Le système éducatif marocain fait que les entreprises ont du mal à trouver les profils adéquats pour leur développement. Face à la difficulté de trouver les profils recherchés, les opérateurs font appel aux compétences étrangères. Tour d'horizon avec Jamal Belahrach, Manager général de Manpower Afrique du Nord. -Finances News Hebdo : Comment évaluez-vous, globalement, la situation du marché du travail au cours de ces dernières années? -Jamal Belahrach : Au niveau mondial, 30% des entreprises ne trouvent pas les compétences nécessaires à leur développement. Sur le plan national, les chiffres sont certainement plus importants, au regard de ce que nous savons de notre système éducatif. L'inadéquation entre l'offre et la demande se situe à un degré très important. Le marché du travail marocain n'est pas fluide, malgré le taux de chômage affiché qui cache une réalité, à savoir l'absence d'employabilité des salariés, le manque de savoir-être des jeunes diplômés et l'expertise de ces jeunes. Vous comprendrez alors pourquoi nous assistons à une guerre pour la quête des talents avec les conséquences sur l'inflation des rémunérations souvent injustifiées. -F.N.H. : Peut-on parler d'une adéquation des formations offertes avec les profils demandés? -J.B. : Dans la majorité, pas tout à fait. Des efforts sont faits, mais une implication plus sérieuse des entreprises devient vitale si nous voulons sortir de ce match de tennis entre les employeurs et l'Etat formateur.... Le secteur privé doit avoir la maîtrise totale de la formation professionnelle, et cela commence par la maîtrise et la gestion de la taxe de formation professionnelle que nous payons à la CNSS et qui s'élève à 100%. -F.N.H. : Quels sont aujourd'hui les principaux secteurs créateurs d'emplois et les profils les plus demandés? -J.B. : Tous les secteurs recrutent et pour toutes les strates de l'organisation. Quand les gens sont compétents, ils sont toujours bien payés, car l'entreprise a un grand intérêt à les garder. -F.N.H. : Les profils recherchés manquent et on est contraint de faire appel aux étrangers. Où se situe la défaillance ? -J.B. : C'est un faux problème. D'abord, il faut admettre que le marché du travail est ouvert à l'échelle internationale et que la mobilité fait partie des qualités que l'on demande aux salariés. D'autre part, si des opérateurs font appel aux compétences étrangères, c'est bien parce qu'on ne les trouve pas facilement au Maroc. Encore une fois, le marché du travail est une relation entre compétence, personnalité et aptitude. Le protectionnisme et le repli sur soi ne servent pas la performance de l'entreprise. -F.N.H. : Les universités ont toujours été qualifiées de fabriques de chômeurs. Est-ce que cette qualification est toujours de mise ? -J.B. : La réponse est oui. Elle continue d'ailleurs de l'être. Il faut un courage politique et une implication des acteurs économiques pour définir un vrai projet éducatif pour notre pays. Si nous ne nous y attelons pas, nous sacrifierons encore d'autres générations. Un plan Marshall pour l'éducation devient une nécessité absolue. -F.N.H. : La pression de la rue a-t-elle réellement réussi à activer la politique gouvernementale en matière d'emploi? -J.B. : La pression de la rue a paralysé le gouvernement. Ce n'est pas la rue qui doit gouverner, mais le politique. Et là, le rêve est permis... Propos recueillis par Imane Nigrou