■ Au-delà de son aspect fiscal, la non double imposition joue un rôle important en ce qui concerne le partenariat entre deux pays signataires. Elle permet par ailleurs de booster les investissements étrangers. ■ En vue de mettre un terme à la fraude et à l'évasion fiscales, les conventions internationales signées par le Maroc contiennent des dispositions qui permettent d'éradiquer ces deux fléaux. ■ A l'occasion de la 8ème conférence de l'ATAIC, les pays participants ont pu échanger sur le rôle des conventions fiscales internationales… ■ A. Zaghnoun, Directeur général de la Direction Générale des Impôts, nous éclaire sur la portée aussi bien économique que sociale de ce thème débattu récemment en Arabie Saoudite. ✔ Finances News Hebdo : Durant la 8ème conférence technique de l'Association des Autorités Fiscales des Pays Islamiques (ATAIC), le débat a porté essentiellement sur le rôle des conventions internationales de non double imposition. Peut-on savoir dans quel cadre s'inscrit la tenue de cette conférence et ce qui explique le choix du thème ? ✔ Abdellatif Zaghnoun : Créée à Kuala Lumpur (Malaisie) en octobre 2003, l'ATAIC est une association qui regroupe actuellement 26 pays dont les principaux objectifs sont de : • réunir annuellement les autorités fiscales des pays islamiques pour débattre des questions relatives à la fiscalité et à la Zakat ; • mutualiser les expériences et développer la coopération et l'assistance mutuelle entre les pays membres. Le Maroc est l'un des onze pays fondateurs de cette Association et participe activement aux travaux de cette dernière depuis sa création. En ce qui concerne le choix des thèmes de la conférence, chaque pays propose ceux qui présentent un intérêt particulier pour lui, et par consensus, deux thèmes sont arrêtés par les membres de l'Association pour la Conférence annuelle. Le choix des deux thèmes de la conférence s'explique par la nécessité de créer un réseau conventionnel plus important entre les pays islamiques et la sensibilisation des pays membres sur le rôle que peuvent jouer les conventions fiscales internationales. ✔ F. N. H. : Peut-on savoir quel est le nombre de conventions internationales de non-double imposition signées par le Maroc avec les autres pays étrangers et quels sont les facteurs déterminants lors de la signature d'une convention avec un pays ? ✔ A. Z. : Le réseau marocain de conventions fiscales internationales est l'un des plus denses en Afrique et dans le Monde arabe. Actuellement, le réseau marocain comporte 69 conventions de non double imposition : • 43 conventions en vigueur ; • 12 conventions signées en instance de ratification ; • et 14 conventions paraphées en instance de signature. Il y a lieu de préciser que toutes les conventions en vigueur au Maroc sont bilatérales, à l'exception de la convention multilatérale signée entre les pays de l'Union du Maghreb Arabe. La conclusion d'une convention de non double imposition vise à renforcer davantage les relations économiques et financières entres les deux pays partenaires. Elles ont pour principaux objectifs : i) l'élimination de la double imposition en accordant un crédit d'impôt dans l'Etat de résidence du contribuable ; ii) la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales en prévoyant des dispositions en matière d'assistance administrative relatives à l'échange de renseignements et le recouvrement d'impôts. ✔ F. N. H. : Quels sont les impôts qui sont concernés par la non double imposition ? ✔ A. Z. : Les impôts visés par les conventions signées par le Maroc sont l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu. ✔ F. N. H. : Est-ce que l'administration des impôts a procédé à une évaluation des retombées de ces conventions sur le plan économique et social ? ✔ A. Z. : Les investissements étrangers seraient entravés si les revenus engendrés par ces investissements risquaient d'être imposés à la fois dans le pays de la source de ces revenus et dans le pays de la résidence de l'investisseur. Les conventions fiscales internationales contribuent à éviter ce risque en définissant des règles claires et consensuelles d'imposition des revenus et du capital et améliorent le contexte dans lequel les entreprises et les individus exercent leurs activités. Afin de mettre en place un cadre juridique propice à l'investissement, les Etats concluent des conventions de non double imposition et des accords de promotion et de protection des investissements, ainsi que des accords de libre-échange. ✔ F. N. H. : La fiscalité est-elle attrayante pour les investisseurs étrangers, sachant que plusieurs dispositions ont disparu dans le cadre de l'aménagement des dépenses fiscales ? ✔ A. Z. : La fiscalité n'est pas le facteur déterminant dans le choix des investisseurs étrangers. D'autres facteurs sont pris en considération par les investisseurs tels l'accessibilité des marchés, la stabilité, la disponibilité et la qualification de la main-d'œuvre, l'infrastructure (ports, aéroports, autoroutes, télécommunications,…. ), la Justice, le cadre juridique existant (les conventions de non double imposition, les accords de protection des investissements,…), etc. Par ailleurs, notre droit fiscal actuel comporte des incitations accordées aussi bien aux investisseurs nationaux qu'étrangers. Les aménagements apportés dans le cadre des dépenses fiscales s'inscrivent dans une logique de réforme de notre système fiscal visant, notamment, l'élargissement de l'assiette fiscale et la baisse des taux d'imposition. ✔ F. N. H. : Comment la non double imposition peut-elle prévenir la fraude et l'évasion fiscales ? ✔ A. Z. : Dans la majorité des conventions fiscales internationales signées par le Maroc, nous prévoyons des dispositions visant l'assistance administrative entre les deux Etats contractants. Les conventions qui suivent les modèles des Nations unies et de l'OCDE comprennent des dispositions qui permettent de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. Ainsi, les dispositions de l'article relatif à l'échange de renseignements permettent aux autorités fiscales d'un pays de demander des informations à l'autre Etat contractant concernant des contribuables qui y résident et ayant des revenus ou des profits réalisés dans l'autre Etat. Cet échange de renseignements peut être fait sur demande ou automatique. Il existe également un autre article qui permet aux Etats contractants de se prêter mutuellement assistance en matière de recouvrement des impôts. Les dispositions de cet article permettent de recouvrer des impôts et taxes pour le compte d'un autre Etat ou ses collectivités locales. ✔ F. N. H. : Quels sont les principaux enseignements que vous avez pu dégager de cette 8ème conférence ? ✔ A. Z. : La 8ème conférence de l'ATAIC a été l'occasion d'échanger les points de vues des pays participants sur le rôle des conventions fiscales internationales et l'examen de la possibilité d'élaborer un modèle de conventions de non double imposition pour les pays islamiques. Le premier enseignement dégagé lors de cette conférence a trait à la nécessité de conclure des conventions fiscales internationales afin de mettre en place un cadre juridique encourageant l'investissement étranger, notamment par la suppression de la double imposition. En outre, les membres de l'Association ont tous convenu de prévoir des dispositions conventionnelles permettant la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales à travers une assistance administrative efficace entre les autorités fiscales des Etats contractants. Par ailleurs, les participants à cette rencontre ont souligné que les incitations fiscales prévues dans le droit interne ne sont pas un facteur déterminant pour attirer les investissements étrangers. A la fin de cette conférence, les délégations des pays participants ont formulé des recommandations concernant : • la désignation d'un comité auquel le Maroc a pris part, afin de discuter de l'opportunité d'élaborer un modèle de convention fiscale pour les pays islamiques ; • l'importance de la formation au profit des cadres des administrations fiscales ; • la création du siège du secrétariat permanent de l'Association. A cet effet, une commission, comprenant le Maroc, l'Arabie Saoudite, la Jordanie, la Malaisie et le Soudan, a été chargée d'examiner cette question et de présenter ses conclusions lors de la prochaine conférence. Il y a lieu de préciser que la prochaine conférence de l'ATAIC aura lieu à Amman, en Jordanie en 2012 et dont les thèmes porteront sur le contentieux fiscal et les prix de transfert. ■ Propos recueillis par Soubha Es-siari