Les gestionnaires délégués des régies de distribution d'eau et d'électricité pourraient essuyer de lourdes pertes à cause des impayés d'eFloussy. Nos satellites avancent que les impayés seraient de l'ordre de 10 à 40 MDH. Certains délégataires ont exigé des cautions. Mais couvrent-elles le préjudice subi ? Serait-ce la fin du feuilleton eFloussy qui, depuis janvier dernier, ne cesse de surprendre l'opinion publique ? Ce spécialiste de services financiers et parafinanciers de proximité a fini par décevoir plus d'un, les pouvoirs publics, qui l'avaient bruyamment applaudi, en premier. Aujourd'hui, le problème est que le scandale financier qui secoue la société pourrait créer des dommages collatéraux et ne pas se limiter uniquement aux franchisés. Dans le cercle des victimes, on retrouve les gestionnaires délégués et les régies de distribution d'eau et d'électricité. Ces dernières, voulant déléguer le paiement de prestations dans un objectif de proximité et de fluidité de transactions, ont signé des contrats avec eFloussy. Avec le principe suivant : les citoyens viennent payer leurs factures d'eau et d'électricité auprès des agences d'eFloussy, lesquelles se chargeront, par la suite, de remettre l'argent aux gestionnaires délégués ou aux régies moyennant des commissions. Cette facilitation de services, au bénéfice notamment des citoyens, semble s'être transformée en gouffre financier dont les contours sont jalousement gardés. Simplement parce que Quick Money est aujourd'hui dans l'incapacité d'honorer ses engagements vis-à-vis des différents mandants. Et le montant des impayés serait, d'après les premières estimations que nous ont confiées nos satellites, de l'ordre de 10 à 40 MDH. «Afin de se prémunir de ces éventuels aléas, certaines régies ont eu le réflexe d'exiger au préalable des cautions. Mais ce n'est pas le cas de toutes», nous confie une source proche du dossier. «Encore faut-il se poser la question si lesdites cautions ont réellement une valeur», s'interroge la même source. Interrogée à ce sujet, une responsable de la Lydec confirme que le délégataire a exigé une caution et que celle-ci dépasse largement les impayés. Ajoutant que la Lydec a d'ailleurs pris la décision d'arrêter toute relation de travail avec eFloussy. Pour le cas de Redal, un responsable a tenu à rappeler que dans le cadre du développement du service d'encaissement de factures à travers des réseaux tiers agréés, Redal a signé un contrat de service en date du 19 novembre 2009 avec Quick Money. Suite à cela, 25 points eFloussy assuraient l'encaissement des factures sur le périmètre Redal. «D'un commun accord, le service d'encaissement des factures Redal à travers le réseau eFloussy est suspendu depuis le 11 février 2011 pour le motif de non respect des clauses contractuelles de la part de Quick Money. La procédure de résiliation est en cours», conclut-il. Néanmoins, les responsables respectifs des deux délégataires de service ne veulent pas se prononcer sur les montants des impayés. Un sujet, c'est vrai, particulièrement embarrassant, surtout que personne ne pouvait prévoir que Quick Money, qui avait en quelque sorte la caution morale des autorités, connaîtrait une telle débâcle financière. Mais il importe de se poser une question : comment tous les établissements qui ont eu recours aux services eFloussy en sont arrivés là, sachant qu'au cours de la durée du contrat, tout mandataire doit rendre compte au mandant de sa gestion, lui présenter le compte détaillé de ses dépenses et de ses recouvrements, avec toutes les justifications que comporte l'usage ou la nature de l'affaire ? Dans son article 903, le DOC stipule que «le mandataire est tenu d'apporter à la gestion dont il est chargé la diligence d'un homme attentif et scrupuleux, et il répond du dommage causé au mandant par le défaut de cette diligence, telle que l'inexécution volontaire de son mandat ou des instructions spéciales qu'il a reçues ou l'omission de ce qui est en usage dans les affaires. S'il a des raisons graves pour s'écarter de ces instructions ou de l'usage, il est tenu d'en avertir aussitôt le mandant et, s'il y a péril en la demeure, d'attendre ses instructions. En tout cas, plusieurs questionnements demeurent posés : comment peut-on faire confiance à un organisme en lui confiant l'encaissement pour les tiers avant qu'il ne fasse ses preuves sur le terrain ? Quels sont les garde-fous mis en place par la Banque centrale avant d'accorder de tels agréments? Quelles sont les diligences effectuées avant l'octroi de cette autorisation ? En cela, nous avons tenté de joindre M. Razki, Directeur des opérations monétaires et de change à la Banque centrale, en vain. Une chose est cependant sûre : ce qui se passe aujourd'hui avec eFloussy servira certainement de leçon aux autorités. C'est peut-être le moment d'aller jeter un œil appuyé sur les autres entreprises du secteur spécialisées dans les services parafinanciers. Soubha Es-siari Karim Boukaâ au centre du scandale C'était en 2008, un mardi 22 juillet. Tout le monde a applaudi cette convention de partenariat signée entre l'ANAPEC et la société Quick Money pour l'accompagnement des porteurs de projets dans le cadre du programme Moukawalati à la création de points de vente eFloussy. Elle avait donc pour leitmotiv la création d'emploi pour des jeunes diplômés en quête de premier contrat d'embauche. Ce projet, initialement à fibre sociale, se transforme aujourd'hui en un véritable feuilleton judiciaire. Il y a à peine deux mois, le président du Conseil de surveillance de Quick Money, Karim Rahal Essoulami, détenant 25% du capital, accuse Karim Boukaâ, président du Directoire, qui en contrôle 75%, de mauvaise gestion, de faux, de détournement de fonds… Une accusation qui aurait permis à la police judiciaire de découvrir plusieurs factures falsifiées et des sommes d'argent détournées (voir www.financesnews.press.ma). Aujourd'hui, K. Boukaâ est en détention essentiellement pour abus de confiance, malversations, détournement de fonds. L'accusé aurait aussi pris possession du compte de dépôts de transferts d'argent qui est sous le contrôle de la Banque centrale. C'est ce qui a entraîné le fait que les agences d'e-Floussy implantées dans les différentes villes du Royaume n'avaient pas pu bénéficier du transfert d'argent pour le remettre aux bénéficiaires. Aujourd'hui, une quarantaine d'autres plaintes auraient été déposées à l'encontre de Boukaâ, émanant essentiellement des différents franchisés de la société. Cela semble être la fin prématurée de Quick Money, avec toutes les conséquences qui en découlent, aussi bien sur le plan économique que social.