Entretien avec Omar Faraj, directeur général des Impôts ALM : L'année 2016 a été marquée par l'ouverture sur les banques et autres prestataires pour le paiement de la vignette. Quel bilan peut-on tirer de cette opération ? Omar Faraj : Pour une première année, le bilan est satisfaisant. Nous avons tenu le pari d'offrir un meilleur service au citoyen et d'améliorer la gestion de cette taxe. La campagne 2016 a connu la participation de neuf banques et quatre prestataires de services de paiements. Le paiement de la TSAVA a ainsi été possible dans plus de 10.000 points de vente, en plus des guichets automatiques bancaires, de plusieurs sites web et des services sur les téléphones mobiles. Pour partager des résultats chiffrés, je préciserais qu'au cours du mois de janvier, le nombre de paiements effectués s'est élevé à 1.834.676 opérations pour 1.709.449 paiements au cours de la campagne 2015, soit une augmentation de 7,3%. Au plan des recettes, nous avons enregistré une hausse de 13,5% par rapport à l'année dernière, en atteignant 1.930 MDH contre 1.700 MDH en 2015. Les agences bancaires ont collecté 67,60% des recettes, suivies des espaces service avec 13,55%, des recettes de l'administration fiscale pour une part de 8,8% et des GAB avec 4,92%. Quelles sont les autres nouveautés pour cette année 2016 ? La logique qui sous-tend les projets que nous initions est une logique de facilitation et de simplification car nous croyons fermement qu'en simplifiant les démarches des citoyens, nous gagnons également en efficacité et le rendement sera assurément au rendez-vous. Cela implique parfois de faire les choses autrement et nous nous y attelons sans hésitation. Cette année, nous poursuivrons notre action de facilitation des actes de déclaration et de paiement des impôts à travers l'augmentation des adhérents au système SIMPL et l'introduction d'une offre multicanal de paiement de l'impôt : sur Internet et au niveau des guichets bancaires. Nous offrirons également aux contribuables la possibilité de consulter en ligne leur compte fiscal. Ce compte leur permettra de visualiser leurs déclarations, leurs paiements, ce qu'ils doivent mais également ce que l'Etat leur doit, éventuellement en cas de demande de remboursement. Ils pourront également suivre leurs demandes et s'assurer de l'étape de traitement où ils se trouvent. Nous allons aussi dématérialiser quelques attestations, notamment l'attestation de chiffre d'affaires, d'inscription à la patente et le bulletin d'identification. Les contribuables n'auront plus à se déplacer pour les obtenir. Une nouvelle ère en quelque sorte donc qui se dessine… Nous sommes tous des serviteurs quand il s'agit du secteur public. Il n'y a pas de vedette. Il s'agit d'abord et avant tout d'un travail d'équipe car tout ce que nous avons réalisé est le fruit des idées et de l'implication des 5.000 fonctionnaires de cette direction. Dès mon arrivée auprès d'eux, j'ai effectué une tournée des services à travers tout le pays. Nous avons également organisé des journées d'études internes rassemblant des personnes venant de différentes régions du Royaume et ce, pour discuter à cœur ouvert d'un certain nombre de sujets, notamment le contrôle, le recouvrement, les affaires juridiques, etc. Nous avons fait du brainstorming pour peser le pour et le contre en toute objectivité afin de constituer des groupes de travail dispersés sur le pays... Et les résultats de cette réflexion collective ont germé naturellement. Justement avez-vous pu relever le challenge ? Ce n'est jamais gagné. Toutefois, je peux dire ma satisfaction de travailler dans une direction caractérisée par un engagement total des collaborateurs et un état d'esprit ouvert à l'innovation qui consiste à se demander continuellement : est-il possible de faire les choses autrement, mieux, moins cher et plus vite ? L'un des gros chantiers du fisc au Maroc reste l'élargissement de l'assiette fiscale avec des résultats mitigés. Est-ce que l'intégration de l'informel, notamment, est une mission impossible ? Le rôle de la fiscalité reste relatif. La fiscalisation progressive du secteur informel doit nécessairement être conjuguée avec d'autres approches au sein d'une stratégie globale impliquant l'ensemble des départements et des acteurs publics et privés concernés. Telle est l'une des principales recommandations des dernières Assises nationales sur la fiscalité tenues en avril 2013. Mais il n'en demeure pas moins que nous avons un rôle à jouer. Afin d'accompagner le secteur informel dans sa migration vers le secteur organisé, l'administration fiscale a entrepris une série d'actions d'incitation et d'appui. Je citerais d'abord l'encouragement de la conformité volontaire par le biais de l'instauration d'un climat de confiance, la simplification des démarches fiscales et l'octroi de garanties aux contribuables. Nous agissons également au plan du renforcement de la transparence, avec l'obligation de tenir une comptabilité et l'adoption des règles de facturation, l'obligation d'afficher le numéro d'article de la taxe professionnelle, la mention de l'identifiant fiscal sur les documents professionnels établis par les professions libérales non soumises au RC, etc. Je citerais, par ailleurs, la mise de notre expertise au service de la réduction de la pression fiscale. L'administration fiscale met ainsi à la disposition des organes de décision différents outils et simulations pour mesurer l'impact et la portée des mesures d'allégement progressif de la charge fiscale des contribuables à travers la réduction des taux. Des mesures spécifiques ont également été adoptées, notamment l'institution du régime de l'auto-entrepreneur et l'encouragement des contribuables non appréhendés à s'identifier fiscalement en ne les imposant que sur la base des revenus acquis et des opérations réalisées à partir de la date de leur identification fiscale. Cette mesure est applicable jusqu'au 31 décembre 2016. Au plan du contrôle, nous avons renforcé l'échange d'informations entre la DGI et les autres administrations, en plus du renforcement du dispositif visant la lutte contre les fausses factures par la loi de Finances 2016. Et les mesures phares introduites dans la LF pour l'année 2016 ? Les dispositions fiscales de la loi de Finances pour l'année 2016 œuvrent principalement à l'encouragement de l'investissement, avec l'institution d'un barème proportionnel de l'IS et la généralisation du droit à remboursement de la TVA sur les investissements. Elles visent également le renforcement de l'équité, par le biais de la révision des sanctions et l'instauration d'une progressivité en fonction de la gravité de l'infraction, le relèvement de la prescription à 10 ans en cas de non déclaration, la limitation des factures payées en espèce et enfin une mesure d'importance qui concerne l'octroi d'une assise juridique à la déclaration rectificative. La loi de Finances a également introduit des mesures tendant à améliorer la qualité des services rendus aux usagers. Je citerais notamment l'externalisation du paiement de la vignette automobile, la généralisation de l'obligation de télé-déclaration et de télé-paiement en 2017, la dispense de déclaration pour certains forfaitaires et la télé-déclaration des actes par les notaires. Les communes ont du mal à collecter les taxes locales. Quel état des lieux vous faites et comment la DGI peut-elle travailler avec les collectivités sur ce dossier ? La Direction générale des impôts gère l'assiette de trois taxes locales : la taxe professionnelle, la taxe d'habitation et la taxe de services communaux. Leur recouvrement est assuré par la Trésorerie Générale du Royaume. Pour élargir l'assiette des taxes locales, la DGI a sensiblement amélioré ses méthodes d'appréhension de la matière imposable. A cet effet, à côté du recensement sur place, il est fait recours à d'autres approches alternatives, telles que l'exploitation des fichiers des actes enregistrés, des fichiers des régies d'eau et d'électricité, l'exploitation des recoupements obtenus des communes (permis d'habiter, actes des baux et de location, autorisations d'exploitation). La DGI fournit également aux services de recouvrement compétents toute information utile pour procéder aux diligences nécessaires. Sur un autre registre la DGI participe à tous les comités de réflexion chargés par le ministère de tutelle de mettre en place une nouvelle réforme des taxes locales. L'évasion fiscale reste tout de même une sérieuse problématique. Comment luttez-vous contre ce phénomène ? De nos jours, les stratégies d'évasion et de fraude se diversifient, se complexifient et s'internationalisent. Pour y faire face, un certain nombre de mesures d'ordre législatif et opérationnel a été entrepris par la DGI. Au niveau législatif, il s'agit pour l'administration fiscale de faire en sorte que le dispositif légal, réglementaire et doctrinal soit le plus cohérent possible et le plus explicite pour éviter toute interprétation à même de faciliter des comportements d'évasion fiscale. Au plan international, afin de contrer l'évasion fiscale internationale, notamment au niveau des transferts indirects de bénéfices à l'étranger, la DGI a prévu l'obligation de communication des informations et documents relatifs à la nature des relations liant l'entreprise imposable au Maroc à celle située hors du Maroc ainsi que la possibilité de rectification des prix des opérations réalisées. De même, et dans le cadre de l'amélioration de la transparence, la loi de Finances 2015 a introduit la procédure d'accord préalable sur les prix de transfert permettant la détermination concertée d'une méthode de prix de transfert en conformité avec le principe de pleine concurrence. Par ailleurs, la DGI a adhéré au Forum mondial sur la transparence et l'échange des renseignements à des fins fiscales et s'est engagée dans le processus de l'automatisation des échanges d'informations afin de lutter contre les détournements d'argent, l'évasion et la fraude fiscales.