Le retrait de la cote de Berliet Maroc est inscrit dans la stratégie du groupe depuis 2004. Société Générale choisie comme organisme conseiller de l'opération. Jean Dujon, Directeur général de Berliet Maroc, apporte des éclaircissements sur les raisons et les conséquences de l'opération. -Finances News Hebdo : Quels sont les soubassements qui ont conduit à l'opération de retrait de Berliet Maroc du marché boursier de Casablanca ? Pourquoi avez-vous choisi ce moment ? -Jean Dujon : D'abord, je vous précise que l'opération de retrait de la Bourse n'est pas un phénomène nouveau. Evoquer l'historique de la société est nécessaire pour éclaircir les raisons de l'opération. En 1975, la SNI était l'actionnaire principal de Berliet Maroc. Ce dernier a racheté une partie des actions sur le marché en 2004 pour redevenir majoritaire. Entre temps, Renault Trucks, qui est la société-mère de Berliet Maroc, a été reprise par le groupe Volvo dont la politique repose sur la détention de tout le capital de l'ensemble de ses filiales. L'opération de rachat de 100% des parts de capital de Berliet Maroc était déjà inscrite dans la stratégie du groupe; mais avec l'avènement de la crise financière qui a frappé la majorité des entreprises, cette opération était difficile à mener de la moitié de l'année 2008 jusqu'à la fin de 2010 du fait que le groupe lui-même n'avait pas de cash à placer. Il y avait d'autres urgences que celle de racheter le capital de Berliet Maroc. Le paysage s'est un peu éclairci en 2011 (les résultats de Berliet Maroc seraient meilleurs que ceux de l'année dernière), raison pour laquelle le groupe a jugé opportun de procéder à cette opération pendant l'année. Ce n'est donc pas une décision subite, elle était déjà inscrite dans la stratégie du groupe depuis l'année 2004. Il faut savoir que Berliet est une exception de l'ensemble des filiales du groupe. Elle est la seule société où Renault ne détient pas 100%. Toutes les autres filiales sont détenues en totalité par la société-mère. -F. N. H. : Donc, le retrait ne résulte pas d'une éventuelle insatisfaction vis-à-vis du marché boursier, encore moins de sa léthargie… -J. D. : Pas du tout. C'est nous qui sommes en train de nous mettre en conformité avec la politique du groupe. Ce n'est pas une décision de Berliet Maroc. Dans la mesure où nous ne sommes pas indépendants, mais adossés à un groupe, nous sommes dans l'obligation de nous soumettre à la stratégie du top management de notre maison-mère. Les résultats de Berliet Maroc se sont fortement dégradés en 2009 et 2010, du fait précisément de la crise et de la baisse importante du marché au Maroc. Il n'était donc pas du tout opportun d'effectuer cette opération à ce moment-là. -F. N. H. : Pouvez-vous nous donner quelques précisions par rapport aux modalités de l'opération ? Timing ? Prix de l'OPR ? -J. D. : Nous pouvons dire qu'aujourd'hui le choix s'est porté sur la Société Générale pour définir toutes les étapes de l'opération. Celle-ci va accompagner tout le processus de l'offre publique de retrait qui devra être réalisée avant la fin de l'année en cours. Nous n'avons pas d'informations supplémentaires ou particulières à vous donner. Rien n'est encore fait. -F. N. H. : Suite à la radiation, comptez-vous continuer à publier vos indicateurs d'activité et vos résultats ? -J. D. : Berliet se tient aux obligations légales édictées par le CDVM en matière de publications annuelles et semestrielles. Nous considérons que c'est plus un devoir de publication que d'information. Le fait de sortir de la Bourse présentera forcément moins de contraintes en matière de publications. Nous serons «libérés». Ceci étant, les états de synthèse d'une société sont publics et consultables par toute personne souhaitant avoir une idée sur nos résultats. -F. N. H. : Quel avenir prévoyez-vous pour Berliet Maroc après son retrait de la cote ? -J. D. : Berliet a accompagné l'histoire industrielle et économique du Maroc depuis de longues années. Il a été le premier investisseur industriel de cette ampleur en 1958. C'est une enseigne historiquement connue pour sa partie industrielle, autrement dit tout ce qui a trait au montage et à l'assemblage des véhicules industriels. Il est évident qu'aujourd'hui, derrière Berliet Maroc, existe Renault Trucks. Celle-ci n'est pas seulement un constructeur de véhicules industriels, mais également une entreprise qui développe des concepts globaux de services à la clientèle. Ainsi, nous offrons la partie services à travers des contrats de maintenance, des extensions de garantie ou encore des mesures de consommation des véhicules à travers des systèmes de capteurs d'informations. Nous sommes alors plus dans un rôle de conseil autour du véhicule industriel que de stricts fournisseurs de camions. J'ajoute que nous sommes soumis en Europe aux normes antipollution dites «euro». Celles-ci obligent tous les constructeurs européens à développer de nouveaux produits dans le but d'être conformes à la politique environnementale. Aujourd'hui, en Europe, les véhicules sont conformes aux normes euro 5. Cependant, dès 2014, le cadre réglementaire sera plus contraignant en édictant les normes euro 6, et comme nous sommes obligés de mettre en place de nouveaux véhicules répondant à cette norme, nous serons amenés au renouvellement complet de la gamme. Ceci dit, les mêmes véhicules seront mis en circulation au Maroc. Il n'y a pas de différence dans notre stratégie entre les produits et les services que nous mettons sur le marché européen par rapport au marché marocain, à celui de l'Amérique latine, de la Russie, du Moyen-Orient… La seule exception qui existe néanmoins c'est que le Maroc accepte encore des véhicules sous la norme euro 3. Tant que les pouvoirs publics autoriseront dans leur législation la circulation de ce type de véhicules, nous continuerons à en produire. Nous suivrons l'évolution quand le Maroc changera de législation. Du côté de la production, il est à noter que le développement du marché est assez stable. Historiquement, il se situe autour de 4.000 à 4.500 véhicules par an pour les véhicules de plus de 8 tonnes de PTC et nous prétendons réaliser 15 à 20% de parts de marché. Nos principaux concurrents sont les marques européennes, dont notamment Volvo qui est notre voisin, mais aussi concurrent sur le plan commercial, Mercedes Benz, Scania, Man…. Pour les petits porteurs, je cite les marques japonaises comme Mitsubishi et Isuzu, sans oublier les marques chinoises qui commencent à prendre leur place sur le marché marocain et développer des produits comme les tracteurs. Notre vision sur le moyen terme est de produire entre 600 à 700 véhicules par an. -F. N. H. : Et qu'adviendra-t-il de vos deux autres actionnaires, à savoir Cadiva et Hakam Abdellatif Finance ? -J. D. : L'opération ne concerne pas que le flottant en Bourse, mais également les deux autres actionnaires de Berliet Maroc : Cadiva, qui détient près de 8%, et Hakam Abdellatif Finance avec près de 6%. Les mêmes modalités de retrait de la Bourse s'appliqueront à ces derniers, que ce soit en terme de prix ou de calendrier… Le but de Renault Trucks est de détenir d'ici à la fin de l'année 2011, 100% du capital de Berliet Maroc. Propos recueillis par I.Ben. (stagiaire)