■ Les relations entre le Maroc et l'Espagne sont complexes et riches, mais surtout fondamentales pour les deux voisins. ■ Les questions qui fâchent comme celle de l'émigration doivent être débattues pour ne pas prendre en otage l'ensemble des rapports diplomatiques entre les deux pays. ■ Ana Palacio, ancien ministre espagnole des Affaires étrangères, donne sa propre lecture de la récente visite au Maroc de Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol. ✔ Finances News Hebdo : Cette 3ème édition du Casablanca Round est placée sous le thème «Bouleversements politiques, défis économiques». Ayant été ministre, quelles difficultés avez-vous rencontrées pour concilier le politique et l'économique dans les relations entre l'Espagne et le Maroc, qui passent souvent par des tensions aiguës ? Surtout en ce contexte de crise économique mondiale. ✔ Ana Palacio : Je crois qu'il faut d'abord accepter la réalité. Elle est complexe et asymétrique, ce sont des caractéristiques majeures de la réalité d'aujourd'hui. Et dans certains domaines cette asymétrie est doublée de difficultés objectives. Et je pense qu'il faut être clair là-dessus et l'accepter parce qu'il est vrai que cette richesse de relations permet de gérer ces domaines complexes. Je crois que, finalement, les relations de voisinage, nous les connaissons tous dans notre vie, c'est comme habiter en copropriété. Vous allez avoir un voisin qui chante la nuit, peut-être un autre qui a des enfants qui font du bruit, mais à la fin, vous savez qu'ensemble vous avez pu accéder à un bien que vous n'auriez pas pu acquérir chacun de son côté. C'est pour vous dire qu'il faut surmonter certaines questions; il faut en parler, certes, mais être réaliste et pratique. Cela s'applique également aux relations étrangères. Il faut composer. Il faut aller jusqu'au bout des questions en suspens et en discuter, même des sujets les plus problématiques comme l'émigration, pour voir ce qu'on peut faire. ✔ F. N. H. : Cette dernière question qui fâche ne figure pas dans le Processus de Barcelone qui cadre la relation de voisinage dans le pourtour méditerranéen … ✔ A. P. : Effectivement, le terme émigration n'est pas cité une seule fois dans la Déclaration de Barcelone. Mais c'est une question qu'il faudra traiter. Et il ne faut pas qu'on permette qu'une difficulté prenne en otage une relation très complexe, mais très riche et pleine d'opportunité qui lie nos deux pays. ✔ F. N. H. : Quelle lecture faites-vous de la récente visite du président du gouvernement, Mariano Rajoy au Maroc, sachant que par le passé les relations entre le pays et les gouvernements de l'Alliance populaire espagnole ont connu de grandes tensions ? ✔ A. P. : La symbolique de cette visite est très importante et cette démarche de Mariano Rajoy est très réaliste dans le sens où le Maroc est un voisin avec lequel l'Espagne a des relations, comme je disais, riches et complexes à la fois. Et ces relations sont fondamentales et de grande importance et pour le Maroc et pour l'Espagne. Puis, si vous voulez, les deux gouvernements sont issus d'élections anticipées qui ont eu lieu à 5 jours d'intervalle l'une de l'autre. Et ils doivent faire face à des défis communs. J'ai soulevé lors du débat la question de la perception qu'a la rive Nord de la rive Sud de la Méditerranée et vice-versa, de manière générale et non pas seulement entre le Maroc et l'Espagne. Et cette visite permet de dépasser la perception et les appréhensions, et affiche une volonté déclarée de construire ensemble et de faire fructifier toutes les opportunités de partenariat qui peuvent exister entre nos deux pays. Il ne faut pas oublier que nous avons beaucoup de points en commun. Cette visite vise ainsi à débattre des problèmes en commun. J'ai donné le problème de l'eau en Espagne, à titre d'exemple, et la désertification est un problème qui se pose aussi au Maroc. Je pense que nous pouvons trouver ensemble des solutions aux problèmes qui se posent aux deux pays… ■ Dossier réalisé par I. Bouhrara & I. Benchanna Maroc-Espagne : L'embellie ? Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Saad Eddine El Othmani, a été reçu en fin de semaine en audience, au Palais de la Zarzuela à Madrid, par le Roi Juan Carlos 1er d'Espagne. Lors de cette audience, le Souverain espagnol a mis l'accent sur l'importance de consolider les relations de coopération et d'amitié unissant les royaumes d'Espagne et du Maroc. Lors de cette visite officielle, El Othmani s'est également entretenu avec le président du congrès des députés espagnol, Jesus Posada. S'en est suivie une rencontre avec le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy. Dans une déclaration à la MAP, le ministre marocain a indiqué que plusieurs questions d'intérêt commun ont été abordées lors de cette rencontre. Les discussions ont porté sur l'ensemble des aspects économique, culturel et sécuritaire relatifs aux relations entre le Maroc et l'Espagne. L'accent a été mis sur la nécessité de hisser ces relations au plus haut niveau au service des intérêts des deux pays.