Les pluies attendues n'auront qu'un effet limité sur les semis tardifs et cultures printanières comme les légumineuses. L'effet de la sécheresse et la vague de froid ont impacté l'état végétatif des cultures et des pâturages. Le gouvernement a tergiversé avant de lancer les mesures dédiées pour limiter les dégâts. C'est un climat d'inquiétude qui règne dans le monde rural, la persistance de la période de sécheresse, accompagnée d'une grêle sévère, a sérieusement endommagé l'état végétatif des plantes surtout dans les zones bour. Après trois saisons favorables, la campagne agricole 2011/2012 semble compromise. Les pluies tant attendues pour les mois de mars et avril pour sauver la situation ne peuvent que limiter les dégâts et n'avoir d'effet bénéfique que sur les cultures printanières qui, dans l'ensemble, ne représentent que 20% des récoltes. Elles sont composées essentiellement de céréales tardives et de légumineuses. «Il ne faut pas s'attendre à des résultats miraculeux, les pluies éventuellement attendues peuvent sauver en partie la campagne, mais il faut qu'elles soient bien réparties dans l'espace et dans le temps et aussi suffisantes mais non excessives, sinon les résultats seront mitigés», a affirmé Ahmed Ouayach, président de la Confédération marocaine de l'agriculture (Comader). A quelques mois de la saison des moissons, le scénario catastrophe commence déjà à s'installer, surtout chez les éleveurs. Une petite tournée dans les souks hebdomadaires donne une idée sur l'ampleur des dégâts. Il y a d'un côté une chute des prix du bétail et, de l'autre, une flambée des cours des aliments destinés au cheptel. Mohamed Belmahfoud, marchand de bétail depuis plus de 30 ans opérant dans la région de la Chaouia, résume la situation : «En trois mois, les prix du bétail (ovin ou caprin) ont baissé de plus de 50% exceptés ceux des animaux engraissés destinés aux abattoirs qui maintiennent quelque part la cote. C'est un scénario qui se répète à chaque fois que les pluies font défaut. Si la clémence du Ciel n'est pas au rendez-vous, il faut s'attendre au pire. Les éleveurs ne peuvent pas supporter des charges à coût élevé car ils vont exploiter à perte». En effet, les prix des aliments de bétail sont en hausse continue. Certains produits ont connu une progression fulgurante atteignant parfois 300%. L'orge (aliment indispensable dans l'élevage) qui se négociait à 150 DH le quintal en moyenne au cours des mois de juillet/août derniers, a atteint aujourd'hui 350 DH, le son culmine à 120 DH la caisse de 40 kg, le maïs grimpe à 3,5 DH le kilo. Mais le fait saillant est le prix de la botte de paille qui dépasse 25 DH alors qu'il n'était que de 5 DH il y a quelques mois. Les bottes fourragères atteignent 50 et même 60 DH dans certaines régions. «Ces prix sont appelés à augmenter davantage. Car il y a une forte demande et des tensions sur l'offre. Les exploitants sont prudents et ne vendent que parcimonieusement. Anticipant une année difficile, ils préfèrent garder l'excédent pour des jours meilleurs. Avec les prix actuels des aliments et une pénurie en pâturages, l'état du bétail va se dégrader et plusieurs éleveurs vont se débarrasser d'une partie ou de la totalité de leurs troupeaux», a affirmé un marchand de bétail dans la région de Benslimane. De l'avis de tous les spécialistes, dans le meilleur des cas les récoltes ne vont pas dépasser 50 millions de quintaux. Dans les conditions actuelles et si la sécheresse persiste, les estimations tablent sur un résultat de moins de 35 millions de quintaux. Pour faire face aux mauvaises récoltes et pour mieux négocier les prix du blé à l'international, le gouvernement a annoncé la semaine dernière la prorogation de la suspension des droits de douane à l'importation du blé tendre jusqu'au mois d'avril 2012, et du blé dur jusqu'à la fin de mai 2012. Pour compenser le déficit prévu, le Maroc devra donc importer entre 1 et 1,1 million de tonnes de blé tendre durant la période allant du 1er mars à fin mai de cette année. Mais dans l'ensemble, le Maroc devra importer plus de 4 millions de tonnes toutes céréales confondues durant cette année. Il faut s'attendre à une facture d'importation de plus de 10 milliards de DH (1,2 milliard de dollars). Ce qui alourdira davantage la balance commerciale et impactera les avoirs en devises. Sous l'effet de la sécheresse, les réserves en eau des barrages, arrêtées au 5 mars 2012, ont diminué par rapport à la précédente saison. Même si le niveau n'est pas inquiétant, le volume total a régressé à 11,08 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 65% contre 12,09 milliards de m3 au cours de la même période de l'année dernière. Le même état a été constaté dans les nappes phréatiques qui seront mises à rude épreuve. Par Charaf Jaidani 1,53 Md de DH pour sauvegarder le cheptel Face à ce constat, la commission de la production à la Chambre des représentants a demandé une réunion d'urgence avec Aziz Akennouch, ministre de l'Agriculture, qui a répondu présent le 8 mars. Il est question d'exposer la situation de la campagne et les différentes mesures que le département de tutelle a prises ou envisage de prendre pour venir en aide aux exploitants. L'Etat hésite encore à décréter le scénario catastrophe, espérant que les pluies de mars sauveront quelque peu la mise. Le gouvernement a mis au point un programme de soutien au secteur agricole, afin de prévenir une dégradation de la situation face au retard des précipitations, Une enveloppe budgétaire de 1,53 milliard de DH a été allouée principalement à la sauvegarde du cheptel dans les zones touchées. Ce programme consiste à subventionner 5 millions de quintaux de fourrages, tout en donnant la priorité à l'orge et aux fourrages complexes Le prix ciblé de l'orge est 200 DH pour les éleveurs. Il consiste également à prendre en charge les frais de transport des fourrages (3 millions de quintaux), à accorder plus d'importance à la santé animale, à travers la vaccination du cheptel, et à accélérer l'indemnisation des agriculteurs touchés. La subvention des prix des semences certifiées et l'exonération de l'orge des droits de douane figurent au menu de ce programme, selon le ministre qui a précisé qu'en cas de dégradation de la situation, un programme complémentaire sera élaboré selon le volume des précipitations des mois de mars et d'avril prochains.