* Beaucoup d'efforts furent faits pour une meilleure maîtrise des risques. * Le marché du crédit à la consommation aura aussi à connaître rapidement un certain nombre d'évolutions dans la relation avec le client. * Dans cet entretien, Jacques Lagarrigue, Président Directeur Général d'ACRED, nous livre son point de vue sur l'évolution du marché marocain du crédit à la consommation. Finances News Hebdo : Comment évaluez vous le marché du crédit à la consommation durant les deux dernières années? Jacques Lagarrigue : A la fin de l'année 2005, l'encours des sociétés membres de l'Association Professionnelles des Sociétés de Financement se situait à 45,9 milliards de Dirhams, en progression significative par rapport à l'année 2004. Les encours relatifs au seul crédit à la consommation, quant à eux, s'élevaient à environ 24 milliards, soit une hausse de 9% contre une progression, de ces mêmes encours, d'à peine 5% entre 2003 et 2004. En comparaison avec l'évolution 2004/2005, la hausse limitée sur la période précédente est à mettre en relation, essentiellement, avec les efforts importants d'assainissement faits par le secteur, lors de la mise en place des nouvelles règles prudentielles de couverture des risques édictées par Bank Al-Maghrib. Ainsi, sur les dernières années, la professionnalisation et la mise à niveau, conséquences de la volonté des autorités de tutelle, mais aussi des initiatives de notre association professionnelle, en particulier en matière de prévention et de traitement des risques, constituent à mon avis une première caractéristique forte de l'évolution du marché du crédit à la consommation en ce qui concerne ses acteurs. Dans ce contexte, face à une demande soutenue, on assiste sur ce marché, qui continue de progresser, à une vive concurrence entre des acteurs moins nombreux mais commercialement très actifs. L'offre s'est clairement étoffée, par exemple, avec l'arrivée depuis ces dernières années du produit de Location avec option d'achat, qui est devenu le mode de financement essentiel du marché de l'automobile ( en 2005, la LOA représente 66,3% des encours de ce type de financement et ces mêmes encours ont enregistré une progression de 63,6% par rapport à 2004), mais aussi avec l'émergence récente et le renforcement des propositions de comptes revolving le plus souvent associés à des cartes de paiement,dont on voit bien aussi une évolution vers plus de sophistication comme l'association de produits de «fidélité» ou de «cash back» par exemple. Cet enrichissement de l'offre, et sa modernisation, constituent aussi sur ces dernières années, un fait marquant de l'évolution du marché du crédit à la consommation, qui doit permettre d'accompagner le développement et de répondre aux évolutions des besoins ou des habitudes des consommateurs. Dans un autre domaine, dans le cadre d'une meilleure maîtrise des risques et dans le souci de préservation de leur marge, compte tenu entre autres des baisses régulières du TEG, les sociétés de financement ont été beaucoup plus sélectives dans l'attribution des financements. Beaucoup d'efforts furent faits pour une meilleure maîtrise des risques, à la fois par les établissements eux-mêmes, mais aussi par notre association professionnelle et Bank Al-Magrhib, avec par exemple la mise en place du service central des risques qui devrait répondre aux attentes des sociétés de crédit. Cette volonté d'une meilleure maîtrise des risques, en même temps que celle de permettre l'accès au crédit du plus grand nombre, s'inscrit aussi dans une réflexion plus large concernant les phénomènes de surendettement et leur prévention, l'information des consommateurs et la transparence de la communication commerciale. Nos établissements participent, via l'APSF, en relation avec les autorités de tutelle et les différents intervenants, à faire évoluer le marché vers les meilleures pratiques en la matière. Le marché du crédit à la consommation aura donc aussi à connaître, rapidement, un certain nombre d'évolutions dans la relation avec le client. F. N. H. : Le surendettement des ménages n'est-il pas un obstacle insurmontable pour une meilleure croissance du secteur ? J. L. : Le surendettement des ménages et sa prévention sont des sujets qui font l'objet de discussions régulières entre notre profession et Bank Al-Maghrib. Dans ce sens, nous avons participé à l'enquête menée sur le surendettement par la Banque Centrale, fin mai 2005 et nous restons très vigilants sur ce sujet, afin de mettre en uvre tous les moyens de prévention pour éviter un tel phénomène éventuel. Il y va de la qualité de notre risque, mais aussi de notre responsabilité vis-à-vis des consommateurs. Le marché du crédit à la consommation peut se développer dans des conditions saines et normales entre des opérateurs responsables et des consommateurs bien informés. F. N. H. : Quant au problème des taux, est-ce qu'on peut avoir une idée globale sur la tendance baissière ou, éventuellement haussière qu'ils vont afficher ? Et que pensez-vous du TEG ? J. L. : Il a été institué un taux plafond (TMIC) au-delà duquel les établissements financiers ne peuvent prêter et il est tout à fait normal qu'un niveau de taux maximum soit fixé par les autorités de tutelle afin d'éviter toutes dérives ou excès préjudiciables aux consommateurs. C'est le principe même du taux de l'usure. Pour sa part, le niveau du TEG détermine la rémunération de la prestation que fournit l'établissement de crédit, qui par ailleurs doit assurer la charge de refinancement et d'exploitation ainsi que le coût du risque. Jusqu'au 30 septembre dernier le taux maximum s'établissait à 12,90% HT, après avoir enregistré des baisses permanentes et régulières depuis son instauration en 1997. Les baisses successives de ce Taux maximum peuvent impacter la marge nette des établissements. Aussi l'APSF, dans un dialogue régulier et permanent avec les autorités de tutelle, a attiré l'attention de ces dernières sur le danger que courait le secteur sachant que cette tendance de baisse risquait d'être durable. Par ailleurs, la réduction des marges pouvait aussi avoir un impact direct sur le marché et la distribution, dans la mesure où les établissements, pour préserver leurs marges, accentueraient la sélectivité, excluant ainsi de nouvelles franges de consommateurs de l'accès au crédit. Les autorités ont décidé, dans l'attente de la révision du mode de calcul d'un nouveau taux plafond, de porter ce dernier provisoirement à 14%HT, à compter du 1er octobre, pour une période de un an. Cette mesure est de nature à donner aux établissements une plus grande souplesse de tarification en particulier par rapport à la proposition de barèmes en fonction de la nature des produits ou du risque, sachant que les taux moyens actuels réellement pratiqués sont et resteront très en dessous de ce taux maximum. Cela va dans le sens du marché dans lequel on peut penser que le niveau de taux moyen réel pratiqué se régulera naturellement par le jeu de la concurrence, la professionnalisation accrue des acteurs et la diversification de l'offre.