-Khalid Yousfi, président de l'Ordre national des ingénieurs géomètres-topographes (ONIGT), apporte quelques précisions suite à la grogne de certains IGT relayée par Finances News Hebdo. - Il revient également sur la collaboration avec la Conservation foncière.
Finances News Hebdo : Quelle est l'instance officielle et reconnue qui gère aujourd'hui les affaires des ingénieurs géomètres-topographes au Maroc ?
Khalid Yousfi : Suite au développement socioéconomique constant du Maroc depuis les années soixante et au rôle capital que joue l'ingénierie topographique dans tout projet, la réglementation de la profession d'ingénieur géomètre topographe (IGT) est passée d'un système d'agrément, attribué par l'administration, à une profession organisée en Ordre. C'est ainsi que la loi 30-93 relative à l'exercice de la profession d'IGT et instituant l'Ordre national des ingénieurs géomètres- topographes (ONIGT) a été promulguée par le dahir n°1-94-126 du 25 février 1994 et publié au bulletin officiel le 1er février 1995. L'ONIGT est donc une organisation professionnelle créée par la loi et qui a l'exclusivité de réglementer, de gérer et de défendre les intérêts moraux et matériaux des IGT. L'ONIGT est ainsi l'instance officielle reconnue au niveau national et international qui gère la profession d'IGT au Maroc. Il est également membre de plusieurs institutions nationales et internationales, telles que le Conseil national de l'habitat, la Commission nationale des équivalences des diplômes de l'enseignement supérieur, la Fédération internationale des géomètres et d'autres. L'Ordre regroupe tous les IGT qui exercent la profession dans les secteurs public et privé, qui sont actuellement 1.200 (en comparaison avec 1995 où le nombre ne dépassait pas 600). Il est structuré en un Conseil national et en des Conseils régionaux. Les membres de ces conseils sont élus par les IGT pour un mandat de quatre ans. Les prérogatives de chaque Conseil sont définies clairement au niveau des dispositions de la loi 30-93.
F.N.H. : Certains IGT du privé s'estiment lésés dans leur activité. Qu'en est-il exactement ?
Kh. Y. : J'ai du mal à saisir le fait que certains collègues du privé se disent lésés dans leur activité, car ils doivent s'acquitter de leurs obligations et d'une assurance qui les protège et protège le citoyen ! Je suis d'ailleurs complètement surpris par la réaction d'une petite minorité d'IGT dans certains médias. Je rappelle que la loi institue une cotisation obligatoire exigible de chaque membre de l'ONIGT et le défaut de son paiement est passible de sanctions disciplinaires. Cette cotisation contribue au fonctionnement des Conseils de l'Ordre, qui ne ménagent aucun effort pour défendre les intérêts des IGT et de la profession tout en respectant les lois et règlements en vigueur. La décision de fixation de cette cotisation est prise, telle que prévoit la loi, par le Conseil national en concertation avec les Conseils régionaux. Cette décision est applicable à tous les IGT sans exception, ainsi que l'assurance responsabilité civile professionnelle. Je tiens à préciser que cette cotisation a connu une baisse substantielle en 2017.
F.N.H. : Que répondez-vous à la situation de blocage, au niveau des services extérieurs de la Conservation foncière, dont ces mêmes IGT parlent ?
Kh. Y. : Je voudrais clarifier à ce sujet un point d'ordre juridique, qui est en relation avec l'exercice de la profession d'IGT au Maroc. Il s'agit en effet de différencier entre l'inscription au tableau de l'ONIGT et l'exercice effectif de la profession. La loi 30-93, le règlement intérieur et les décisions de l'Ordre émanant du Conseil national clarifient cette question. En effet, pour porter le titre d'IGT et solliciter l'exercice de la profession (dans le secteur privé ou public) il faut d'abord et obligatoirement être inscrit au tableau de l'Ordre. Mais pour l'exercice effectif de la profession, les IGT sont tenus de respecter le règlement intérieur et les décisions de l'Ordre. Et par conséquent, ils sont soumis, telle que le stipule clairement la décision d'inscription au tableau de l'Ordre, de produire une attestation de situation régulière vis-à-vis des instances ordinales. Pour obtenir cette attestation, il est exigé un certain nombre de documents à fournir par l'IGT au Conseil régional dont il dépend. Je citerai principalement la souscription d'une police d'assurance responsabilité civile professionnelle conformément aux dispositions de la loi. Cette attestation fournie par l'ONIGT est donc aussi une preuve que l'IGT n'est pas suspendu du tableau de l'Ordre suite à une mesure disciplinaire. Je rappelle à ce sujet que ces mesures protègent l'IGT lui-même ainsi que le citoyen et contribuent à combattre l'exercice illégal de la profession. Concernant l'Agence nationale de la conservation foncière, du Cadastre et de la cartographie (ANCFCC), elle a exigé, à juste titre et dans l'esprit de préserver les intérêts des citoyens et d'instaurer plus de transparence et d'équité dans le traitement des dossiers déposés par les IGT, que ces dossiers soient accompagnés du contrat entre l'IGT et son client ainsi que de l'attestation de situation régulière vis-à-vis de l'ONIGT. Cette décision est en parfaite harmonie avec les dispositions de la loi et avec nos priorités stratégiques qui visent le renforcement des bonnes pratiques déontologiques.
F.N.H. : Quelles sont les mesures prises par l'Ordre pour améliorer les conditions d'exercice de ses membres qu'ils soient issus du secteur privé ou public ?
Kh. Y. : Je souhaite de prime abord rappeler que depuis la mise en place de l'ONIGT il y a 23 ans, les Conseils de l'Ordre qui se sont succédé, se sont investis dans la protection de la profession et dans le renforcement de ses obligations déontologiques vis-à-vis des tiers. Depuis l'élection des nouveaux conseils, il y a un peu plus d'un an, nous avons travaillé sur l'adoption d'une nouvelle vision stratégique qui part des constats suivants : les IGT souffrent sur le plan économique et les pratiques professionnelles manquent de respect de la déontologie. Nos priorités dans le cadre de notre plan d'action 2016-2020 se penchent sur trois axes : la modernisation de la gestion des conseils de l'Ordre, le développement des partenariats gagnant-gagnant pour améliorer les conditions matérielles des IGT et le renforcement du contrôle des bonnes pratiques déontologiques. Ces axes comportent plusieurs chantiers, je citerais les plus importants : le renforcement de l'arsenal juridique régissant la profession par l'amendement de la loi 30-93 et l'entrée en vigueur de l'application du code des devoirs professionnels et le complément du dispositif des normes techniques formant les règles de l'art de la profession. Ajoutons à cela, la consolidation des partenariats avec les pouvoirs publics afin d'améliorer les conditions économiques des professionnels et la contribution à la mise en œuvre des chantiers structurants du pays (à titre d'exemple, la convention signée avec l'ANCFCC, d'autres sont en cours d'étude avec d'autres départements). Au programme figure également, la déclinaison d'une stratégie pour l'ouverture du marché à l'international et particulièrement en Afrique, en activant les partenariats existants et en signant de nouveaux partenariats, la mise en place d'une plateforme informatique visant à dématérialiser les services rendus à l'IGT (à titre d'exemple le contrat électronique de l'IGT) et la création d'un espace dédié aux jeunes IGT pour les impliquer dans la gestion de la profession et assurer la relève. ■
Propos recueillis par Charaf Jaidani
Des objectifs en commun avec la Conservation foncière Au lendemain de la nomination de Karim Tajmouati à la tête de l'Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC), l'ONIGT a convenu, en commun accord avec cette dernière, de la mise en place de plusieurs commissions mixtes, dont l'une porte sur la dématérialisation des services de cet organisme. Les membres de ces commissions ont travaillé d'arrache-pied pour l'élaboration de plans d'action. Au niveau de chaque plan d'actions ont été déclinés des objectifs et des actions échelonnés dans le temps. Le travail de la commission mixte sur la dématérialisation a été couronné par la signature de la 1ère convention spécifique, qui est le fruit d'une collaboration fructueuse entre l'ONIGT et cette importante institution. Ladite convention a pour objectif de mettre à la disposition des IGT privés une plateforme de consultation des données disponibles au niveau des services de l'ANCFCC, de dépôts des dossiers topographiques, de leur contrôle et leur validation. Ce qui va assurer la transparence, la réduction des coûts et une amélioration du service rendu au citoyen. Cette convention est la première d'une série d'accords que l'ONIGT compte signer avec l'ANCFCC et d'autres organismes dans le but de renforcer la coopération avec les pouvoirs publics. ■