Malgré les réformes, l'économie montre des signes de déséquilibres et le déficit des finances publiques a atteint des niveaux jugés élevés. Déficits extérieur et budgétaire peuvent-ils être qualifiés de jumeaux ? Depuis plusieurs années, le Maroc connaît à la fois un déficit budgétaire et un déficit commercial. Cette concomitance de déficits incite parfois à se poser la question sur leur degré d'interdépendance et sur le fait qu'ils soient qualifiés, comme on l'entend souvent, de déficits jumeaux. En effet, les déficits jumeaux avaient fait l'objet d'une théorie ayant suscité un regain d'intérêt dans les années 80 suite à la hausse simultanée de ces deux déficits aux Etats-Unis. Et par la suite, cette théorie a engendré de nombreux travaux aussi bien théoriques qu'empiriques. Ce lien de causalité entre les deux déficits, de par sa complexité, continue de susciter le débat. Et pour cause, pour des économies comme la nôtre, les déséquilibres du compte courant peuvent entraver la croissance économique. De plus, ce débat est d'une importance capitale pour l'essence des politiques économiques, et plus particulièrement pour le Budget de l'Etat. Déséquilibres persistants
Dans une lettre récente, les analystes du Centre marocain de conjoncture ont essayé de répondre à cette question. D'après eux, les études réalisées sur le cas marocain n'ont pas pu établir une relation entre l'accroissement budgétaire et celui du déficit extérieur. Cette relation pourtant présentée par certaines théories est très souvent mise à mal par des travaux empiriques. Les raisons invoquées sont les causes des évolutions des différentes composantes de chacun de ces déficits. «Pour le cas du Maroc, les explications possibles de cette invalidation se trouvent dans la structure productive de l'économie marocaine qui importe plus qu'elle n'exporte, engendrant un déficit commercial permanent, et dans le choix des politiques engagées pour soutenir la croissance et moderniser son économie», soulignent les analystes du CMC. Le pays a donc besoin de capitaux extérieurs pour financer son économie et son niveau de vie. D'année en année, l'économie montre de ce fait des signes de déséquilibres, et le déficit des finances publiques a atteint des niveaux élevés. Pis encore, le taux d'endettement devient de plus en plus pesant et le solde négatif de la balance commerciale se creuse davantage. Pour bien illustrer leurs propos, les analystes du CMC ont analysé la période s'étalant de 1980 à aujourd'hui. Au courant de cette période, le Maroc a connu une ouverture qui s'est caractérisée entre autres, par la refonte du système fiscal et par le processus de privatisation. Sur le plan fiscal, depuis le début de la deuxième moitié de la décennie 80, le système a connu de nombreuses modifications. Sa modernisation a été marquée par l'introduction de la TVA en 1986, l'impôt sur les sociétés en 1988 et l'impôt sur le revenu en 1990. En dépit de toutes ces modifications, les dépenses fiscales sous forme d'exonérations ou d'avantages fiscaux demeurent élevées. «Les récents travaux ont permis de préciser l'existence d'une relation de cause à effet unilatérale du besoin de financement du Trésor au solde du compte courant», expliquent les conjoncturistes. Ils rejettent cependant l'existence d'une causalité instantanée entre ces deux déficits. Ils aboutissent au constat suivant : les deux déficits ont des trajectoires presque similaires, mais loin d'être jumeaux en raison des causes de leurs évolutions. ■
S. Es-siari
Ce qui ressort de la théorie
Des explications tant économiques qu'empiriques ont été proposées. La première prenant appui sur les travaux de Mundell et Fleming, stipule qu'une augmentation du déficit public exerce une pression à la hausse des taux d'intérêt, attirant ainsi les capitaux étrangers. Ce mouvement de capitaux s'accompagne d'une appréciation du taux de change, ce qui dégrade les comptes extérieurs. Une autre approche fondée sur la théorie keynésienne de l'absorption montre qu'un accroissement du déficit public donne lieu à une hausse de la demande intérieure, qui est en partie satisfaite par les importations des biens et services. Cette importation va entraîner une dégradation de la balance commerciale.