Déterminé à mettre terme aux multiples accusations fallacieuses portant atteinte à l'honneur de son institution, Khalid Yousfi ne compte pas subir sans réagir. - Dans un communiqué rendu public par un syndicat de la profession, des accusations sont adressées aux Ingénieurs Géomètres Topographes (IGT) concernant la falsification de dossiers destinés à la Conservation foncière. Quel commentaire en faites-vous ? - D'abord, ces gens ont commencé à accuser à tort et à travers les IGT. Ce sont des accusations gratuites contre les ingénieurs qui travaillent avec l'administration, et plus particulièrement avec l'Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC) ainsi que ceux du secteur privé. Comme vous le savez, aujourd'hui les textes de loi qui régissent l'urbanisme sont très stricts et très clairs lorsqu'il s'agit de conformité... Le rôle de l'IGT est d'établir l'état des lieux. Si un citoyen ou une institution lui confie un dossier pour l'immatriculer, il doit relever la réalité. La conformité ne relève pas de ses compétences, mais de celles d'autres responsables au ministère de l'Urbanisme, à l'Intérieur, et à la Conservation foncière. L'IGT relève l'état des lieux. En tant qu'Ordre, l'objet de notre existence est de réglementer et gérer la profession. Dès qu'on reçoit une plainte, on l'instruit automatiquement. J'étais obligé de riposter à ces fausses allégations malveillantes qui ont profané la profession. - Ces "accusateurs" ont-ils présenté des preuves ? - Malheureusement pour eux, ils ne sont en possession que d'un simple communiqué. Nous sommes dans un pays de droit. S'ils avaient des preuves, il y a deux voies légales à suivre : déposer plainte auprès de l'ONIGT contre l'ingénieur responsable, pour que nous puissions enclencher nos procédures, ou de la déposer auprès du Procureur. On ne peut en aucun cas le faire par presse interposée. Il faut déposer la plainte, et attendre que les procédures, judiciaires ou disciplinaires, aboutissent. Ensuite, dans l'appareil judiciaire, il existe trois niveaux de recours. La première instance, la Cour d'appel, et la Cour de Cassation. En ce qui concerne l'Ordre, le premier interlocuteur est le Conseil régional. Si le plaignant n'est pas convaincu de la décision du Conseil régional, il fait appel au Conseil national, dont je suis le président. Le tribunal administratif en est la troisième instance, puisque les décisions de l'Ordre National sont considérées comme des décisions administratives. - Pouvons-nous dire que l'Ordre a des "ennemis" ? - Je ne vais pas les qualifier d'"ennemis", mais plutôt des personnes qui essayent de semer la discorde et le doute dans la profession, et de créer des dissensions entre l'Ordre et ses partenaires. Les personnes derrière ces allégations sont des ingénieurs topographes, qui sont poursuivis dans des procédures disciplinaires. Leurs dossiers ont été bouclés avant le confinement. Ils ont commis des actes de ce type et le Conseil avait décidé de les poursuivre en justice. Actuellement, ils ont des dossiers en justice. Je peux vous dire que c'est une sorte de pression sur la profession pour la faire reculer par rapport aux procès en cours. Ce sont des personnes qui n'exercent plus. Après avoir demandé leur situation auprès des Conseils régionaux, auxquels chaque ingénieur est lié, nous avons constaté qu'ils n'ont pas payé leurs cotisations depuis 2013, et n'ont pas remis leurs assurances de responsabilité civile obligatoire au Conseil depuis 2014. Leurs dossiers disciplinaires contiennent des suspensions d'exercice de la profession. Nous attendons que ces sanctions soient publiées au Bulletin Officiel pour qu'elles entrent en vigueur. Malheureusement, ils portent atteinte à leur propre profession. Nous sommes, de toutes façons, déterminés à mettre fin à ce genre de comportements. C'est une minorité, ce n'est même pas une dizaine de personnes sur 1.250 ingénieurs géomètres topographes. - Comptez-vous prendre des mesures disciplinaires à leur encontre ? - Notre référence est la loi. Celle-ci m'oblige à présenter ce dossier devant l'Ordre et c'est au Conseil national de prendre la décision la plus judicieuse. La riposte via la presse fait partie de mes prérogatives. Pour ce qui relève des sanctions, je vais réunir les membres du Conseil pour statuer. - Par ailleurs, quel a été l'impact de la crise sanitaire sur votre activité ? - Comme notre profession est liée à plusieurs secteurs qui ont été touchés économiquement par la pandémie, dont les travaux publics, la construction, l'immobilier, nous avons été confrontés à l'arrêt des chantiers. Puisque l'IGT travaille sur ces chantiers, il y avait un arrêt quasi total à 90% de l'activité durant toute la période du confinement. Ceci a concerné les appels d'offres, les contrats signés avec des administrations publiques, et notre clientèle privée. - Quelles sont les mesures d'urgence que vous avez entrepris à cet égard ? - Nous avons mis en place un Comité de crise. Parmi les actions menées, nous avons demandé à tous les ingénieurs qui avaient des factures en souffrance avec des administrations de nous en adresser les références. J'ai établi une base de données que j'ai communiquée aux ministères concernés pour débloquer leurs paiements. Nous avons également contribué au Fonds d'aide spécial Covid-19 à hauteur de 1,09 million de dirhams, dont 400 mille DHS des caisses de l'ONGIT. Le reste était des contributions bénévoles des ingénieurs. Aussi, tous les communiqués et décisions gouvernementales officielles ont été mises en ligne sur la rubrique "Le Kit de reprise d'activités" de notre site web.
Recueillis par Safaa KSAANI Portrait : Le représentant des IGT Khalid Yousfi, Ingénieur Géomètre Topographe à titre privé, est diplômé de l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II à Rabat. Il a été élu à la tête de l'Ordre National des Ingénieurs Géomètres-Topographes (ONIGT) en 2016. Deux ans après sa nomination, il a été élu à l'unanimité Secrétaire général de la Fédération des Géomètres Francophones (FGF). Il est également Trésorier et membre du Bureau exécutif de l'Union Méditerranéenne des Géomètres (UMG). Parmi les grandes réalisations de l'ONIGT durant le mandat de cet expert judiciaire près la Cour d'appel de Rabat, on relève l'achèvement de l'arsenal juridique qui encadre la profession, par la publication au Bulletin Officiel du décret portant Code des Devoirs Professionnels définissant les droits et les obligations des IGT membres de l'ONIGT et protège davantage les citoyens, les opérateurs privés, les institutions publiques et semi-publiques. Il convient également de noter que l'ONIGT a lancé en 2018 la plate-forme numérique de gestion du contrat électronique de l'IGT dans le but de protéger davantage les intérêts des citoyens et des opérateurs privés. D'autre part, c'est un moyen digital pour sécuriser l'exercice de la profession et réduire les risques de fraude, en créant pour chaque contrat établi par l'IGT un Code QR unique qui fait partie de son identité à apposer sur tous les plans et documents qu'il établit dans le cadre de ce contrat.
S. K. Repères Les allégations rejetées par l'ONIGT Suite à la diffusion par certains organes de presse électronique d'un communiqué de presse, portant des accusations contre l'ONIGT et ses différentes composantes, le président de l'Ordre a tenu à apporter des précisions en vue d'éclairer l'opinion publique. D'abord, l'Ordre est le seul et l'unique porte-parole officiel des IGT, et aucune partie, quelle que soit sa nature, n'a le droit de se faire passer pour son porte-parole. L'ONIGT est l'institution officielle qui représente les IGT des secteurs privé et public, au niveau national et international, et ce, depuis sa création en vertu du dahir n° 1.94.126 du 25 février 1994 (14 Ramadan 1414). Ensuite, les décisions de l'ONIGT sont totalement indépendantes et sont prises dans un cadre institutionnel au niveau du Conseil national. 60.000 emplois générés Aujourd'hui, 20.000 emplois directs et 40.000 emplois indirects sont générés par les 700 entreprises qui travaillent avec l'ONIGT, selon son président. Le Chiffre d'affaires de ce dernier dépasse 1 milliard de dirhams. L'investissement annuel dépasse, quant à lui, 100 millions de dirhams. La profession des IGT est liée aux nouvelles technologies. "Pratiquement chaque année, nous sommes amenés à renouveler notre matériel et tous nos logiciels. Il y a une vingtaine d'années, l'IGT travaillait sur chantier avec des appareils de mesure classiques. Avec le développement technologique, on est passé au positionnement par satellite, aux prises de vue par drone", explique Khalid Yousfi. Tout cela nécessite une mise à niveau des outils technologiques, ce qui pèse sur les entreprises concernées.