Regroupant des syndicats et des associations représentant plusieurs filières du secteur, ce collectif estime que la stratégie ne répond pas à la réalité du terrain. Les différents programmes de réaménagement de certaines espèces sont voués à l'échec, car le gouvernement n'a pas pris en considération l'avis des professionnels. Le mareyage va asservir l'opérateur de pêche au profit de l'industrie et la gestion du secteur est plus politique que technique. Halieutis est le plan d'aménagement et de restructuration du secteur de la pêche. Dès son lancement, de nombreux professionnels représentant plusieurs filières sont montés au créneau pour critiquer la stratégie. Ils ont jugé qu'elle ne correspondait pas à la réalité du terrain et ont déploré de ne pas avoir été associés à son élaboration. A cet égard, un collectif regroupant tous les intervenants du secteur, notamment des associations et des syndicats, s'est constitué afin d'apporter sa contribution, au travers d'une analyse constructive et pertinente de la stratégie sectorielle mise en place par le ministère de l'Agriculture et de la Pêche maritime. Ce collectif a organisé un dîner-débat sous le thème «Le plan Halieutis à l'épreuve de la réalité du terrain». L'événement a vu la présence de représentants de différentes filières, sauf celui du département de tutelle qui n'a pas répondu présent. Le débat a été organisé en deux panels : • le premier a porté sur les grands choix du Plan Halieutis et l'impératif du développement durable ; il s'agira de mettre en exergue les réponses apportées par la stratégie gouvernementale pour le développement d'une pêche économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. • le second panel s'est focalisé sur la gouvernance du secteur de la pêche maritime. Une gouvernance qui évolue dans un contexte difficile marqué par les effets de la crise économique internationale et l'état critique de la plupart des pêcheries. Instances gouvernementales, représentations professionnelles et société civile sont ainsi invitées à décliner leur vision de la gouvernance, ses mécanismes et sa philosophie d'allocation des ressources. «Le Plan Halieutis ne comporte que 10% d'avantages, surtout en aquaculture. L'étude qui a été réalisée est vouée à l'échec. Elle n'a pas consulté les opérateurs. Les ports ne sont pas équipés selon les normes voulues par Halieutis. Nous formulons également des réserves en ce qui concerne les pêcheries pélagiques », a indiqué Abderrahim Bousri. Ce professionnel de la pêche côtière a critiqué Halieutis sur le point qui stipule que la pêche côtière doit se regrouper en coopératives pour travailler avec les usines. «Les regroupements ont des limites. Si un des membres ne respecte pas ses engagements, toutes les clauses du contrat seront caduques», a-t-il indiqué avant d'ajouter qu'«avec cette stratégie les grands bateaux vont tuer les petits. Avant de protéger les ressources halieutiques, il faut protéger les ressources humaines. Le plan risque de faire perdre des milliers d'emplois». L'intervenant a insisté sur le fait qu'on ne puisse pas garantir le développement des ressources halieutiques qui restent subordonnées à plusieurs contraintes, comme le climat par exemple. Bousri a aussi expliqué que les différents programmes de réaménagement de certaines espèces sont voués à l'échec, car le gouvernement n'a pas pris en considération l'avis des professionnels. A cet égard, les projets intégrés tant défendus par Halieutis sont eux aussi condamnés au fiasco. Les critiques des professionnels concernent également le cadre institutionnel qui régit le secteur. «Il faut changer d'approche. On est en train de gérer le maritime à partir d'un positionnement terrestre. Au lieu d'investir dans la sophistication du secteur, on a essayé de chevaucher ce qui est maritime avec ce qui est agricole. On a alors perdu en matière de professionnalisme et de compétitivité», a expliqué Hamdi, opérateur dans le pélagique. Il a averti que les ressources halieutiques ne peuvent pas supporter un effort de pêche supplémentaire. Au lieu de tabler sur le volume des pêches, il faut capitaliser sur la qualité des captures et leur valorisation». «Comment peut-on assurer l'excellence du secteur alors que des sites de pêches ne sont pas équipés en eau, électricité et assainissement? La plupart des navires modernes ne peuvent pas accoster dans certains ports faute d'infrastructures adéquates», s'est-il interrogé avant de conclure que les projets annoncés ne répondent pas aux besoins d'Halieutis. Pour sa part, Rachid Benkirane, président de l'Association de la pêche hauturière, a critiqué également le mareyage voulu par Halieutis. Il a reconnu que « la stratégie a des ambitions fortes en matière de PIB, d'emploi et d'investissement». Mais lui aussi a estimé que l'approche à partir de la terre gêne les hommes de la mer : le mareyage va asservir l'opérateur de pêche au profit de l'industrie. C'est une atteinte au droit de commercer librement». Le conférencier a expliqué que «la stratégie doit se pencher sur la filière qui rapporte le plus avec le moins de dépenses. Dans ce sens, il a évoqué la branche céphalopodière qui représente 4% des captures mais avec 45% des recettes . Alors qu'il y a 16 plans de réaménagement, on ne parle que d'un seul, celui concernant les pélagiques. Pourtant, cette filière qui représente 80% des captures, n'équivaut qu'à 20% des recettes». Benkirane a indiqué que «les céphalopodiers sont en crise depuis 10 ans à cause de l'informel, la contrebande et le blanchiment. Il a affirmé que «la gestion de notre secteur est plus politique que technique». Pour sa part, Abderrahmane Yazidi, secrétaire général des officiers marocains, a adopté la même logique que ses prédécesseurs en annonçant que «Halieutis va condamner le secteur à une voie irrésistible. Il y a déjà un problème de gouvernance et de vision stratégique». Il a précisé que «les fonds d'aide de l'UE au secteur ont été distribués à des chambres maritimes, alors qu'ils sont destinés à des associations professionnelles».