Si le gouvernement table sur un taux de croissance de 3,2% du PIB pour l'année 2018, certains experts situent ce chiffre autour de 2% en raison des conditions climatiques qui prévalent.
Chaque fin ou début d'année, le rituel est quasiment immuable, experts et commentateurs chevronnés s'interrogent sur la fiabilité des prévisions économiques, tout en confrontant celles-ci à une panoplie de facteurs-clefs endogènes et exogènes. La Loi de Finances 2018 prévoit une croissance de l'économie nationale de 3,2% en tenant compte de la poursuite de la dynamique des secteurs non agricoles qui devraient atteindre 3,7% en 2018 contre 3,2% en 2017. L'application des différentes stratégies sectorielles, les grands chantiers, la mise en œuvre de la régionalisation et les mesures orientées vers l'investissement et l'entreprise constitueraient selon l'Exécutif des moteurs de l'activité économique. Contacté par nos soins, Mehdi Lahlou, professeur à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée (Insea), parle d'un plafond et d'un seuil très optimiste de la part du gouvernement par rapport aux conditions climatiques. «Le taux de croissance globale ne devrait pas dépasser les 2% du PIB», assure-t-il. Les projections de croissance pour l'année 2018 diffèrent selon les institutions spécialisées. En effet, selon Bank Al-Maghrib, sous l'hypothèse d'une campagne agricole moyenne, la croissance globale ralentirait à 3% en 2018. Pour sa part, le haut-commissariat au Plan (HCP) est encore moins optimiste, puisqu'il table sur un taux de croissance de 2,9% du PIB en 2018. Le repli de la valeur ajoutée agricole à 1,1% et la légère reprise des activités non agricoles de l'ordre de 2,9% seraient à l'origine de cette perte de vitesse en comparaison à l'année 2017 qui afficherait un taux de croissance supérieur à la barre des 4% du PIB selon les prévisions. Résultat des courses : les perspectives économiques de 2018 confirment le ralentissement de la croissance et mettent à nu les difficultés pour les activités non agricoles à se réinscrire dans le sentier de croissance de plus de 5% réalisé avant la crise économique de 2008. Les projections mettent également en relief la continuité de l'arrimage de l'économie nationale à l'activité agricole, toujours dépendante des conditions climatiques. Sur un autre registre, selon la Banque centrale, l'inflation se situera à 1,5% en 2018 et à 1,6% en 2019. Toujours au volet de la stabilité des prix, le gouvernement a retenu le chiffre de la Banque centrale pour la Loi de Finances 2018 qui met en évidence un effort supplémentaire en matière d'investissement (+5 Mds de DH) pour culminer à 195 Mds de DH. L'autre paramètre important pour une économie aussi ouverte que celle du Royaume a trait à l'économie mondiale et au dynamisme de l'activité des pays du Vieux continent (premiers partenaires économiques du Maroc). Ainsi en 2017, la croissance devrait terminer l'année avec une accélération à 2,3% du PIB dans la zone Euro, avant de ralentir à 1,8% en 2018. A ce titre, il y a lieu de rappeler que le HCP alerte sur la rigidité à la baisse du déficit commercial en 2017 et 2018 (18,9% du PIB).
Vers un effritement des réserves de change ?
Concernant les comptes extérieurs, les exportations de biens et services enregistreraient une hausse de 5,7% en 2018, alors que les importations s'accroitraient de 5,2%. A ce titre, les pronostics de Bank Al Maghrib (BAM) vont dans le sens de la progression des cours du baril de pétrole (57,8 dollars contre 52,8 dollars en moyenne en 2017), qui pèsent sur les réserves de change et la balance commerciale. Sous l'hypothèse des rentrées de dons du Conseil de coopération du Golfe (CCG) de 7 milliards de DH en 2018, le déficit du compte courant se maintiendrait à 3,6% du PIB en 2018. Quant aux réserves de change, d'après les hommes du HCP, elles passeront de 5 mois et 24 jours d'importations de biens et services en 2017 à 5 mois en 2018.
Amélioration des finances publiques
Sous l'angle des finances publiques, le gouvernement, BAM et le HCP tablent sur un recul du déficit budgétaire en 2018, même si l'importance de celui-ci diffère en fonction des prévisions des trois entités. A en croire le HCP, le déficit budgétaire devrait se positionner autour de 3,5% du PIB, en raison de la rationalisation des dépenses budgétaires et du renforcement de la collecte des recettes fiscales. BAM et le gouvernement sont davantage optimistes, puisqu'ils prévoient un déficit budgétaire de 3% du PIB. La même dynamique baissière devrait être enregistrée par la dette du pays. En effet, le taux d'endettement du Trésor se situerait à près de 64,1% du PIB en 2018 et la dette publique globale représenterait 80,2% du PIB (contre 80,9% pour 2017). Pour rappel, l'objectif du gouvernement est de porter le niveau de la dette du Trésor à 60 % du PIB à l'horizon 2021. Par ailleurs, en 2018, l'épargne nationale connaîtra un léger recul à 28% du PIB contre 28,3% en 2017.