■ Amal El Amri, secrétaire nationale de l'UMT chargée des relations Internationales, fait le point sur le projet du Code de la mutualité. ✔ Finances News Hebdo : Où en est le processus d'adoption du nouveau code de la mutualité ? ✔ Amal El Amri : A l'UMT, nous déplorons que le projet du code de la mutualité n'ait pas été au menu du dialogue social du mois d'avril. Une validation par les partenaires sociaux à cette occasion aurait garanti l'applicabilité du texte et minimisé les risques de dysfonctionnement et de contestation qu'engendrerait un texte qui n'aurait pas fait l'objet d'une large consultation. ✔ F. N. H. : Dans quel but ce dernier a-t-il été instauré? ✔ A. E. A. : La réforme du cadre légal actuel qui régit la mutualité dans notre pays, en l'occurrence le dahir de 1963, procède de la volonté de doter les mutuelles d'un cadre juridique adapté afin de leur permettre d'assurer leurs missions de manière à mettre en place les fondements de la bonne gouvernance et à maintenir l'équilibre financier pour la continuité des prestations offertes à travers des mécanismes de bonne gouvernance.Le projet se veut ambitieux par la volonté de donner aux mutuelles un cadre juridique rénové, exhaustif et précis répondant à leurs objectifs de développement, et par le souci de préserver leur spécificité, tout en les reconnaissant comme de véritables acteurs économiques. Dans le même temps, le projet du code s'attache théoriquement à préserver la spécificité des mutuelles par : • un mode de gouvernance original • et par un accroissement des prérogatives de l'administration en matière de contrôle. Si les intentions qui ont présidé à l'élaboration du projet sont louables, leur concrétisation dans l'état actuel du texte risque de s'avérer difficile. D'où la nécessité de remédier à certaines lacunes en amendant certaines dispositions. ✔ F. N. H. : Quelles sont les lacunes de ce nouveau code et comment peut-on y remédier? ✔ A. E. A. : Les lacunes, ou dysfonctionnements, ont trait principalement à trois domaines sur lesquels devraient porter des amendements : la gouvernance des mutuelles, le contrôle et les relations avec l'administration et le champ d'activité des mutuelles et les conditions d'exercice de certaines activités. En matière de gouvernance le projet a adopté une solution nouvelle se basant sur des structures empruntées à la société anonyme à Directoire et à Conseil de surveillance. Or, ces organes qui sont spécifiques à la société anonyme- dont le but est la réalisation de profits- peuvent être source de confusion pour les mutuelles qui n'ont pas de but lucratif. De plus, cette confusion est exacerbée par l'ambiguïté entre l'institution des élus et celle de la gestion de la mutuelle. Les attributions des instances élues et celles de l'administration ne sont pas définies clairement ; de même que ne sont pas précisés les mécanismes de travail de ces instances et leurs relations avec la tutelle. La solution «originale» proposée et qui procède d'un souci de rigueur dans la gestion, de responsabilisation et de transparence, en faisant cohabiter un Conseil d'Administration et un Directoire, est non seulement source de confusion mais peut aboutir au travers inverse de la déresponsabilisation, voire de la paralysie des mutuelles. Solution : retour à ce qui faisait et fait toujours la spécificité de la «gouvernance mutualiste» qui est assurée par «l'élu mutualiste» (l'administrateur répondant de ses actes devant les adhérents et le cas échéant, devant les tribunaux). Ceci n'est pas incompatible avec les exigences de moralité et d'honorabilité qui peuvent êtres vérifiées par les autorités publiques et contrôlées par la justice. Pour ce qui est du contrôle, le problème réside dans la multiplicité des contrôles (internes et externes) avec des critères et des contours de contrôle assez flous, (notion d'intérêt général). Le texte devrait être amélioré dans le sens d'une meilleure articulation entre un contrôle interne renforcé exercé sous la vigilance des commissaires aux comptes, et un contrôle externe aux règles et aux modalités d'exercice bien précisées. Cette solution est déjà en vigueur dans certaines mutuelles du secteur public et à la CMIM. Un autre problème se situe au niveau des réalisations sanitaires des mutuelles au profit de leurs adhérents. Ces dernières, jusque-là permises par le dahir de 1963, ont tout simplement été proscrites. Or, en omettant de préciser le rôle des adhérents pour ce qui concerne les réalisations sanitaires et sociales, le projet du code sonne le glas des réalisations sanitaires. Or, il est indéniable que les créations sanitaires jouent un rôle crucial dans la maîtrise des dépenses des mutuelles. Il faudra donc revoir les modalités de gestion de ces réalisations sanitaires et sociales plutôt que d'en priver purement et simplement les mutuelles. Une autre lacune a trait au champ d'activité des mutuelles. Ce champ n'a pas été suffisamment élargi dans le nouveau texte. D'autres activités devraient être permises aux mutuelles : possibilité de substitution, de transfert de risques et de réassurance. Ces activités constituent un levier de développement important pouvant doter les mutuelles de moyens techniques et juridiques d'assurer leurs missions. ✔ F. N. H. : Quelles sont vos recommandations en vue de garantir une meilleure couverture et qui s'étend à tous le monde ? ✔ A. E. A. : L'amélioration du niveau de santé de la population marocaine constitue une des composantes essentielles de la politique de développement social. Considérant que seuls 35% de la population marocaine ont une couverture santé, assurer à toute la population l'égalité et l'équité dans l'accès aux soins constitue des priorités de l'Etat en matière de santé. Les mutuelles ont toujours participé à cet objectif. Les premières mutuelles sont apparues pendant la période du protectorat. La santé étant le domaine de prédilection du système mutualiste : une trentaine de mutuelles gèrent la couverture médicale complémentaire des adhérents opérant dans différents secteurs d'activité dans les secteurs public et privé toutes régies par le dahir de 1963. Avec l'Assurance Maladie Obligatoire (loi 95-00), il y a eu une consolidation des valeurs mutualistes. La nouvelle Constitution consacre pour la première fois les mutuelles et l'économie sociale. Le secteur de la santé est désormais un des secteurs prioritaires de l'économie sociale et solidaire au vu de sa contribution potentielle en termes de développement humain et économique. Une réflexion de fond s'impose sur le devenir de la mutualité marocaine et son positionnement face aux défis que représentent les contraintes pesant sur le système de santé et des attentes des adhérents. En conclusion, c'est de l'introduction de telles possibilités juridiques et techniques que dépendra la réalisation des objectifs visés par le projet du code : un code moderne, des mutuelles professionnelles, capables de réussir les missions qui leur sont assignées vis-à-vis de leurs adhérents et en tant que partenaires en matière de santé publique. ■