L'épargne de moyen ou long terme demeure limitée en proportion, représentant près de 6% du PIB. L'abaissement du taux de la réserve obligatoire par BAM ne peut qu'améliorer la collecte de nouvelles liquidités. Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur Directeur général de BMCE Bank, nous apporte des éclaircissements en la matière. - Finances News Hebdo : Comment arrivez-vous à gérer vos besoins croissants de liquidités au sein de votre établissement bancaire ? - Brahim Benjelloun Touimi : Les facteurs restrictifs de la liquidité bancaire, à l'origine de ces «besoins pressants», ont trait à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci : le rythme des levées du Trésor en rapport avec le financement de son déficit (surtout du fait de la «compensation»), la dynamique des avoirs extérieurs nets, induite par la hausse des volumes et des prix des importations, notamment des produits pétroliers et des céréales, l'augmentation de la circulation de la monnaie fiduciaire - en dehors du circuit bancaire - elle-même fonction de facteurs saisonniers (été et Ramadan…). Ces facteurs ont, parfois, également trait à des événements tout à fait ponctuels comme le prélèvement sur les trésoreries des entreprises au titre des paiements de leurs impôts. Ce sont, en revanche, les créances sur l'économie et, en leur sein, les concours bancaires qui sont les principaux contributeurs à la croissance monétaire. Dans ce contexte toutefois, le profil de liquidité de BMCE Bank semble adéquat. Pour preuve, le coefficient de liquidité, un des indicateurs à cet égard, ressort supérieur au niveau réglementaire requis de 100% au 30 juin 2011. Le financement des déficits de liquidité se fait, au niveau des banques comme à la BMCE, principalement par le biais des avances hebdomadaires de Bank Al-Maghrib. Les banques de la place sollicitent en effet l'Institut d'Emission chaque semaine pour le refinancement au taux directeur de 3,25%. BMCE Bank dispose, par ailleurs, d'un comité dédié à l'ALM qui surveille ces problématiques, Asset Liability Management Committee. L' ALCO a mis en place un dispositif efficient d'identification, de mesure, de maîtrise et d'atténuation des risques inhérents à l'activité de la banque dont celui de liquidité. Ce comité a également pour mission d'examiner régulièrement les résultats des stress tests pour évaluer le profil de liquidité en situation de crise. Il faut croire que la gestion au sein des banques, et pas seulement de BMCE Bank, est réalisée dans des conditions plutôt correctes, si l'on en croit la stabilité observée du niveau du loyer de l'argent au jour le jour sur le marché monétaire. - F.N.H: Quelles mesures proposez-vous d'entreprendre pour atténuer cette crise ? - B.B.T : On peut se féliciter de la prise d'un certain nombre de mesures à l'initiative des institutions publiques - Bank Al-Maghrib, ministère des Finances ...- et en intelligence avec la communauté bancaire. Par exemple, la création de la filiale bancaire de Poste Maroc - Barid Bank- qui développe au Maroc un modèle de Low Income Banking, favorisant l'accès aux services financiers de base à des couches élargies de la population. Le taux de bancarisation au Maroc a, par ce biais-là, cru de plus de 10 points de pourcentage depuis, pour s'établir à un niveau supérieur à 50%. Les différentes mesures relatives aux comptes à zéro dépôt, le relèvement du plafond des comptes d'épargne et l'institution des différentes formules de Plans d'Epargne - PEA, PEL, PEE -ainsi que la promotion collective - banques et autorités publiques - des transferts des Marocains résidant à l'étranger - pour ne parler que des mesures les plus emblématiques - représentent des réponses structurelles à la problématique évoquée. La part de l'économie informelle au Maroc représente un gisement encore inépuisé de ressources susceptibles d'être intégrées dans le circuit monétaire. On peut, ce faisant, élargir l'assise des liquidités bancaires et partant, celle du financement de l'économie par la mobilisation d'une épargne potentielle supplémentaire. La micro-finance représente, précisément, un canal adapté à ce pan important de l'économie marocaine - l'informel - en favorisant l'accès aux circuits financiers de segments de population qui, autrement, auraient eu du mal à y être intégrés. - F.N.H : Dans un contexte de lancement de plusieurs projets d'investissement gouvernementaux, de manque d'épargne longue et de déficit du Trésor, espérez-vous un abaissement du taux de la réserve obligatoire par la Banque centrale ou encore la diminution du taux directeur ? - B.B.T : Tout banquier qui vit sur «le terrain» la bataille auprès de la clientèle pour collecter de nouvelles liquidités, notamment les dépôts a vue non rémunérés, se féliciterait d'un abaissement du taux de la réserve obligatoire par BAM. Ce serait autant de ressources libérées pour l'octroi de crédits. Ce genre de mesures répond à des considérations strictes de conduite de la politique monétaire dont l'un des objectifs essentiels est la stabilité des prix et celle de la monnaie. Elles n'ont pas vocation alors à remédier structurellement aux thématiques auxquelles vous faites référence. Il est vrai que les besoins en financement au Maroc vont en grandissant - et c'est tant mieux - en raison de la multitude de projets stratégiques nationaux (Plan vert, infrastructures lourdes, Pacte National Pour l'Emergence Industrielle, Vision 2020…). Plusieurs centaines de milliards de dirhams de financement sont en jeu. Les banques marocaines ne pourraient pas mobiliser, à elles seules, toute cette manne... D'autant que la durée d'immobilisation de l'épargne bancaire est en décalage par rapport à ce qui est habituellement requis par ce genre de projets de long terme. 70% de l'épargne marocaine sont, en effet, constitués de placements liquides à court terme. L'épargne de moyen ou long terme (bons du Trésor, OPCVM, titres de sociétés, épargne institutionnelle, obligations et fonds d'investissements), demeure limitée en proportion, représentant près de 6% du PIB. Promouvoir l'épargne longue, un vrai sujet dans notre pays, est une œuvre collective et de longue haleine. Le Maroc semble, à cet égard, engagé sur la bonne voie en raison des mesures instillées dans les Lois de Finances ou des divers projets amorcés en faveur du financement de l'économie par l'épargne longue, ou encore par l'épargne désintermédiée au travers des marchés des capitaux. Le projet de Casa Finance City et sa capacité d'attraction et de captation de nouveaux flux d'investissements extérieurs, représente une excellente opportunité d'accélérer l'approfondissement de ces marchés, afin qu'ils suppléent à l'insuffisance relative de l'épargne intermédiée, celle issue, à l'origine, des «liquidités bancaires»... Dossier réalisé par I. Ben, W. M,& D. W.