Au-delà du retard accusé, l'installation du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire consacrera indubitablement l'indépendance du pouvoir judiciaire aux yeux de certains hommes de droit. La nomination par le Roi Mohammed VI des membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), la semaine dernière, est un fait notable qui mérite une attention particulière. Pour cause, le CSPJ est un organe consacré par la loi suprême qui n'est autre que la Constitution de 2011. D'emblée, faudrait-il rappeler qu'avant la nomination royale, le CSPJ a fait l'objet dès l'année dernière, le 24 mars 2016, d'une loi organique qui a fixé la mise en oeuvre des dispositions constitutionnelles des articles 113 et suivants de la loi fondamentale et en particulier l'article 116. Interrogé par nos soins sur cet acte royal, Abdellatif Laamrani, avocat au Barreau de Casablanca, docteur en Droit et fondateur du Cabinet d'avocats Laamrani Law Firm, a étayé la pertinence d'une telle décision. «Il faut percevoir cette installation très attendue comme le parachèvement des principes qui doivent présider à l'administration de la justice dans notre pays», assure-t-il. Et d'ajouter : «Le Souverain vient d'apporter l'une des pierres d'achoppement à l'édifice de l'Etat de droit qu'il appelle de ses voeux depuis le discours du 9 mars 2011».
Des interrogations légitimes ?
Notons tout de même que le retard susmentionné a suscité plusieurs questionnements, surtout si l'on sait que les membres magistrats élus ont remporté le suffrage de leurs pairs depuis juillet 2016. Du reste, au regard de la loi organique précitée, notamment au niveau des dispositions transitoires, le Conseil supérieur de la magistrature qui a été supplanté par le CSPJ, devrait rester en fonction jusqu'à l'installation de celui-ci. Tout compte fait, le blocage de la constitution du gouvernement semble être à l'origine du retard de l'installation du Conseil.
Pièce maîtresse
A en croire l'avocat au Barreau de Casablanca, la nomination des membres du CSPJ consacrera indubitablement l'indépendance du pouvoir judiciaire au Maroc et concrétisera le principe de la séparation des pouvoirs et la modernisation de la gestion de carrière, d'avancement et de discipline des magistrats. Soulignons que désormais, les magistrats et les responsables judiciaires seront nommés dans le corps de la magistrature par le CSPJ. Le Roi approuvera par Dahir les nominations, conformément à l'article 57 de la Constitution. D'ailleurs, c'est l'une des attributions phares du Conseil, qui a de surcroît une mission consultative par le truchement de l'établissement des rapports sur la situation de la justice et la réalisation d'études sur l'indépendance de la justice et le rendement des tribunaux au Maroc. Cela dit, au-delà du caractère crucial du CSPJ pour le système judiciaire, le nouveau ministre de la Justice fraîchement nommé doit achever bon nombre de chantiers. Il y a lieu de citer la réforme de la profession d'avocat. Certains hommes de droit estiment, par ailleurs, que la réhabilitation et le renforcement de la profession de la défense doivent constituer un chantier prioritaire. La revalorisation des traitements et des avantages alloués aux magistrats, le traitement de la problématique de la surpopulation carcérale et la nécessité d'adoption et de concrétisation des peines alternatives sont autant de sujets brûlants auxquels il faudra apporter des solutions. A cela s'ajoutent la réforme du projet du Code pénal et le repositionnement ou la suppression du juge d'instruction. ■
Par M. Diao
Abdellatif Laamrani, avocat au Barreau de Casablanca, docteur en Droit et fondateur du Cabinet d'avocats Laamrani Law Firm.
«Quand on parle de l'indépendance de la justice, ce que l'on vise c'est la neutralité, l'objectivité et le détachement des magistrats qui appliquent la loi, on dit que le juge doit rendre son jugement en son âme et conscience, sans qu'il puisse subir aucune influence ou orientation dans sa décision. Si ce principe est clair et ne devrait poser aucun problème pour la magistrature assise (c'est-à-dire les magistrats qui rendent des jugements), il a été souvent difficilement applicable aux magistrats du parquet qui disposent de deux casquettes: une casquette de magistrat et une autre de responsable de la police judiciaire. C'est ce qui fait que leur statut juridique hybride leur permettait toujours de recevoir des instructions de leurs supérieurs hiérarchiques ou bien du ministre de la Justice par des circulaires... Néanmoins, le fait qu'il y ait aujourd'hui un Conseil supérieur ayant pour rôle la préservation de l'indépendance de la justice et qui n'est pas présidé par une autorité de l'Exécutif mais par de hauts magistrats, et qui n'est pas composé uniquement par des membres juges pour éviter sa corporatisation, constitue en soi une garantie rassurante des citoyens et des investisseurs». ■