Le déficit commercial a atteint 18,5 Mds de DH, soit 21,1% par rapport à la même période de l'année dernière. Dans un contexte difficile l'opportunité d'une politique de change flexible refait surface chez bon nombre d'opérateurs. Les années défilent et le Maroc continue à souffrir du même problème : un déficit commercial qui ne cesse de se creuser. Aujourd'hui encore, les dernières statistiques dévoilées par l'Office des changes font montre que le déficit commercial s'est creusé à 18,5 Mds de DH, soit 21,1% par rapport à la même période de l'année dernière. Au cours des deux dernières années, plusieurs réformes avaient été entamées afin de réduire le gap entre exportations et importations : des instances ont été créées, des stratégies plus ciblées ont été adoptées, des budgets colossaux ont été alloués. Mieux encore, dans le cadre de la Loi de Finances 2011, l'argentier du Royaume avait mis en place un fonds de soutien aux exportations (200 MDH) et avait prôné la simplification des procédures de change en faveur du marché africain. Une telle mesurette s'inscrivait dans le cadre de l'amélioration des échanges Sud-Sud et donc l'encouragement des exportations vers le continent africain. Il s'avère ainsi que toutes ces actions avaient pour dessein la réduction du déficit commercial qui perdure. Mais vainement. Et pour cause, les exportations ne sont pas très compétitives et la concurrence s'annonce de plus en plus rude. D'aucuns prétendent que c'est la nature des importations marocaines qui en est responsable à cause de la prédominance des produits énergétiques. Mais il ne faut pas se voiler la face : les exportations souffrent d'un manque de compétitivité et les avantages comparatifs dont nous nous targuions il y a quelques années (proximité de l'Europe, coût de la main-d'œuvre…) sont malheureusement laminés par d'autres pays émergents. «Je pense que le déficit commercial n'est pas dû à un manque de taux de change plus flexible, Il est dû au manque de compétitivité de notre économie, à la faiblesse de l'offre exportable et à l'augmentation excessive des importations, notamment les hydrocarbures et les produits alimentaires», confirme J. Kerdoudi, président de l'Institut marocain des relations internationales. Face à cette situation, nous sommes tentés de nous poser les questions suivantes : le Maroc ne serait-il pas également victime de son système de change fixe ? Qu'est-ce qui empêche encore les autorités d'opter pour un taux de change flottant ? Nos fondamentaux ne sont-ils pas assez solides ? Chaque fois que les opérateurs montent au créneau, pour dénoncer les limites du régime de change actuel, ils sont vite remis à leur place; toutefois, aujourd'hui, dans un contexte de plus en plus mondialisé où la crise internationale pèse comme une épée de Damoclès, la question refait surface. D'après le président de l'IMRI, «un taux de change flottant exige une économie solide, avec une balance des paiements excédentaire. Ce n'est pas encore le cas pour l'économie marocaine. Il y a risque de fuite des capitaux et aggravation de la balance des paiements si ce système est adopté maintenant». Le Maroc perd du terrain L'adoption d'un panier de monnaie ancré à l'Euro et au Dollar a particulièrement contribué à la stabilité macroéconomique et à la génération d'un faible taux d'inflation. Elle vise par ailleurs à encourager l'investissement par l'accommodation d'un environnement d'une stabilité séduisante. Si aujourd'hui le Maroc peut se féliciter de telles réalisations, il n'en demeure pas moins que pour ce qui est des exportations, ses parts de marché s'effritent au profit d'autres pays de l'Europe de l'Est et des pays concurrents du pourtour méditerranéen. Il l'est particulièrement à l'égard de l'Egypte qui a adopté un régime de change flottant depuis l'année 2000, ou de la Tunisie qui a fait le choix d'un change mixte. «Ces deux pays ont eu recours à de significatives dépréciations de leurs monnaies respectives vis-à-vis du Dirham, ce qui leur a conféré autant d'avantages comparatifs», précise un opérateur. «Mondialisation oblige, il est devenu impératif pour le Maroc de statuer sur une politique de change à même de trouver le moyen de mettre en place une flexibilité modulable du Dirham en parfaite harmonie avec l'ouverture de l'économie», annonce-t-il. A noter aussi qu'une telle politique de change est recommandée par deux bailleurs de fonds. Le parachèvement du démantèlement tarifaire avec l'Union européenne et l'engagement dans les divers accords de libre-échange exigent du Maroc l'adoption à moyen terme d'une politique de change plus flexible. Dans le même sillage, il est à noter que les mouvements de la balance commerciale, qui ont tendance à maintenir les importations dans un rapport double des exportations, traduisent l'érosion compétitive du Maroc à laquelle il faut faire face. D'après J. Kerdoudi, «nos exportations souffrent d'un double déficit : manque de compétitivité et faiblesse de l'offre exportable. Il faudrait une véritable politique d'amélioration de la compétitivité, qui passe par la baisse des coûts des facteurs de production, mais également l'amélioration de la gestion de nos entreprises et l'orientation vers la recherche/développement pour promouvoir l'innovation». Quant à l'augmentation de l'offre exportable, il recommande de «diversifier notre industrie et de développer les exportations de services, notamment l'offshoring qui présente pour le Maroc des opportunités intéressantes». Reste à souligner que les résultats escomptés d'un tel régime ne seraient envisageables que dans la mesure où l'on peut faire valoir une politique budgétaire efficiente et soutenable couplée à un système bancaire robuste et rentable. «Il faut continuer la politique actuelle tendant à libéraliser progressivement le marché des changes. Je pense par exemple à la dotation en devises étrangères qu'il faut augmenter pour les entreprises afin de leur permettre d'ouvrir des bureaux à l'étranger et, pourquoi pas, investir à l'étranger», conclut J. Kerdoudi. S. E.