Sous l'impact de la conjoncture, plusieurs indicateurs ont été révisés, impactant en cela les hypothèses retenues par la LF 2011. L'alourdissement du déficit public sous le poids de la compensation et des récents engagements sociaux du gouvernement, impose une nouvelle répartition dans les postes budgétaires. Le Maroc a vécu le même scénario en 2008, mais n'a pas finalement opté pour un texte rectificatif. Le débat sur une Loi de Finances rectificative est à l'ordre du jour. Plusieurs éléments militent en faveur de cette option, notamment certaines hypothèses que la LF 2011 a retenues et qui nécessitent une sérieuse correction. Il est question d'ajuster le budget de l'Etat et de le rendre conforme à la réalité. Les nouveaux engagements budgétaires de l'Etat, dont le volume est important, ont impacté sérieusement plusieurs postes budgétaires, rendant toute forme d'arbitrage un exercice difficile. A moins que le gouvernement veuille sacrifier certaines dépenses liées à l'investissement ou ajourner certains projets. En tout cas, le déficit public estimé à 3,5% dans le cadre de la LF 2011, devrait évoluer dans un trend haussier. A fin mars 2011, il est passé à 4,5%. Le risque d'une aggravation de ce taux s'accentue davantage au fil du temps. La question de son financement suscite aussi quelques interrogations. C'est le budget de la compensation, les charges liées au dialogue social qui vont plomber les dépenses de l'Etat. En revanche, au niveau de recettes, les choses continuent d'évoluer lentement. Les dernières statistiques révèlent une progression de 2%. Les recettes non fiscales sont restées quasi stagnantes avec une augmentation ne dépassant pas 1%. Cette évolution est à imputer aux mauvaises performances de la fiscalité directe qui enregistre une baisse de 18%. L'IS régresse de 52%, alors que l'IR n'a augmenté que de 2%. En revanche, la fiscalité indirecte a progressé de 4%. La baisse des taux et une conjoncture difficile continuent de peser sur le potentiel fiscal. Mais c'est au niveau des dépenses que le gouvernement est confronté à un véritable puzzle. Même s'il y a des apaisements sur les marchés mondiaux ces derniers jours, il faut dire que les factures pétrolière et alimentaire sont de plus en plus salées pour le Maroc. Malgré des résultats prévisionnels d'une campagne agricole de 88 millions de quintaux. Le Maroc doit importer au moins 30 millions de quintaux de blé de l'étranger avec ce que cela entraîne en matière de dépense en devises. Pour le pétrole, la moyenne du prix du baril tourne au-delà des 100 dollars, alors que la LF 2011 a retenu 75 dollars. La position du Maroc à l'international est également mise à rude épreuve. Les secteurs bailleurs de devises pour le Maroc, notamment les MRE et le tourisme, sont marqués par les incertitudes. Pour nos résidents à l'étranger, les statistiques disponibles publiées par l'Office des changes font état d'une légère augmentation des transfèrts. A fin mars 2011, ils ont atteint 11,96 Mds de DH, soit une hausse de 0,9%. Les recettes voyages sont arrêtées à 10,39 Mds de DH, en progression de 6,9%. Les derniers événements de Marrakech peuvent perturber la performance du secteur même si le gouvernement essaie de véhiculer le contraire. L'autre point négatif des fondamentaux du pays concerne cette fois les IDE dont les réalisations n'ont pas dépassé, à fin mars 2011, 5,3 Mds de DH, soit un recul de 5,5%. Il y a quelques semaines, le gouvernement était catégorique quant à une éventuelle LF rectificative. «Il n'y a pas de raison valable à ce que la Loi de Finances soit rectifiée tant que le budget de l'investissement n'est pas touché», a confié Nizar Baraka à des parlementaires. Le ministre des Affaires générales a souligné que «le Maroc a vécu le même scénario en 2008 avec des pressions sur le budget et une injection de 15 Mds de DH pour la compensation et la LF a été maintenue en l'état». Seulement, le ministre n'a pas précisé qu'en 2008 les recettes fiscales avaient connu une explosion et c'est l'une des rares années où le Maroc avait enregistré un excédent. Ce qui a permis à l'Etat de gérer confortablement ses dépenses Il faut rappeler que le gouvernement avance, dans de pareilles situations, l'article 42 de la loi organique des Finances évoquant un chapitre spécial qui n'est affecté à aucun service. Il est ouvert pour les dépenses imprévues et les dotations provisionnelles. Cet article stipule que «des prélèvements peuvent être opérés en cours d'année sur ce chapitre». Et ce, pour assurer, par un crédit supplémentaire, la couverture de besoins urgents ou non prévus lors de l'établissement du budget. La loi organique est on ne peut plus claire dans son article 43 adossé à l'article 45 de la Constitution. Pour ce qui est de l'opération de recrutement des diplômés-chômeurs dont le nombre est de 4.304, l'exécutif a décidé qu'elle ne sera pas une action isolée mais qu'elle fera partie des 18.000 nouveaux postes budgétaires décidés par la LF 2011. Cela veut dire qu'on va sacrifier de nouvelles recrues et des postes dont l'Administration a le plus besoin pour des secteurs bien déterminés auxquels les profils en général des diplômés-chômeurs ne correspondent pas. De plus, il faut souligner que l'opération sera coûteuse pour l'Etat, car toutes les nouvelles embauches sont rémunérées sur la base de l'échelle 11. Cette catégorie ne représentait préalablement que 10% des recrutements, alors que les autres postes ont des échelles comprises entre 5 et 10. Le gouvernement doit également faire face à d'autres engagements sociaux qui ont trait au dialogue avec le syndicat et le patronat. La décision d'augmentation des salaires de 600 DH va entraîner une charge supplémentaire de 7,2 Mds de DH. Face à ces réalités, l'accentuation du déficit budgétaire semble inéluctable. Pour faire front l'hypothèse de la privatisation est également envisagée. Salahedine Mezouar a confié à maintes reprises que l'argent collecté ne servira jamais à financer le déficit et qu'une grande partie va alimenter le Fonds Hasan II pour l'investissement. Dans ces conditions, la partie réservée aux investissements dans le budget général de l'Etat va s'orienter pour combler le manque à gagner du Trésor. En tout cas, le Maroc traverse une période marquée par de fortes incertitudes aussi bien au niveau national qu'à l'international et qui vont perturber le budget de l'Etat. Si le gouvernement doit opter pour une LF rectificative, il devra le faire au plus tard durant le mois de juin. Au-delà, il sera rattrapé par les préparatifs de la prochaine Loi de Finances.