La réforme de la Loi organique des finances publiques constitue une opportunité pour donner une impulsion à leur modernisation. Au fil des ans, les stratégies se sont développées de manière fourmillante, d'où la nécessité de mettre de l'ordre et de la cohérence. La cinquième édition du Colloque sur les finances publiques au Maroc et en France, qui s'est tenue récemment à Rabat, a choisi cette année pour thème «La cohérence des finances publiques». A l'instar des précédentes éditions, ledit colloque a été organisé par le ministère de l'Economie et des Finances, en partenariat avec l'Association pour la Fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP) et le Groupement européen de recherches en finances publiques (GERFIP), avec le soutien de la revue française de Finances publiques (RFFP). Depuis sa première édition en 2007, le colloque est devenu un espace de partage d'expériences en matière de finances publiques et de leur avenir dans un contexte très incertain. Il se veut désormais un véritable laboratoire pour les idées novatrices et les réflexions stratégiques à mettre à la disposition des décideurs. La thématique choisie n'est pas fortuite. Elle intervient dans un contexte marqué par les soubresauts d'une crise financière tentaculaire. Un contexte où la question de soutenabilité des finances publiques se pose avec acuité : les recettes augmentent, mais à un rythme lent par rapport aux dépenses. A cette occasion, l'argentier du Royaume a tenu à rappeler les enjeux de la nouvelle Constitution. Sur le plan économique et financier elle met en place les jalons d'une économie socio-libérale dans la mesure où elle cherche à combiner les objectifs d'une forte croissance à ceux d'une inflation limitée, d'un taux de chômage réduit et d'une protection sociale convenable. Dans le prolongement de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, la réforme de la Loi organique de finances constitue une opportunité pour donner une impulsion à la modernisation des finances publiques. L'élaboration d'un plan comptable de l'Etat est aussi un élément de réponse à la modernisation des finances publiques. A ce sujet, le plan comptable de l'Etat a été adopté par le Conseil national de la comptabilité. Le premier bilan est prévu pour l'exercice 2020 et le système comptable est en cours d'élaboration. Un univers de plus en plus complexe Pour Michel Bouvier, président de Fondafip, la nécessité d'une cohérence des finances publiques n'est pas due uniquement à la crise, mais plutôt à un tarissement des recettes. Depuis plus d'une trentaine d'années, une crise des finances publiques a vu le jour. Les dépenses publiques ont beaucoup progressé sans pour autant que les recettes suivent. Pour sortir de la crise, les pays ont choisi le chemin le plus facile, à savoir l'endettement. En vue de donner plus de relief à cette incohérence qui s'est installée, M. Bouvier annonce que nous sommes en présence de trois grandes catégories : financement de l'Etat (une multitude d'opérations publiques, pas de cohérence), les collectivités territoriales (le Maroc développe la décentralisation avec une propagation des satellites des collectivités locales) et le financement de la sécurité sociale. Devant cette nouvelle configuration, l'Etat est appelé à consolider les comptes, avoir un souci de clarté, voire assurer plus de cohérence entre les différents types de financement. «Nous sommes dans un monde où les stratégies se sont développées de manière fourmillante. Il faut donc mettre un ordre dynamique pour qu'il y ait une convergence de stratégies», affirme M. Bouvier. Il s'empresse d'ajouter : «Nous vivons une crise de modèle économique, nous sommes en présence d'un modèle qui n'est pas en relation avec la réalité économique, d'où la nécessité de repenser nos modèles de pensée». Aussi, dans le même sillage, et dans un souci de cohérence à un niveau micro-économique, M. Cordier, membre de l'IPSAS-Board, a mis en exergue les enjeux des normes IPSAS qui visent un renforcement de la cohérence dans les prises de décision au sein des entreprises publiques. De telles normes s'alignent sur celles du secteur privé, mais prennent en considération les spécificités du secteur public. La cohérence budgétaire concerne par ailleurs les finances sociales. En tant que Directeur général d'une caisse de retraite, M. El Abdallaoui a mis en exergue l'importance de la dette sociale. Au cours de la période 2012-2057, la dette sociale constituerait 4% du PIB si rien n'est fait. Il propose quelques pistes de réforme, telles que l'élargissement de l'assiette de calcul, l'augmentation de l'âge de la retraite à 65 ans, le relèvement du taux de cotisation… De telles mesures permettraient de réduire le gap de financement de 485 Mds de DH à 208 Mds de DH et à un besoin de financement de 0,8% du PIB. Il prône également la création d'un fonds d'amortissement. D'après le Directeur de la CMR, la combinaison d'un fonds d'amortissement et d'une réforme paramétrique permettrait de réduire la dette sociale. «Il ne faut pas créer de la nouvelle dette sociale supplémentaire, il ne faut pas aggraver la situation, mais garder les bonnes habitudes», ajoute-t-il. Il préconise par ailleurs de rendre visible la dette sociale dans les comptes de l'Etat et de répartir le poids de la dette d'une manière équitable entre les générations. «Si rien n'est fait, on risque de puiser dans les fonds de réserve et cela risque de compromettre le rôle de la CMR en tant qu'investisseur institutionnel», conclut-il. Dossier réalisé par S. Es-Siari, I. Bouhrara & I. Benchanna