En dépit d'une modification des hypothèses retenues lors du vote du budget 2011, le gouvernement n'a pas jugé utile de recourir à une Loi de Finances réctificative. Pour certains, une telle décision va à l'encontre des règles les plus élémentaires de la pratique budgétaire. Les dernières Lois de Finances rectificatives datent de 1984 (prélude au programme d'ajustement structurel) ou de 1990 (institution du système d'acompte prévisionnel). La dégradation de la conjoncture économique et sociale qui a caractérisé l'année en cours, et les mesures de soutien de l'activité qu'elle induit ont entraîné l'augmentation de la dépense publique d'une façon exagérée. L'équilibre des finances publiques s'est vu écarté de la trajectoire fixée, il y a quelques années. En effet, si l'exercice budgétaire 2010 s'est soldé par un déficit en aggravation, atteignant 4,6% du PIB, 2011 pourrait connaître un creusement inquiétant entre des recettes qui stagnent et des dépenses de fonctionnement qui explosent. Et face à un tel scénario, l'idée d'une Loi de Finances rectificative se pose avec acuité. Cette dernière se veut un moyen d'accompagner la révision des hypothèses retenues dans la Loi de Finances 2011. Une loi rectificative (LFR) a pour but de corriger à la hausse ou à la baisse les dépenses et recettes prévues dans la loi de finances initiale. Votée en cours d'année, elle modifie les dispositions des lois de finances initiales, compte tenu de l'évolution de la conjoncture économique et financière. De plus, une proposition de LFR ne peut être déposée par le Parlement, c'est toujours un projet de loi. Sous d'autres cieux, le recours à une Loi de Finances rectificative se fait de manière spontanée chaque fois qu'il y a retournement de conjoncture. Pour le cas de l'Hexagone, le projet de Loi de Finances rectificative pour 2011 poursuit deux objectifs : la réforme de la fiscalité du patrimoine et le soutien à l'emploi et à la formation en alternance. A l'occasion de la cinquième édition des finances publiques, à l'argentier du Royaume a confié à Finances News les raisons qui empêchent le gouvernement de recouvrir à une Loi de Finances rectificative, sachant que les hypothèses retenues lors de l'adoption du budget 2011 ont été drastiquement modifiées. Ainsi selon S. Mezouar, on recourt en général à la Loi de Finances rectificative quand on n'a pas les ressources pour financer le surplus de compensation. Ce que nous avons essayé de faire, c'est de combiner entre une réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat et une augmentation des recettes publiques, ce qui nous a permis de dégager 18 milliards de DH, nécessaires pour financer le surplus de compensation». Il s'empresse d'ajouter : «La raison objective d'aller vers une Loi de Finances rectificative n'était pas réellement posée», un avis que ne partage pas du tout cet économiste qui soutien que «la première chose qui m'interpelle face à ce retournement de conjoncture est le mépris qu'on a des règles les plus élémentaires de?la?pratique?budgétaire. Le préalable méthodologique m'attriste. Normalement, c'est une Loi de Finances rectificative qui s'impose et non pas des circulaires». «En effet, on ne peut pas faire voter des parlementaires sur une Loi de finances pour changer plus tard certaines données sans revenir à ces députés» précise-t-il. Surtout quand il s'agit d'une mesure de cette importance ! Une loi aussi importante que la Loi de Finances ne peut être modifiée que par la loi ! Donc, modifier les hypothèses retenues dans la Loi de Finances, sans recourir à une loi, se place aux antipodes de la bonne gouvernance. Silence, on va modifier les hypothèses En décortiquant le contexte global dans lequel la LF 2011 a été votée par le Parlement, on remarque qu'il est dépassé au point de remettre en cause les hypothèses fondamentales sur lesquelles elle a été bâtie. Plusieurs éléments corroborent ce constat. En premier lieu, au plan externe, il y a événements de la région Sud de la Méditerranée. Les troubles qui ont éclaté dans certains pays producteurs de pétrole ont impacté soit la production pétrolière, soit son transport via le canal de Suez, si bien que c'est tout le marché mondial de l'or noir qui a été affecté, poussant vers de nouveaux records les prix du baril. Avec un prix dépassant les 120 dollars, on est loin de l'hypothèse de 75$/baril retenue lors du vote du budget. Au niveau interne, deux faits marquants méritent d'être relevés. D'une part, les dépenses de compensation ont atteint le record de 28 Mds, et tout laisse prévoir qu'elles vont dépasser 40 Mds. D'autre part, la concrétisation des résultats du dialogue social, la revalorisation de nombreuses catégories de fonctionnaires ou les nouveaux recrutements des diplômés, laissent craindre un alourdissement des dépenses de fonctionnement, entraînant une augmentation de la masse salariale dans des proportions imprévues. Une autre source nous explique que le recours à une Loi de Finances rectificative a été abandonné, car après tout, que vaut une Loi de Finances rectificative face à un changement de Constitution ? D'autant que des contraintes de calendrier (referendum constitutionnel, survenance de Ramadan en août, élections législatives ont rendu caduque une initiative visant à réunir le Parlement pour le vote d'une LFR. Les dernières Lois de Finances rectificatives datent de 1984 (prélude au programme d'ajustement structurel) ou de 1990 (institution du système d'acompte prévisionnel). Patience, le prochain gouvernement aura certainement recours à une LFR pour modifier celle adoptée par celui de A. El Fassi. S. Es-siari Sous d'autres cieux… Pour le cas de l'Hexagone, le projet de Loi de Finances rectificative pour 2011 poursuit deux objectifs : la réforme de la fiscalité du patrimoine et le soutien à l'emploi et à la formation en alternance. La réforme de la fiscalité du patrimoine repose sur la suppression du bouclier fiscal et sur la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à travers sa simplification et l'adaptation de son barème. Cette réforme est financée par une taxation plus importante des donations et successions des hauts patrimoines. Le second objectif de la réforme est le soutien à l'emploi et à la formation en alternance à travers la promotion de la formation en alternance, avec une refonte de la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) ; un recours accru aux contrats aidés dans le secteur non marchand ; des actions en faveur de la formation des demandeurs d'emploi et la mise en œuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP).