La politique de change menée jusqu'à présent a été fructueuse en matière de climat d'investissement, mais elle a ponctionné la compétitivité des exportateurs. Les autorités monétaires balisent le terrain pour un régime de change flottant. Les incertitudes qui pèsent sur 2011 incitent à une adoption d'une politique de change plus souple. Avant de sortir des sentiers battus de la crise financière internationale, plusieurs personnalités marocaines ont crié sur les toits l'effet de résilience de l'économie nationale, face aux soubresauts mondiaux. Assurément, jouissant d'un système monétaire fortement réglementé, l'économie marocaine n'a pas été impactée par la crise des subprimes qui s'est propagée comme une onde de choc. Bien qu'elle ait été contaminée via les canaux de l'économie réelle, on prétend que les dégâts collatéraux ont été, somme toute, maîtrisés. Aujourd'hui, dans un contexte empreint d'incertitude et d'hésitation des économies partenaires, la croissance du Maroc pourrait être légèrement révisée à la baisse. Les données publiées récemment, et qui couvrent une large partie de l'année, confirment ce ralentissement prévisible. Les statistiques font montre qu'à titre d'exemple l'activité industrielle n'a pas été aussi vive que prévue. Il en est de même pour le secteur de la construction. La première activité n'enregistrerait, au terme de l'année 2010, qu'un taux de croissance modeste de 2%. Cette augmentation est essentiellement le résultat d'un bon comportement des industries chimiques et, dans une moindre mesure, de celui des industries des biens d'équipement. D'après un professionnel : «l'industrie de construction commence à se redresser petit à petit suite à la crise internationale». Mais cela n'empêche pas de dire qu'elle est encore loin d'atteindre la dynamique qui était sienne avant la récession mondiale entamée en 2008. Aussi, le secteur agricole, et malgré les performances affichées, n'a pas connu le même exploit que celui de l'année 2009 où la campagne agricole a été qualifiée d'exceptionnelle (102 millions de quintaux contre seulement 80 millions). Cette réduction du volume des céréales récoltées en 2010 a fortement pesé sur la croissance. Certaines activités ont, par contre, connu une forte expansion en 2010. C'est le cas de l'activité minière qui s'est raffermie au cours des neuf premiers mois sous l'influence du fort mouvement de la production des phosphates. Un secteur, et pas des moindres, s'est bien comporté au cours de l'année écoulée, il s'agit de celui du tourisme où le nombre de visiteurs étrangers a augmenté de plus de 11% sur les onze premiers mois de l'année. Compte tenu des tendances observées au terme des dix premiers mois de l'année 2010, les pronostics révisés au mois d'avril 2010 semblent se confirmer progressivement. Pour les analystes du Centre Marocain de Conjoncture, le taux de croissance de l'activité pour l'année en cours se situerait au mieux aux environs de 3%. Régime de change : face cachée de l'iceberg Cette analyse des chiffres témoigne que le Maroc n'est pas à l'abri de pressions implicites de l'environnement international. Dans un contexte très aléatoire, les conjoncturistes ont remis en cause le régime de change actuel (Fixed/Basket Peg) du Maroc, dont la première vocation est d'assurer une relative stabilité du Dirham par rapport aux devises de ses principaux partenaires. Le leitmotiv recherché avec la mise en place de ce système est l'encouragement de l'investissement étranger. L'adoption de ce panier de monnaies a particulièrement contribué à la stabilité macroéconomique et à la génération d'un faible taux d'inflation. D'après un directeur des marchés, le Basket PEG montre désormais ses limites. Mais encore faut-il reconnaître que le Maroc n'a pas encore rempli les conditions requises pour un régime de change flottant. Le régime actuel s'applique parfaitement aux petites économies ouvertes, mais qui restent cependant éloignées des influences extérieures. En dépit des résultats enregistrés, l'adoption de ce panier de monnaies ne doit pas occulter le fait que le système actuel pénalise fortement la compétitivité du potentiel exportateur du Maroc, notamment vis-à-vis des pays de l'Europe de l'Est et des pays concurrents du pourtour méditerranéen. Le régime de change flottant où la valeur de la monnaie dépend de l'offre et de la demande, convient aux grandes économies avec des flux commerciaux consistants et une forte mobilité du travail. Ce régime nécessite donc un travail de réformes de longue haleine. C'est dans ce sillage que s'inscrit la nouvelle stratégie en cours de prospection par les autorités monétaires, consistant à trouver le moyen de mettre en place une flexibilité modulable du Dirham, en remplacement du système de change fixe considéré aujourd'hui comme étant improductif. Il est considéré comme étant incompatible avec l'ouverture de l'économie nationale sur les impératifs d'une économie très mondialisée. La dynamique de libéralisation des changes a été initiée récemment avec l'adoption de huit nouvelles mesures. Cette nouvelle politique est fortement préconisée par les deux grands bailleurs de fonds, à savoir la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. La BM considère que l'application d'un taux de change souple offre de plus grandes possibilités d'adaptation et des coûts d'ajustement plus réduits. Compte tenu des tendances observées au cours des dix premiers mois de l'année 2010, les prévisions de croissance révisées à la baisse semblent ainsi se confirmer. Pour 2011, les facteurs d'incertitude qui persistent laissent présager que la baisse n'est pas à écarter. Une politique de change plus souple pourrait y remédier.