L'adoption de la Loi organique de la Loi de Finances tombe à point nommé à cause de la fragilité persistante des finances publiques. Elle est à même d'avoir une vision d'ensemble, notamment en matière de déficit, d'investissement public et de risques encourus par l'Etat. Elle saurait mettre un terme à une dilapidation des deniers publics par le biais de la performance. Après 10 ans d'attente, la Loi organique des finances est enfin adoptée. Et comme dit l'adage : «mieux vaut tard que jamais». Son adoption survient à point nommé, surtout que le contexte s'y prête bien avec un déficit budgétaire qui suscite de nombreuses inquiétudes (6% du PIB à fin 2013). Au cours des dernières années, le Maroc a connu des déficits jumeaux, un déficit courant de la balance des paiements conjugué à un déficit public. Coupes budgétaires, suspension des marchés publics, hausse des prix des hydrocarbures, endettement à l'extérieur... Le Chef du gouvernement ne sait plus à quel saint se vouer. Et 2014 n'augure rien de bon, si ce n'est un taux de croissance en baisse. A l'instar d'autres pays, le Maroc a choisi de faire migrer progressivement son système financier public fondé sur la logique de moyens et de répartition des crédits vers un nouveau système qui vise la performance, les résultats, la responsabilisation et la reddition des comptes. Ce nouveau système englobera l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements et entreprises publics et les organismes de retraite et de prévoyance... Ceci laisse supposer que chacun arrivera avec des règles budgétaires et comptables et qu'un problème d'harmonie et de cohérence risquerait ainsi de se poser. Or, comme souligné par le trésorier général du Royaume, lors d'une rencontre organisée par la Chambre française d'industrie et du commerce au Maroc, «dans le contexte actuel où la soutenabilité des finances publiques est la priorité des gouvernements, la consolidation des budgets et des comptes des différents acteurs va permettre de renforcer la cohérence de l'intervention publique». Cette consolidation a l'avantage de permettre une vision d'ensemble des finances publiques, notamment en matière de déficit, d'investissement public et de risques encourus par l'Etat. Quand les contraintes se multiplient En vue de bien cerner les enjeux de la consolidation budgétaire, il y a lieu de retenir dans un premier temps la multitude d'intervenants soit environ 2.060, notamment l'Etat, les collectivités locales et leurs groupements, les établissements publics et différents organismes. Autre élément et pas des moindres qui caractérise les finances publiques au Maroc : la pléthore de natures de recettes au nombre de 473 prévues au niveau de plusieurs supports budgétaires. Le problème est que cette multiplication de recettes a l'inconvénient d'opérer différents prélèvements au même citoyen et parfois pour la même assiette, sans une vision d'ensemble de la politique des prélèvements. Et l'on n'est pas encore au bout de sa peine parce qu'un autre déterminant des finances publiques s'ajoute à la liste des contraintes. Il s'agit de l'ampleur des démembrements du budget de l'Etat qui se manifeste par l'accroissement du nombre de services de l'Etat gérés de manière autonome, et par la persistance d'un nombre relativement élevé d'établissements et d'entreprises publics. La dispersion de l'information financière se veut également un élément contraignant dans la mesure où elle entrave la production d'informations, homogènes et agrégées de l'ensemble des entités du secteur public. Tous ces éléments contribuent d'une manière ou d'une autre à la fragilité des finances publiques. Ce qui milite en faveur de la consolidation budgétaire et comptable dont les enjeux sont importants pour la performance des finances publiques. Comme souligné par d'éminents responsables, elle constitue un dispositif majeur pour le renforcement de la cohérence budgétaire, financière et comptable. Mieux encore, elle se veut un moyen de mettre un terme à la déperdition des fonds publics à un moment où l'économie marocaine en a grandement besoin. La consolidation, une nouvelle issue Au niveau des recettes publiques, la consolidation devrait aboutir à un regroupement de leur assiette, à travers une meilleure articulation entre les natures de recettes relevant tant du domaine fiscal que ceux des redevances et des rémunérations pour services rendus et à une normalisation des nomenclatures des recettes. Sur le plan des dépenses, la consolidation se traduira par la convergence dans la programmation budgétaire et une plus grande rationalisation des politiques publiques. Durant la même rencontre, le trésorier du Royaume a illustré le problème à travers un exemple édifiant. Il a cité celui de la construction et l'entretien des routes, pour laquelle le ministère de l'Equipement et du Transport intervient à travers le budget d'investissement, le compte spécial du Trésor : «Fonds spécial routier» et la société nationale «Autoroutes du Maroc», indépendamment des travaux routiers réalisés par les collectivités territoriales. Le comble est que parfois des hôpitaux et des écoles sont construits, mais qui, au finish, ne servent à rien à cause d'un accès difficile en l'absence de route. Des deniers publics qui s'en vont en fumée suite à un manque de coordination flagrant entre les différents départements ministériels. A noter que l'un des atouts majeurs de la consolidation au niveau de la cohérence des politiques publiques est qu'elle permet, à juste titre, la coordination des politiques sectorielles. Une simple lecture de la Loi de Finances adoptée pour l'exercice en cours montre qu'il s'agit bel et bien d'un budget d'austérité. Certes, il annonce les objectifs de simulation d'une croissance économique durable, de soutien de l'investissement et de promotion de l'emploi, mais la programmation budgétaire adopte un ensemble de mesures qui s'inscrivent toutes dans une logique bien différente. «Le souci affiché de rétablissement des équilibres financiers de l'Etat, de stabilisation des avoirs extérieurs et de maîtrise du déficit budgétaire semble avoir pris le dessus sur les objectifs de soutien à l'activité» explique un économiste. Ceci transparaît notamment à travers les mesures visant la réduction du budget d'investissement, l'augmentation de la pression fiscale et la restriction de l'emploi dans les administrations publiques. Ces orientations restrictives du budget auront d'importantes répercussions sur la dynamique économique d'ensemble plus particulièrement dans un contexte d'affaiblissement des ressorts internes de la croissance. Une chose est cependant sûre : l'adoption de la LOLF pourrait remédier un tant soit peu à cette fragilité des finances publiques durant cette première année. Les années prochaines seraient plus prometteuses, mais encore faudra-t-il prendre en considération les spécificités du contexte national.