En matière de finance participative, on parle beaucoup des banques et des assurances, un peu moins des sukuks (obligations islamiques). Pourtant, cet instrument financier est indispensable au démarrage de l'écosystème participatif que le Maroc est en train de mettre en place. Explications. L'émission des premiers sukuks souverains en dirhams, de type Ijara, aura lieu dans le courant du premier semestre a déjà promis Mohamed Boussaid, ministre de l'Economie et des Finances. La structuration de cette émission est confiée à la DTFE (Direction du Trésor et des financements extérieurs. Elle bénéfice de l'expertise de Maghreb Titrisation. «Les travaux de cette émission avancent bien, nous informe une source proche du dossier. Une fois l'émission de Sukuk structurée, il faudra néanmoins que le Conseil supérieur des Oulémas se prononcent sur sa conformité avec la Sharia». Cette émission, très attendue par les professionnels, constitue un jalon important pour le déploiement de la future industrie financière islamique marocaine. Outre la nécessité de bénéficier d'un benchmark pour l'ensemble de la place, cette émission est indispensable aux banques et aux assurances Takaful, puisqu'elle leur apportera de la liquidité et des opportunités de placement.
Respect des normes bâloises
Pour les banques, une telle émission revêt une importance toute particulière sur le plan prudentielle. Comme le rappelle régulièrement les professionnels, les banques participatives sont avant tout… des banques. Elles sont de fait soumises à l'ensemble du dispositif prudentielle et règlementaire préconisé par le comité de Bâle et édicté par Bank Al-Maghrib, que ce soit en termes de solvabilité ou de liquidité. Le travail qui est fait actuellement au niveau des sukuks a donc aussi pour but de donner à ces banques les instruments dont elles ont besoin pour arriver à se conformer aux normes prudentielles (Bâle III) et démarrer leur activité sur des bases saines. Du point de vue de la réglementation prudentielle plusieurs volets entre alors en considération. Le premier concerne la conformité aux normes baloises sur le ratio de liquidité (ratio LCR). Les banques, surtout dans la phase de démarrage, auront besoin de sukuks de qualité dans lesquels placer leur liquidité et se constituer un matelas d'actif de haute qualité. En effet, les normes baloises obligent les banques à avoir une certaine quantité d'actif liquide de haute qualité, appelé High quality liquidity assets (HQLA) afin de pouvoir faire face à une sortie brutale de liquidité en cas de stress sur une période de 30 jours. Cette exigence réglementaire est, rappelons-le, entrée en vigueur l'an dernier pour les banques conventionnelles marocaines. Au Maroc, ces actifs de hautes qualités sont essentiellement composés des Bons du Trésor. Les banques participatives ont également besoin de ce type de papier, à la différence qu'il doit être conforme à la charia. Ces HQLA permettront ainsi à la banque participative, en cas de stress sur la liquidité, de céder rapidement ces titres pour dégager de la liquidité. Le deuxième volet prudentiel concerne les fonds propres. Les banques participatives auront aussi besoin de lever de la liquidité qui leur permettra d'assurer le développement et la croissance de leur activité mais aussi de respecter les règles prudentielles en matière de fonds propres (ratio de solvabilité entrée en vigueur au Maroc en 2013). Les banques, dans ce cas-là, ont besoin non pas d'acquérir des sukuks mais d'en émettre. Ces émissions de sukuks permettront de lever des fonds qui seront considérés, s'ils respectent un certain nombre de critères, comme des fonds propres ou quasi-fonds propres. Dans le cas des banques conventionnelles, celles-ci émettent des obligations subordonnées soit perpétuelles soit à court terme, éligibles, selon les critères définis par la Banque centrale, en tant qu'instrument de fonds propres. En l'état actuel de la réglementation, une telle émission de sukuk par les futures banques participatives n'est pas encore possible. Les banques devront attendre en effet un arrêté du ministère des Finances pour être en mesure d'émettre ce genre d'instrument. La banque en tant qu'émetteur ne pourra pas s'appuyer sur le sukuk Ijara. D'autres types de sukuks seront nécessaires pour lever des fonds auprès d'investisseurs, à l'image de sukuk moudarba, wakala, musharaka. Une feuille de route du ministère de l'économie et des finances a été élaborée afin de sortir les textes règlementaires qui permettront aux banques participatives de pouvoir émettre ce type de sukuk.
Titrisation d'actifs
Les banques pourront en revanche émettre des sukuks de type ijara afin de procéder à la titrisation d'actifs de leur bilan. Une opération bien connue des banques conventionnelles qui leur permet de sortir de leur bilan certains actifs, que ce soit pour des raisons de risques que les banques ne souhaitent plus porter, ou pour lever de la liquidité. D'un autre côté les banques pourront aussi accompagner leur clients corporate à structurer de la titrisation d'actifs conforme à la charia, pour diversifier leurs sources de financement.