Pour élaborer leur programme économique, les partis se basent sur leur référentiel idéologique, les attentes de l'électorat et l'environnement du pays. Les formations politiques font de plus en plus appel à des profils pointus pour arrêter leur agenda. Le volet économique et social est un axe central des partis politiques. Le prochain gouvernement doit être élu sur la base des engagements qu'il doit s'efforcer de réaliser et rendre des comptes à la fin du mandat. Le Premier ministre et son équipe n'auront pas d'excuses puisqu'ils seront maîtres de leur feuille de route. Les partis sont très attendus sur leur programme. Contrairement aux autres échéances électorales, ils sont tenus d'arrêter des axes crédibles, réalistes et réalisables. Lors d'une dernière rencontre avec la presse Mohamed Horani, président de la CGEM, a souhaité que les partis discutent publiquement et ouvertement de leurs programmes économiques et sociaux avec le patronat. «Cela va nous permettre de comprendre leur préoccupation et partager avec eux notre vision et nos idées», a-t-il annoncé. Le temps des annonces populistes est terminé. Les électeurs sont de plus en plus initiés. Le développement des médias qui rend l'information rapide, détaillée et accessible, impose à nos formations politiques de se mettre à niveau et d'avancer des dispositions concrètes. Quand Moncef Belkhayate, ministre de la Jeunesse et des Sports, a annoncé dans une rencontre sur les jeunes que son parti, le Rassemblement national des indépendants (RNI), a un programme comportant la création d'un million de postes d'emploi, soit 200.000 chaque année durant tout le prochain mandat, plusieurs membres du bureau politique du parti de la colombe sont montés au créneau pour rectifier le tir jugeant les hypothèses de Belkhayate «disproportionnées». L'élaboration d'un programme économique se base sur plusieurs critères. Il y a tout d'abord le référentiel idéologique : est-il conservateur, libéral ou progressiste ? Par exemple, des partis comme l'Istiqlal ou le PJD ont toujours été pour un renforcement des taxes sur le tabac ou l'alcool et étaient plus ou moins réticents à toute forme de privatisation à outrance. Les partis de la gauche sont pour un renforcement de l'imposition sur la population riche du pays et un nouveau modèle de redistribution des revenus. Ils sont par ailleurs réticents à toute forme d'économie rentière. Ensuite, il y a la vision arrêtée par les militants et les experts du parti. Pour séduire, les formations politiques doivent avancer les sujets qui préoccupent le plus l'électorat tout en prenant en considération la réalité du pays. Jadis, les partis élaboraient des programmes quasi similaires avec des clauses généralistes et très vagues comme la lutte contre le chômage, la pauvreté, l'analphabétisme, la construction de logements, le renforcement des infrastructures et l'amélioration des services sociaux… Actuellement, ils sont tenus de clarifier et de développer leur programme. Il s'agit plutôt d'une affaire d'experts qui doivent prendre en considération plusieurs éléments techniques comme les fondamentaux du pays avec à leur tête la croissance, le déficit, l'inflation, la dette publique ou les finances de l'Etat. La politique fiscale est également un terrain de prédilection où il faudra soit favoriser certains secteurs à travers des dérogations, soit créer parallèlement de nouveaux impôts, l'élargissement de l'assiette ou la hausse des taux de certains impôts. Mais la tendance générale milite pour un apaisement fiscal. Le monde rural et l'agriculture sont parmi les créneaux les plus exposés et figurent pratiquement dans tous les programmes des partis politiques, étant donné que la population marocaine est composée de plus de 40% de ruraux et que contrairement aux citadins, l'électorat des campagnes est très participatif. Toujours dans l'objectif de séduire la masse électorale, l'émancipation de la femme et des jeunes reviennent le plus souvent comme sujets phares dans les tractations. Des partis comme le Mouvement populaire ou l'ex-PND se considèrent comme les défenseurs historiques du monde rural. Concernant l'encadrement, il faut dire que les partis font de plus en plus appel à des experts et à des professionnels pour l'élaboration de leur agenda. Ils sont mieux outillés en matière de profils pointus, issus notamment des milieux universitaires, des affaires et de différents horizons, permettant de répondre à toutes les attentes des électeurs. Avec la nouvelle Constitution se pose la question des comptes à la fin des mandats. L'actuel gouvernement a lancé un site dédié (makassib.ma) pour mettre en évidence ses réalisations. Mais il a toutefois évité les dossiers où il a fait défaut. Pour rappel, lors des élections législatives de 2007, l'Istiqlal s'était engagé à réformer profondément la Caisse de compensation et réduire au maximum les réformes de soutien via la distribution des aides directes. Mais cet engagement n'a pas été tenu vu les complications techniques et logistiques pour l'appliquer. La réforme des retraites a été également un sujet omniprésent dans plusieurs législatures, mais aucun gouvernement n'a eu le courage d'appliquer les mesures appropriées. En tout cas, tous les partis s'accordent pour que l'investissement public soit un moteur de la croissance. Pour Adil Douiri, chef des économistes de l'Istiqlal, «il est inapproprié de réduire l'investissement public pour assurer l'équilibre budgétaire ; il faut limiter les dépenses. Plafonner l'enveloppe de compensation et stabiliser les dépenses de l'administration sont aujourd'hui plus que nécessaires», a-t-il souligné devant la presse dernièrement. L'USFP, l'autre parti de la coalition gouvernementale, parle d'une économie de marché solidaire. «La nouvelle Constitution a mis en place plusieurs institutions comme la Cour des comptes, le Conseil de la concurrence ou le Médiateur… Ces institutions placent les jalons de l'économie de marché encadré par l'Etat au service de la société. C'est ce que l'USFP appelera dans son futur programme «l'économie de marché solidaire». «Cette formule doit être le cadre où nous devons faire plus d'efforts afin de bien mener le changement politique et, bien sûr, le changement économique», a affirmé Habib El Malki, économiste et membre du bureau politique de l'USFP.