Le Dollar et le Yuan sous-évalués, Le cours de l'Euro prête le flanc aux décisions prises par les autres pays. L'Institut Supérieur du Génie Appliqué (IGA) a abrité récemment une conférence sous le thème : «Crise économique et guerre des changes», animée par Nicole Gautras, doyen et professeur honoraire de la Faculté de Droit et d'Economie de l'Université de Tours. Ce séminaire avait pour objet de mettre en évidence la guerre des changes que connaît le monde actuellement et qui se fait ressentir au travers de la dévaluation ou la dépréciation des monnaies de plusieurs pays, et ce afin de doper leur compétitivité. La guerre des changes s'accompagne généralement de mesures protectionnistes qui conduisent le plus souvent à une guerre commerciale. Il est vrai que ce scénario n'est pas encore concrétisé à l'heure actuelle, mais il n'en demeure pas moins que les tensions sont très fortes. «Les décisions et attitudes des USA et de la Chine, les communiqués du G20, lors des 2 réunions d'octobre et novembre en Corée du Sud, sont loin de mettre le monde à l'abri de cette double guerre : guerre des monnaies et guerre commerciale», affirme Gautras. A cet effet, et en réaction contre les désordres de la période de 1930-40, les accords de Bretton Woods, signés en 1944, avaient établi un régime de change dit fixe et créé le FMI, lequel a pour objectif de réguler les dévaluations et réévaluations des différents Etats afin d'exclure les dévaluations compétitives. Le système explose au début des années 70. Depuis le 16 mars 1973, le monde vit dans un régime de change flexible ou flottant. «La valeur des monnaies ne se définit plus, elle se constate», déclare Gautras. Les cours de change sont déterminés à partir de la confrontation, sur le marché des devises, de l'offre et de la demande. Actuellement, beaucoup de pays, notamment ceux à faible taux de croissance (USA, Japon, pays européens, à l'exception de l'Allemagne) ont intérêt à avoir une monnaie faible pour doper leurs exportations. Mais, toutes les monnaies ne peuvent pas être faibles en même temps, de même que tous les pays ne peuvent accroître parallèlement leurs exportations nettes; le total global étant nul. Les pays du G20, qui représentent un ensemble de 2/3 de la population mondiale et 90% du PIB mondial, avaient pourtant convenu, au bout des deux réunions du mois d'octobre et de novembre derniers, un accord où chacun des Etats s'engage à s'abstenir d'opérer des dévaluations compétitives. Mais, entre-temps, le 3 novembre, les USA ont décidé d'injecter 600 milliards de dollars de liquidités dans leur économie; ce qui constitue précisément une mesure de dépréciation compétitive. Il y a plusieurs années, un secrétaire d'Etat au Trésor, John Connally, avait déclaré : «Le Dollar, c'est notre monnaie, le Dollar c'est votre problème». Cela continue de s'appliquer ! Par ailleurs, un autre problème a surgi avec la dévaluation du Yuan; et malgré tous les accords signés, les Etats-Unis et la Chine campent sur leurs positions et ne prennent que les décisions qui vont chacun dans son propre intérêt. En cela, Dollar et Yuan sont actuellement sous-évalués, alors que les autres monnaies sont surévaluées. Pour sa part, l'Europe aussi se doit d'améliorer sa gouvernance et se donner les moyens d'une vraie politique de change pour l'Euro, qui est la seule monnaie sans Etat. Faute de quoi, le cours de l'Euro dépendra exclusivement des décisions prises par les autres pays, comme c'est le cas actuellement. «Mais, pour avancer, il est indispensable que chacun des pays du G20 ait un comportement plus coopératif. Les déclarations ne suffisent pas, il faut du concret», conclut Nicole Gautras.