■ L'Afrique est considérée comme la dernière frontière de croissance dans le monde. ■ Plusieurs opportunités à saisir s'offrent aux investisseurs. ■ Toutes les Bourses africaines œuvrent pour une nouvelle reconfiguration du continent. Du 11 au 13 décembre, Marrakech a abrité sous son aile la rencontre de l'année des marchés financiers africains. Il est vrai que dans un contexte international assez trouble, il est devenu impératif pour les pays de s'allier et de trouver le moyen de dynamiser leurs marchés financiers. C'est dans cet esprit d'ailleurs que l'African Securities Exchanges Association (ASEA) a mis en place différentes rencontres ayant pour but essentiellement de rassembler les Bourses africaines et de les inciter à collaborer afin de développer au mieux le continent et en faire peut-être un jour une puissance mondiale. A cet effet, Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca, a déclaré dans son mot d'ouverture : «Le temps est venu pour l'Afrique de jouir de ses opportunités». Des opportunités à saisir Il faut rappeler que le continent africain représente 1 milliard de personnes, soit 1/6ème de la population mondiale. De plus, ce continent possède 25% des ressources mondiales. Cependant, Karim Hajji a indiqué que ce taux reste très faible eu égard aux richesses du continent et qu'il est du devoir de tous les pays de s'allier afin d'y remédier. De son côté, Sunil Benimadhu, président de l'ASEA, a annoncé que «l'Afrique est en pleine révolution financière et qu'elle est perçue comme la dernière frontière de croissance dans le monde». Ce n'est en effet plus un secret pour personne, il y a un changement fondamental dans le spectre de la croissance mondiale. Sur un autre plan, l'Afrique a réussi le défi de mise en œuvre des différents plans d'ajustement structurels. Le continent possède une classe moyenne importante avec un niveau de vie assez élevé. Plusieurs fonds dédiés africains ont vu le jour et les investisseurs internationaux se tournent ces dernières années vers l'Afrique. Rien que sur les 10 dernières années, les marchés boursiers africains sont devenus des plus performants. Toutes ces vérités ne font que confirmer le constat du président de l'ASEA. Une étude de Paul Collier, de la Banque mondiale, en est d'ailleurs la preuve puisque ce dernier a fait le constat que sur les 150 entreprises qui ont fait l'objet de l'étude, il a été remarqué que le taux de retour sur investissement était de 11% plus élevé dans les pays d'Afrique. Toutefois, il faut souligner que 94% de l'Afrique ne sont pas reliés à l'Internet, ce qui révèle l'opportunité à saisir dans ce secteur. Mais pas seulement, l'agriculture et les matières premières sont aussi des secteurs à développer dans un continent aussi riche. Le constat de l'assemblée est clair : «il faudrait que l'Afrique accroisse sa chaine de valeur». En effet, l'ère de l'exportation à l'état brut est révolue, il est devenu plus que nécessaire de transformer, pour plus de valeur. Des mutations nécessaires Comme l'a si bien souligné Karim Hajji, «il faut changer le cours de l'histoire de ce continent». Il est devenu impératif que les entreprises choisissent désormais d'investir au sein des Bourses africaines. Sans le soutien de ces dernières, nul changement ne sera possible. De son côté, Salaheddine Mezouar, ministre des Finances, a précisé : «Nous vivons dans un contexte de changements et de turbulences, mais aussi d'opportunités pour ceux qui savent les saisir». En effet, ce dernier a spécifié que le changement à lui seul n'est pas possible sans vision claire et bien définie au préalable. C'est le cas du Maroc, qui est actuellement en pleine mutation. Ce dernier s'inscrit dans une dynamique de renforcement de la démocratie. Pour ce faire, le Maroc a construit sa démarche sur 4 piliers importants : faire du pays un hub régional, développer les ressources humaines, promouvoir l'ouverture économique à travers la multiplication des accords de libre-échange et enfin garder le cap vers l'Afrique. A titre d'information, sur les 7 dernières années, l'Afrique a attiré plus de 600 investissements directs étrangers. Selon Salaheddine Mezouar,«il y a de l'argent dans le monde, mais cet argent doit être canalisé». Toujours selon lui, 15% à 20% de la croissance mondiale dans les 15 années à venir viendraient de l'Afrique. L'Afrique doit relever un challenge, mais ce qui est sûr, c'est que sans intégration économique et financière, le continent ne pourra pas profiter du changement. Pour conclure, Mezouar a affirmé que «l'Afrique continue à faire peur, certes, mais il n'en demeure pas moins qu'elle ne doit pas passer devant cette opportunité». De son côté, Bassim Jaï Hokimi, PDG d'Atlamed, a souligné que «l'Afrique ne doit pas réitérer les erreurs de ses prédécesseurs». Pour ce dernier, il faudrait préserver un système bancaire et budgétaire sain, mais aussi permettre une flexibilité entre les monnaies, notamment avec le système d'indexation, et promouvoir la flexibilité dans le marché du travail. Toutes ces vérités ont poussé Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances, à attirer l'attention sur une réalité que le monde oublie le plus souvent. «Lorsqu'on appréhende toutes les crises dans leur totalité, on trouve au bout du compte qu'elles sont intimement liées». La conjoncture actuelle et les crises que nous vivons en sont les preuves. Printemps arabe, des implications à prendre sérieusement en compte Les révolutions qu'ont connues récemment non seulement le Monde arabe, mais aussi l'Afrique toute entière ont fortement impacté le développement du continent dans son ensemble. Abdelamlik Alaoui, fondateur de Global Intelligence Partners, a commenté les changements survenus en Egypte comme étant «considérables et même traumatisants à certains égards». Ce dernier alloue l'origine de la crise aux difficultés économiques dont souffre le pays et au sentiment d'accroissement d'injustice; l'échec de l'ancien régime aidant à faire émerger les divers problèmes. Pour Sean Cleary, président de Strategic Concept au Sud de l'Afrique, les rebondissements suite au printemps arabe doivent être assurés non seulement par des réformes d'ordre économique ou politique, mais par une conjonction de tous les éléments qui concourent au développement de la région. L'exigence d'une bonne gouvernance structurelle est le fer de lance du Monde arabe. «Afin que le secteur privé se développe, il est important d'assurer la sécurité et la sûreté, de fournir l'infrastructure de base et de créer un capital humain». L'intégration régionale est, aux yeux de Fathallah Sijilmassi, Directeur général de l'Agence Marocaine de Développement des Investissements, le cœur du problème. «Nous sommes la seule région au monde avec un faible taux d'intégration. Si la dimension africaine n'est pas incluse dans le développement de la région nord-africaine, cette dernière ne sera jamais développée correctement», explique-t-il. Dès lors, l'intégration est considérée comme étant l'opportunité par excellence qui va de pair avec la convergence des politiques internes et de gouvernance publique. Il est nécessaire d'avoir une vision convergente et commune afin de constituer un cadre adéquat pour assurer ladite intégration. Les IPO en Afrique… encore du travail à faire Les Bourses en Afrique constituent un marché florissant. En dépit du gouvernement difficile affectant le continent, les IPO se sont développés à un rythme croissant. A titre d'illustration, sur les dernières années, 15 Bourses africaines ont connu 147 nouvelles introductions en Bourse, totalisant un montant de 28 Mds de dollars. Malgré ces performances, ce chiffre n'est pas dûment représentatif du fait de l'engouement porté sur les fonds de placement privés, et ce surtout pour les PME. Pour Ekwo Afedzie, Directeur général de Ghana Stock Exchange, les exigences réglementaires ont besoin d'un assouplissement afin de permettre aux PME de s'introduire sur les marchés des capitaux. Par ailleurs Il faut, d'une part, exercer du lobbying auprès du gouvernement afin de soutenir les entreprises et, d'autre part, insister sur la réduction des frais de la part du régulateur. Au Ghana, a été créé un marché alternatif, plus facile d'accès, où les autorisations de lever des fonds ne prennent que 15 jours pour le marché et 30 jours pour le régulateur. Il est à noter que la Bourse du Ghana est en cours de négociation de baisse des coûts avec les intermédiaires agréés. Dans ce sens, le Maroc, dans sa stratégie de conquête des Bourses africaines, a mis en place le Foreign Currency Board, en vue d'accompagner ces dernières afin de lever des capitaux sur le marché financier marocain. Samuel Maréchal, président de Maréchal & Associés Finance, soulève une autre problématique : «l'Afrique est méconnue, les a priori consistent en la réglementation exagérée du marché, et la lourdeur et la cherté des procédures administratives y sont tenaces». ■ Dossier réalisé par W. M. & I. Ben Vers plus d'unité L'Afrique est un contraste étonnant par rapport au Moyen-Orient. Autant ce dernier est rassemblé et bien réparti, autant le continent noir est fragmenté et se caractérise par l'existence de plusieurs ethnies et de régions faiblement réparties. Par ailleurs, les distorsions politiques que traverse le Monde arabe ont joué un rôle destructeur. Cela est certes en train d'être reconstruit à petits pas sur des bases solides, mais il n'en demeure pas moins que le Monde arabe a besoin d'une nouvelle vision politique. Cette dernière ne se conjugue pas seulement par des réformes d'ordre purement politique, mais il s'agit de mettre en place des mécanismes à même de permettre un accès ouvert du secteur privé aux différentes opportunités afin que celui-ci opère dans un cadre concurrentiel. L'appel à assoir un nouveau paradigme de gouvernance est donc de mise.