complètement intégrées. De plus, les liens avec les sociétés de télécommunications ne sont pas encore tissés. L'intérêt de l'interaction des bureaux de crédit avec les opérateurs télécoms réside dans le fait de mieux comprendre les capacités de paiement et les comportements financiers des emprunteurs marocains. L'accroissement de l'intégration des bases de données, couplé à l'augmentation de l'historique des crédits, favorisera à coup sûr une meilleure qualité des scores et des services des bureaux de crédit privés. En somme, le processus est encore dans une phase de montée en puissance. Pou l'heure, l'on dénombre seulement 8.000 personnes enregistrées au niveau des bureaux de crédit.
F.N.H. : En raison de la densification croissante des relations financières entre le Maroc et les pays d'Afrique de l'Ouest, n'est-il pas opportun de mettre en place un Credit Bureau sous-régional ?
X. R. : Nous avons encouragé ce genre d'initiative dans plusieurs régions, mais sans résultats probants. Généralement, la réglementation portant sur la confidentialité des informations personnelles est stricte. A l'échelle internationale, par exemple, chaque pays dispose de ses propres lois. Même l'Union européenne n'a pas encore réussi à mettre en place un bureau de crédit continental.
F.N.H. : Enfin, quels sont les enjeux de l'organisation du séminaire international portant sur l'utilisation des centrales des risques pour les fonctions institutionnelles des Banques centrales ?
X. R. : Cette rencontre est une occasion pour échanger sur les meilleures pratiques, notamment pour les centrales des risques et les bureaux de crédit. Cela permet également de reconnaître le leadership du Maroc comme mentionné plus haut. De plus, le séminaire donne l'opportunité aux pays moins avancés en matière d'informations de crédit et d'infrastructure financière, d'identifier des pistes de réformes opportunes. ■