Les chiffres relatifs à l'emploi des jeunes diplômés annoncés par les pouvoirs publics au lendemain du 20 février, apportent certainement du baume au cœur. Mais ils restent tout de même illusoires. Cette décision vient à contre-courant de la politique Intilaka entamée en 2005. L'origine des mouvements de protestation dans les pays arabes est essentiellement d'ordre social. Le chômage des jeunes diplôméss en particulier, constitue désormais une des grandes priorités des pouvoirs publics. Il y a quelques semaines, le patronat décrétait l'état d'urgence pour combattre le sous-emploi des diplômés. «L'emploi des jeunes constitue un sujet de préoccupation national. Il est donc urgent de sceller un véritable pacte national pour l'emploi», annonce J. Bellahrach, président de la Commission Emploi et Relations sociales à l'occasion d'une rencontre tenue récemment. Et dont le leitmotiv était de dévoiler une série de 20 propositions pour éradiquer le chômage. On remarque que malgré un taux de croissance pouvant aller jusqu'à 5%, le marché de l'emploi n'arrive pas à absorber les flots des jeunes diplômés. Selon les derniers chiffres dévoilés en septembre dernier par le HCP, 17,6% des jeunes diplômés ne trouvent pas un emploi adapté à leur formation. Soit le double du taux de chômage national. Des chiffres rassurants, mais… Au lendemain des évènements du 20 février, les pouvoirs publics rassurent que 4.030 diplômés chômeurs intégreront le marché du travail sans un concours au préalable. Aussi, la CGEM propose d'embaucher 2,5 millions de personnes à l'horizon 2020. 10.000 emplois seront créés par le secteur du textile-habillement. Des chiffres très rassurants, certes, mais qui donnent matière à réflexion. Interrogé sur l'enjeu de cette mesure, l'économiste M. Lahlou répond : «Déjà, il y a un lapsus autour des chiffres. Mais de toute manière, je pense que cette décision a été prise dans l'improvisation totale. Elle se veut plus une réponse aux revendications des jeunes qui ont été les meneurs des manifestations. Je considère même qu'elle va à l'encontre de la politique menée au cours des dernières années et du projet de 2005 qui visait à réduire le recrutement dans la fonction publique». Il s'empresse d'ajouter : «Nous avons encore frais dans nos mémoires le fiasco d'Intilaka qui a coûté beaucoup d'argent à l'Etat». Cette opération s'inscrivait dans le cadre d'allègement du secteur de l'Administration afin de renforcer son efficacité et d'améliorer la qualité de ses prestations grâce à la modernisation de ses structures, de son organisation et de ses méthodes de travail dans le cadre d'une approche décentralisée ou déconcentrée contractuelle. «Le malheur est que cette opération n'a pas atteint son objectif dans la mesure où l'Etat a vu partir les profils dont il avait le plus besoin», s'empresse-t-il d'ajouter. Aujourd'hui, on remarque que l'Etat agit dans la précipitation politique en recrutant à tour de bras, sans savoir à quoi affecter ces jeunes, ni par quels moyens. Durant la dernière décennie, on n'a cessé de nous dire que le chômage des jeunes diplômés était la résultante de l'inadéquation entre la formation et les besoins des entreprises. Laquelle inadéquation résulte de l'absence d'une connectivité entre le monde des affaires et celui des universitaires. D'autres facteurs expliquent cette inadéquation tels la faiblesse des aides à l'emploi, la fiscalité liée à l'emploi qui reste malgré tout peu incitative, l'inefficience de l'intermédiation… Qu'est-ce qui a changé depuis lors, sachant que notre système de formation continue de souffrir quasiment des mêmes maux ? M. Lahlou partage cette idée dans la mesure où le système éducatif n'arrive pas encore à répondre aux besoins de l'entreprise par des formations professionnelles. Aussi, notre système productif continue-t-il à fournir des salaires réduits pour des personnes sans formation. «Nous continuons à battre le record mondial parce que plus les gens sont analphabètes, plus ils sont moins formés et plus leurs salaires sont bas», annonce-t-il. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la CGEM propose de rendre obligatoire les stages en entreprises, à raison de 25% du temps de la scolarité, et de développer la formation en alternance. Aussi et dans le même sillage, le patronat propose la mise en place de chèques-formation pour les entreprises en fonction du nombre de salariés. Le but étant de favoriser la formation continue et le développement de l'employabilité des salariés. Le challenge consiste surtout à jeter les ponts entre l'entreprise et l'université. Les chiffres annoncés par les pouvoirs publics au lendemain du 20 février apportent certainement du baume au cœur. Mais ils restent tout de même illusoires. Et avec plus d'une décennie de protestations, comment peut-on vaincre aujourd'hui le chômage ? Avec un taux de croissance oscillant autour de 6%, il est insensé de créer 25.000 emplois par an. Même remarque pour un secteur comme celui du textile qui souffre encore des difficultés de la crise internationale. Il va de soi que la création de l'emploi dans ce secteur ne sera pas une mince affaire. Aussi, en examinant la Loi de Finances 2011, on remarque qu'il n'existe pas de mesures directes sur l'emploi des jeunes diplômés. A part le fait que les sociétés exportatrices de services ayant le statut «Casablanca Finance City». Ces dernières auront droit à un régime fiscal de faveur. Le gouvernement a prévu une exonération totale de l'IS durant les cinq premiers exercices et un taux réduit de 8,75%. Aussi, la mesure fiscale relative à la baisse du taux de l'IS à 15% pour les TPE réalisant un chiffre inférieur à 2 MDH HT. De telles mesures pourraient certainement booster l'emploi dans les TPE. Mais, cela n'empêche pas de dire qu'elles restent des mesures indirectes et dont le résultat n'est pas très garanti.