Les révolutions qui se sont succédée dans certains pays de la rive Sud de la Méditerranée ne peuvent laisser indifférente l'Union européenne. En regardant de près, on remarque que les investissements européens dans la rive Sud de la Méditerranée restent limités par rapport au reste du monde. L'Europe vit une situation financière sérieuse, mais cela n'empêche que les délocalisations vers le Sud pourraient lui apporter un nouveau souffle. J. Kerdoudi, président de l'IMRI, révèle les recommandations de son institut pour tirer les enseignements nécessaires du printemps arabe et faire du partenariat euro-méditerranéen un véritable challenge. -Finances News Hebdo : Au cours des derniers mois, la rive Sud de la Méditerranée a connu beaucoup d'évènements qui ont bouleversé la région. Quel pourrait être l'impact sur le partenariat euro-méditerranéen sur le plan politique et économique ? -Jawad Kerdoudi : En effet, le premier semestre 2011 a été marqué dans la rive sud-méditerranéenne par des bouleversements considérables et imprévisibles qui se sont traduits par la chute du régime de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte. Ces révolutions se sont élargies à la Libye, à la Syrie et au Yémen. Les autres pays de la région (Algérie, Maroc, Jordanie) ont également connu un bouillonnement, mais sans violences ni effusion de sang. L'Europe qui se trouve à quelques kilomètres de la rive Sud de la Méditerranée, ne peut rester insensible à ces bouleversements, ne serait-ce que par le risque d'accroissement de l'immigration clandestine en provenance du Sud. -F.N.H. : Dans le même sillage, l'UE a lancé il y a quelques semaines de nouvelles offres financières suite à la concertation avec les pays partenaires. Quelle appréciation en faites-vous ? -J. K. : L'Union européenne qui, dans le passé, traitait avec les dictatures du Sud de la Méditerranée et se concentrait sur les questions économiques, a révisé sa politique en offrant aux pays du Sud de la Méditerranée une coopération plus globale : politique, économique et financière. On ne peut qu'apprécier positivement cette nouvelle orientation de l'Union européenne. -F.N.H. : Certains pays comme l‘Egypte ou la Tunisie bénéficiaient d'une aide européenne, notamment pour le renforcement de la démocratie et pourtant, ces pays ont connu un renversement de régime. Cela pourrait-il conduire à une révision du partenariat euro-méditerranéen avec, par exemple, des recommandations plus strictes dans l'utilisation des fonds octroyés ? -J. K. : En effet, l'Union européenne, par un partenariat différencié, veut aider d'une façon plus substantielle les pays du Sud de la Méditerranée qui feront le plus d'efforts en matière de démocratie, d'Etat de droit et de respect des droits de l'Homme. L'aide de l'Union européenne est actuellement concentrée sur la Tunisie et l'Egypte, vu que ces pays connaissent une grande détérioration économique et sociale, du fait de la révolution violente qui les a concernés. -F.N.H. : En tant que spécialiste des relations internationales, quel sera le sort du partenariat euro-méditerranéen à l'aune de tous ces bouleversements et jusqu'à quel degré peuvent-ils aplanir les difficultés qui entravent l'Union pour la Méditerranée ? -J. K. : Le partenariat euro-méditerranéen est très important pour l'avenir de la région. Il faut que l'Union européenne instaure un véritable plan Marshall pour aider les pays sud-méditerranéens à se développer économiquement et socialement. La situation de cette région est en effet comparable à celle de l'Europe occidentale après la seconde Guerre mondiale. Et c'est grâce à l'aide massive des Etats-Unis dans le cadre du plan Marshall que l'Europe a pu se relever et prospérer. -F.N.H. : L'IMRI a également appelé à accroître l'investissement européen dans la rive Sud. Est-ce que la situation européenne, telle qu'elle se présente aujourd'hui, se prête à une pareille initiative ? -J. K. : Il faut tout d'abord remarquer que les investissements européens au Sud de la Méditerranée sont très faibles, d'une part par rapport aux investissements totaux de l'Europe dans le monde, et d'autre part par rapport aux investissements des Etats-Unis en Amérique latine, et du Japon en Asie. Certes, la situation économique européenne n'est pas actuellement florissante, mais les délocalisations industrielles vers le Sud peuvent apporter un nouveau souffle à l'Europe, et de nouveaux secteurs sont susceptibles d'attirer les investisseurs européens, tels que ceux en rapport avec les énergies renouvelables. -F.N.H. : Vous avez par ailleurs émis un certain nombre de recommandations sur le plan économique et politique afin de renforcer le partenariat euro-méditerranéen. Hormis l'effort financier, quelles sont les autres actions que doit déployer l'UE pour le concrétiser ? -J. K. : Comme je l'ai déjà dit, l'Union européenne doit offrir au Sud de la Méditerranée une coopération globale comprenant l'accroissement de l'aide financière, la révision des systèmes de visas, la participation aux agences et programmes de l'UE, l'encouragement de la société civile, le renforcement du dialogue politique, la coopération technique dans toutes ses composantes, la création d'une banque de développement spécifique, la promotion des investissements, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Comme on le voit, le champ d'action est immense. Il faut cependant une forte volonté politique de l'Union européenne pour mettre en œuvre toutes les mesures citées. Dosier réalisé par S. Es-Siari & I. Bouhrara