Dans la perspective d'harmoniser les dispositions du Code général des impôts et les conventions fiscales internationales, le PLF 2018 a proposé une mesure très controversée par le biais de l'article 214-V. Pourtant, cette nouvelle disposition constitue une prédation au droit au secret bancaire mais également à la protection des données personnelles.
Voilà une disposition du PLF 2018 qui n'a soulevé aucun débat dans les deux chambres du Parlement et qui est passée comme une lettre à la poste. Pourtant, ses effets sont lourds de conséquences. Désormais, la LF 2018 étant votée, l'article 214 dans ses paragraphes V et VI, a désormais force de loi bien qu'il mette en danger deux principes fondamentaux que sont le secret bancaire et la protection des données personnelles. En effet, le LF 2018 propose la collecte et le transfert des informations pour honorer les engagements de l'Etat marocain en matière d'échange automatique d'informations à des fins fiscales. L'article 214 sur le droit de communication et échange d'informations prévoit dans son paragraphe V, que les établissements de crédit et organismes assimilés, les entreprises d'assurances et de réassurance et toutes autres institutions financières doivent communiquer à l'administration fiscale, selon les modalités qui seront fixées par voie réglementaire, les informations requises pour l'application des conventions conclues par le Maroc, permettant un échange automatique d'informations à des fins fiscales. Ces informations concernent les revenus de capitaux mobiliers, les soldes des comptes ouverts auprès desdits organismes, la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature des personnes physiques ou morales concernées ainsi que tout autre revenu, dont la communication est requise par lesdites les conventions. Les organismes concernés par cette obligation sont tenus de mettre en place toutes les diligences nécessaires pour l'identification des personnes en question et la communication des informations relatives à leurs comptes et aux flux financiers les concernant. Le paragraphe VI dispose que les informations recueillies par l'administration fiscale peuvent être communiquées aux administrations fiscales des pays ayant conclu avec le Maroc des conventions permettant un échange automatique d'informations à des fins fiscales, selon les modalités fixées par voie réglementaire.
D'une pierre, trois coups !
En matière de violation, l'article 214 de la LF 2018 fait un exploit ! En effet, la nouvelle disposition est en violation nette de l'article 79 de la loi bancaire qui stipule que toutes personnes appelées, à un titre quelconque, à connaître ou à exploiter des informations se rapportant à ces établissements (de crédit), sont strictement tenues au secret professionnel pour toutes les affaires dont elles ont à connaître, à quel que titre que ce soit, dans les termes et sous peine des sanctions prévues à l'article 446 du code pénal. Ce dernier article dispose que toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions permanentes ou temporaires, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ont révélé ces secrets, sont punis de l'emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de mille deux cent à vingt mille dirhams. Maître Abdelatif Laamrani, avocat au Barreau de Casablanca et fondateur du Cabinet d'avocats «Laamrani Law Firm», précise que «l'exception évoquée par cet article concernant les dénonciations doit être faite aux autorités judiciaires chargées de la répression des délits et non pas aux autres administrations ou bien à des tiers» (Voir entretien). Pis, l'article 214 de la LF 2018 est en contradiction totale avec la loi 09-08 relative à la protection des données personnelles. Puisqu'il ne fait nulle mention à l'obligation d'obtenir le consentement des personnes concernées, ni la finalité du traitement, encore moins la notification de l'autorité concernée à savoir la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). C'est dire que les autorités, notamment la DGI, sont appelées à se prononcer rapidement sur les modalités de collecte et d'échange de ces informations, assorties des garanties protégeant les individus face à tout abus ou dérive. Aussi, la CNDP en tant qu'autorité a également son mot à dire. A suivre ! ■
Le secret bancaire, une chimère ? Au Maroc, il y a eu des précédents ayant mis à mal la confiance que les particuliers peuvent avoir dans leurs établissements de crédits ou organismes assimilés, notamment en matière de recouvrement. Certains opérateurs font appel aux sociétés de recouvrement pour récupérer leurs créances divulguant au passage les données personnelles et bancaires de leurs clients, faisant fi des dispositions de la loi 09-08. Notamment, l'information des personnes concernées, qui sont dans ce cas de figure les clients de l'opérateur, ou la notification du traitement à la CNDP et l'obtention de l'autorisation ou récépissé correspondant.