- La disposition fiscale introduite dans la LF 2011 relative au transfert de l'entreprise individuelle vers la société personne morale, est toujours d'actualité. - Depuis 2011, seulement 6.000 entreprises ont changé de statut
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A l'instar de celles qui l'ont précédée, la Loi de Finances 2018 est pléthorique en dispositions à tel point que l'on s'interroge sur leur portée et impact en matière d'équité fiscale. Passer en revue toutes les mesures figurant dans un budget s'avère un exercice périlleux, pour ne pas dire impossible. Mais il semble parfois opportun et même judicieux de s'attarder sur une mesure perpétuelle. En 2011, le législateur a introduit dans le Budget une disposition fiscale en faveur du transfert de l'entreprise individuelle vers la société personne morale. Depuis, et en parcourant les différentes Lois de Finances qui se sont succédé, cette mesure est reconduite. Et pour cause, le but tant escompté par la DGI n'est pas encore atteint et l'entreprise individuelle rencontre toujours un franc succès. Cette mesure, qui devait s'éteindre à fin 2016, figure encore dans le corps de la LF 2018. Concrètement, l'opération ne consiste pas uniquement à clôturer son entreprise individuelle pour créer une société. La mise en société s'apparente davantage à un transfert des actifs existants pour les mettre dans une forme juridique différente. Le principal leitmotiv est d'optimiser les opérations de restructuration et de transformation des entreprises individuelles tout en assurant une meilleure neutralité fiscale.
La mise en société ne séduit pas
Juste après l'instauration de cette disposition en 2011, 187 entreprises individuelles ont changé de régime juridique contre une trentaine un an auparavant, comme en attestaient les chiffres fournis par la DGI. Face à la neutralité fiscale, le chiffre semble dérisoire. Du 1er janvier au 31 décembre 2014, à peine 409 entreprises individuelles se sont transformées en sociétés. Un chiffre que la Direction générale des impôts note avec satisfecit. Et même aujourd'hui, les réalisations restent en deçà des attentes. Depuis 2011, le tissu économique est à peine à 6.000 entreprises ayant changé de statut. Comment pouvons-nous juger ces chiffres comme étant favorables si la mesure introduite dans la LF 2011 est reconduite d'année en année? C'est dire qu'en dépit des privilèges qu'offre la forme sociétaire, cette dernière ne séduit pas pour autant. En effet, la forme individuelle présente l'avantage d'être souple et peu coûteuse. Sur le plan juridique, l'entreprise individuelle n'a pas de personnalité morale, c'est-à-dire qu'elle-même et l'entrepreneur constituent une seule et même entité juridique. On parle même de confusion de patrimoines dans la mesure où l'on ne fait pas la distinction entre le patrimoine de l'entreprise individuelle et celui de l'entrepreneur. Justement, cette confusion des patrimoines peut avoir même des effets graves en cas de redressement ou de liquidation judiciaire parce que l'entrepreneur est indéfiniment responsable des dettes de l'entreprise sur la totalité de son patrimoine professionnel et personnel. La création d'une société peut ainsi être un moyen de protection de ce qu'elle détient. Et pourtant, l'afflux tant espéré par le fisc n'est pas obtenu. Il semble donc que les avantages fiscaux de la forme sociétaire sont nécessaires, mais pas suffisants pour encourager la migration. Il est souvent fait référence au contrôle fiscal qui hante les entrepreneurs. Dans une sortie médiatique, le Directeur général des impôts, Omar Faraj, souhaitant mettre en confiance les entrepreneurs, a assuré à son auditoire qu'en cas de transfert à la forme sociétaire, aucun contrôle ne sera effectué. Aujourd'hui, avec le nouveau barème de l'IS progressif qui diminue le taux réel d'imposition, le fisc peut espérer le basculement vers la forme sociétaire. «Il est rappelé que l'article 8 de la L.F n° 68-17 pour l'année budgétaire 2018 a modifié et complété les dispositions de l'article 19-I-A du Code général des impôts (C.G.I.) pour instituer un barème progressif en matière d'impôt sur les sociétés (IS) qui se substitue au barème proportionnel appliqué auparavant, avec la révision des tranches d'imposition et des taux correspondants, en retenant trois tranches et taux au lieu de quatre», explique une source au sein de la DGI. Et d'ajouter : «Cette mesure répond à une doléance des opérateurs visant l'adaptation des taux de l'IS à la capacité contributive des sociétés, compte tenu de la structure de l'économie nationale constituée essentiellement des petites et moyennes entreprises». La forme sociétaire constitue le cadre adapté pour les personnes qui optent pour l'exerce de leurs activités dans un cadre plus organisé, plus structuré et plus transparent, au regard aux obligations sociales, comptables et fiscales liées à cette forme juridique. C'est dire que le nouveau barème sur l'S est plus avantageux que celui de l'IR. Il s'agit encore d'un cas de figure où le principe de justice et d'équité fiscale est vraiment bafoué. Cette équité et justice fiscale qui ont fait le socle des Assises de la fiscalité tenues en 2013, sont au stade des promesses. Il serait plus judicieux que le législateur instaure le même barème pour les deux statuts et laisser l'entière liberté de choix à l'entrepreneur. Un raisonnement que ne partage pas la DGI : «Il est rappelé que le nouveau barème progressif d'IS est considéré équitable dans la mesure où il permet une réduction des inégalités entre les contribuables soumis au même régime fiscal. L'équité fiscale doit être entendue dans le sens d'assurer un même traitement fiscal aux catégories de contribuables ayant opté à un même régime juridique pour l'imposition de leurs revenus». Pour l'institution de Omar Faraj, l'encouragement de la transformation des entreprises individuelles en sociétés est un choix stratégique de la politique fiscale, pour pousser ces entreprises vers plus de transparence et de professionnalisme, ce qui explique les avantages qu'offre actuellement le barème progressif en matière d'IS par rapport à l'IR. ■