L'initiative permet d'épargner 80 MW par jour, soit la consommation d'une ville comme Meknès. En terme économique, c'est l'équivalent de 360 MDH. Cette disposition cause des perturbations d'ordre socio-économique qui, en l'absence d'études fiables, sont difficiles à évaluer. Depuis le 1er avril le Maroc a basculé vers l'horaire d'été en l'avançant d'une heure sur l'heure GMT. Cette action, institutionnalisée depuis trois ans, a pour objectif principal de réduire la consommation d'électricité en se rapprochant de l'horaire de l'Europe, notre principal partenaire. Amina Benkhadra, initiatrice de l'action dans le cadre du Programme national de l'efficacité énergétique, explique que GMT+1 permet une économie d'énergie de 80 MW par jour, soit la consommation d'une ville comme Meknès. En terme économique c'est l'équivalent de 360 MDH. Cette valeur peut augmenter sensiblement si on y ajoute la flambée des produits pétroliers de ces derniers temps. Mais le Maroc est un importateur net de produits énergétiques et chaque initiative en vue d'économiser en la matière est louable à plus d'un titre. GMT+1 est également sollicité par les secteurs qui travaillent ou qui sont liés de près à l'Europe qui, elle, passe à l'horaire d'été. «Nous avons déjà une heure en moins surtout avec la France, premier partenaire de notre pays. Le changement d'horaire chez nos voisins du Nord se répercute sur notre activité qui se voit atténuée et nous devons combler le retard par un travail sous pression ou un rallongement d'horaire», a expliqué Mohamed Tahri, transitaire à Casablanca. Le même avis est partagé par les opérateurs touristiques. «La plupart de nos clients sont des Européens, GMT+1 nous permet de réduire le décalage et de traiter nos activités dans de bonnes conditions», dixit un opérateur de Marrakech. Les défenseurs de l'horaire d'été évoquent également l'argument sécuritaire. «En alignant les heures d'activité sur celles de l'ensoleillement, le risque des agressions et des accidents de la circulation diminue notoirement», explique-t-on à la wilaya de Casablanca. Le nouvel horaire a également un impact écologique. La réduction de l'énergie implique directement moins d'émissions de gaz nocifs. Le ministère de l'Energie, des mines et de l'environnement, estime le volume de réduction de CO2 à 15 millions de tonnes. Mais l'horaire d'été a également ses opposants qui estiment que ses inconvénients sont nombreux engendrant un coût économique et social important. «Les enfants sont sujets à des perturbations à cause du dérèglement de l'horaire biologique. Cela se manifeste sur leur concentration et sur leur rendement à l'école. Il leur faut du temps pour qu'ils s'adaptent mais passés quelques mois, on revient à l'horaire normal et c'est encore un autre dérèglement», estime Ahmed Hilmi, président d'une association de parents d'élèves. Il a précisé que «les désagréments causés sont nombreux et qu'en l'absence d'études approfondies et fiables il est difficile d'évaluer le coût engendré pour la société et l'économie nationales». L'une des activités touchées par GMT+1 est celle de la restauration et des débits de boissons. «La majeure partie de notre chiffre d'affaires est réalisée le soir. Nous avons des heures d'ouverture et de clôture bien définies par les autorités et qu'il faut respecter. Nous avons constaté depuis l'entrée en vigueur du nouvel horaire, il y a trois ans, un manque à gagner qu'il est difficile pour nous de compenser. Les chauffeurs de taxis constatent également un changement dans leur activité. Du fait de l'allongement de la journée, la demande pour la période de l'après-midi et la soirée est plus accentuée par rapport à celle de la matinée. «Je travaille normalement entre 6h du matin et 15 heures mais avec l'horaire d'été j'ai opté pour la soirée, même si les propriétaires de l'agrément et de la voiture sont contre, car la recette devient insuffisante pour couvrir les charges», constate Hamid Mohamadi, d'un syndicat des chauffeurs de taxis de Casablanca. Mais pour la pertinence de l'option GMT+1, elle reste invérifiable en l'absence d'études fiables et confirmées. Cela se manifeste surtout au niveau du rendement du service public. «Dans l'Administration, on a pris l'habitude d'amputer au moins d'une heure pour la reprise, une autre pour la sortie et une autre au milieu de la journée pour le déjeuner ou pour la prière d'Addohr. Ce qui fait que le rendement des services publics se limite à trois heures. Avec l'horaire d'été, les services publics ne fonctionnent normalement que deux heures au maximum», a indiqué Abderrahim Safroudi militant associatif. Il a précisé que «l'heure d'été ne doit pas être perçue simplement comme une mesure d'économie d'énergie. Elle doit s'insérer dans une stratégie de développement durable. Dans ce contexte, il est impérieux que les coûts sociaux et écologiques soient évalués quantitativement et qualitativement. Toute bonne mesure technocratique risque d'être un échec s'il n'y a pas consultation, dialogue, sensibilisation et éducation». Certains pays ont déjà choisi un horaire unique bien qu'ils se trouvent dans l'hémisphère Nord du globe où il y a un décalage significatif d'ensoleillement entre les saisons de l'année ; c'est le cas de la Russie qui, au temps du mandat de Vladimir Poutine, avait décidé d'entériner définitivement cette initiative. En France, l'horaire d'été a été instauré depuis 1974. Depuis cette époque le débat fait toujours rage surtout avec les scientifiques, les militants de la société civile et les milieux corporatistes. On milite plutôt pour une rationalisation de la consommation énergétique dont l'efficacité doit être un mode de vie, pas une option qu'on applique selon les besoins. L'adoption des lampes de basse consommation n'est pas encore généralisée.