Les normes IPSAS sont les nouvelles normes comptables et financières internationales du secteur public. Elles s'inspirent des normes IFRS, mais prennent en considération les spécificités du secteur public. Produites par l'IFAC, les normes IPSAS imposent à tous les organismes publics de fournir des états financiers semblables à ceux du secteur privé. Une révision du cadre conceptuel régissant les normes IPSAS n'est pas à exclure dans les années à venir. Marie-Pierre Cordier, conseiller-maître à la Cour des comptes, membre de l'IPSAS-Board, nous éclaire sur les tenants et aboutissants des normes IPSAS. -Finances News Hebdo : Peut-on savoir jusqu'à quel degré les normes IPSAS peuvent aider à une limitation de la dilapidation des deniers publics et à une efficacité de la dépense publique ? -Marie-Pierre Cordier : Les normes IPSAS sont les nouvelles normes comptables et financières internationales du secteur public, qui sont en train de s'imposer dans toutes les entités publiques du monde entier : Etats et gouvernements, organismes et services publics, municipalités et établissements publics (hôpitaux, universités, lycées, centres de recherche…) Les normes IPSAS peuvent aider de plusieurs manières dans cet objectif qui est vraiment central pour la modernisation et la soutenabilité des finances publiques. La meilleure manière d'y parvenir est la transparence des comptes publics, et c'est surtout l'obligation de rendre compte au Parlement et aux citoyens. En effet, si l'Administration prend l'habitude d'avoir des comptes clairs, lisibles, rendre compte de l'emploi des impôts (comment les impôts prélevés sont-ils utilisés ? Comment les objectifs des citoyens sont-ils atteints ?), les normes IPSAS ont, sur ce plan-là, des éléments de réponse parce qu'il n'y a pas uniquement les normes comptables, mais elles constituent un véritable élément de réponse à votre question. -F.N.H. : Vous avez par ailleurs insisté sur une parfaite convergence entre normes IPSAS et normes IFRS tout en tenant compte des spécificités du secteur public. Quelles sont ces spécificités auxquelles vous faites allusion ? -M.P. C. : Effectivement, les spécificités sont très importantes parce que, comme vous le savez, il y a ce qu'a évoqué le président du Conseil économique et social du Maroc : le fait que l'Etat est un assureur en dernier ressort. En cas de risque systémique majeur, on fait souvent appel à l'Etat. Une autre spécificité aussi importante est la capacité de l'Etat de lever l'impôt. Comment comptabiliser les produits régaliens ? Il s'agit là encore d'une autre spécificité. Et enfin du côté des dépenses et du passif, il faut comptabiliser tout ce qui est passif social parce que c'est bien l'Etat qui assure une bonne partie des dettes sociales. D'où la question que nous nous posons : comment comptabiliser ces dettes sociales qui, comme vous le savez, sont extrêmement importantes ? -F.N.H. : Au moment de la crise financière, les normes IFRS avaient été pointées du doigt pour des raisons comptables. Est-ce que les normes IPSAS prennent en considération les incertitudes du contexte international ? -M.P. C. : La réponse est assez complexe. Je dirai que ce qui a été remis en cause lors de la crise financière?internationale?de 2007-2008 et qui continue à l'être, c'est bien un effet procylique. On a accusé les normes IFRS d'avoir, par le choix de ces normes, comptabilisé à la valeur du marché. Donc, lorsque les marchés chutent, les valeurs chutent également et les investisseurs perdent confiance; et en ce sens là il y a un lien entre les normes comptables et la crise financière. A l'IPSAS Board, le choix est de copier les normes IFRS, mais actuellement nous sommes en plein cadre conceptuel qui peut nous amener, à terme de réfléchir sur l'utilité des états financiers. A qui sont-ils destinés ? Et donc il se peut, qu'à terme, nous revoyions les systèmes financiers qui, pour l'instant, sont calqués sur les normes IFRS. -F.N.H. : En tant que membre de l'IPSAS Board, quelle appréciation faites-vous des réformes entamées par le Maroc au cours des dernières années ; et comment jugez-vous l'état d'avancement dans un contexte marqué par l'incertitude et l'hésitation ? -M.P. C. : Je dirai que c'est impressionnant de voir l'ampleur des réformes. Je parle aussi des réformes en matière de décentralisation qui sont aussi impressionnantes que les réformes budgétaires et comptables. Et c'est la raison pour laquelle j'ai fortement invité le Maroc à participer au débat international comptable, puisqu'il a à apporter au débat sa propre expérience en cours sur les comptes publics. Dossier réalisé par S. Es-Siari, I. Bouhrara & I. Benchanna