Face à un passif lourd, une conjoncture défavorable et des engagements importants, l'exécutif a revu ses ambitions à la baisse. Il a reconduit la décision, délaissée par son prédécesseur, d'augmenter les taxes sur l'automobile et le tabac. Le nouveau gouvernement a enfin adopté, lors de son dernier conseil, le projet de Loi de Finances 2012. De l'avis de plusieurs spécialistes, «c'est un relifting du texte adopté par le cabinet sortant». En tout cas, vu la conjoncture aussi bien nationale qu'internationale, l'équipe de Benkirane a été contrainte de réviser plusieurs paramètres, à commencer par le taux de croissance qui a été ramené à 4,2% au lieu des 5% promis lors de la déclaration gouvernementale et du programme électoral du PJD, chef de file. Autre fait marquant, le déficit public qui est passé à 5%, loin de la barre des 3% conforme à l'orthodoxie financière que le Maroc a adoptée. «L'actuel gouvernement n'a pas assez de marge de manœuvre pour innover, surtout qu'il a hérité d'un passif très lourd marqué par le renchérissement des dépenses de la compensation et aussi les charges liées au dialogue social. L'environnement socioéconomique n'est pas non plus en sa faveur du fait que la campagne agricole est de plus en plus compromise. Les partenaires du Maroc, à commencer par l'Europe, traversent une période très difficile. La relance n'est pas au rendez-vous et il faut s'attendre au pire», a affirmé Mohamed El Amrani, professeur universitaire. Pour faire face à cette situation, l'exécutif était contraint d'améliorer ses ressources pour respecter ses engagements. Pour le volet fiscal, il a choisi de s'attaquer aux niches pour renflouer ses caisses. «Les niches fiscales sont toujours dans la ligne de mire des politiciens, surtout lorsqu'elles n'ont pas un impact sur le grand public et leur application est aussi populiste quand il s'agit de surtaxer l'alcool, le tabac ou les voitures de certaines gammes…», a indiqué Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Véritable casse-tête pour l'Etat, le budget de la compensation n'a pas cessé de s'aggraver à cause de la flambée des cours du pétrole et la hausse des prix du blé et du sucre. En attendant de lancer une véritable stratégie basée sur le ciblage, le gouvernement a soit la possibilité de réviser à la hausse les prix des produits domestiques, soit de procéder à la récupération de son argent auprès de la population non ciblée En effet, le projet de LF prévoit la hausse des frais de la première immatriculation d'un véhicule. C'est une proposition de l'ancien gouvernement qui a été retirée à l'époque à la dernière minute. Il s'agit de 3.000 DH pour les véhicules dont la puissance fiscale est inferieure à 8 chevaux, 6.000 DH pour une puissance de 8 à 10 chevaux, 10.000 DH pour celles comprises entre 11 et 14 chevaux et 20.000 DH pour celles dont la puissance fiscale est supérieure à 15 chevaux. Le gouvernement a reconduit la décision d'augmenter la taxe spéciale sur les véhicules automobiles (vignette) qui ne sera applicable qu'à partir de 2013. Pour les véhicules essence dont la puissance est comprise entre 11 et 14 chevaux, la vignette passerait à 3.000 DH contre 2.000 DH et à 6.000 DH contre 5.000 DH pour les véhicules diesel. Pour les véhicules dont la puissance fiscale est supérieure ou égale à 15 chevaux, le prix de la vignette est pratiquement le double. Dans le cadre des efforts liés au rajeunissement du parc, l'exonération pour les voitures de plus de 25 ans est supprimée. Elle sera maintenue uniquement pour les véhicules de collection. Toujours dans le cadre des niches fiscales, le gouvernement prévoit la hausse de la TIC sur le tabac qui passera à 61%. Le pactole prévu est de 400 MDH. «C'est une mesure à double tranchant. Vu le pouvoir d'achat des Marocains, le tabac est lourdement taxé. Le risque de s'orienter vers les produits de contrebande est réel ou du moins vers l'entrée de gamme. Ce phénomène on l'a relevé au niveau des boissons alcoolisées, les dernières hausses n'ont pas donné l'effet escompté. La consommation a baissé et le marché informel s'est activé», a rappelé Oubouali. Par ailleurs, le projet de LF 2012 envisage une hausse de la taxe sur le ciment qui passerait de 0,05 DH/Kg à 0,15 DH/kg afin d'accélérer le rythme de réalisation du programme Villes sans bidonvilles. On note également le come-back du Fonds de solidarité sociale. Le projet de loi, lui, prévoit un budget dédié de 2 milliards de DH financé par l'Etat et les grandes entreprises à hauteur de 1,2 milliard. Pour rappel, ce projet avait été retiré de la Loi de Finances 2012 par l'ancien gouvernement au vu des difficultés de la situation économique. Mais l'actuel gouvernement a réintroduit cette mesure dans le budget de cette année. Ce fonds sera avant tout destiné à financer les soins médicaux pour les personnes en grande difficulté financière et à favoriser l'éducation des enfants des familles démunies. Par ailleurs, il faut noter que le projet de LF 2012 capitalise toujours sur l'investissement public comme moteur de la croissance. Il prévoit pour 2012 188 Mds de DH contre 167 Mds de DH en 2011, soit une progression de 12, 57%. L'Etat poursuivra la politique des grands chantiers surtout que les bailleurs de fonds ont manifesté leur soutien.