Par l'évocation de ce quartier Arabe d'antan, c'est d'abord de son organisation urbanistique et de la juxtaposition de ses habitations qu'il s'agit. Une cohabitation où toutes les classes sociales se confondaient et qui a pour mérite, d'empêcher les mieux lotis à ignorer les privations et les souffrances des plus démunis. Une solidarité qui s'est instaurée presque naturellement et qui a fini par constituer une sorte de filet social empêchant quiconque à se sentir oublié, marginalisé…et à toucher le fond. Les propriétaires des fastidieux Riads , laissaient cette vague impression de s'être comme donnés le mot, pour que les façades de leurs propriétés ne soient trop tape-à- l'œil. Un souci d'humilité et un geste noble, qui dissimulaient une certaine volonté à respecter les moins favorisés dans le voisinage ou à en choquer certains par leurs « opulences ». Une façon d'être et de vivre qui a fini par engendrer, un air paisible et serein dans chaque quartier. Les gens s'accordaient du temps pour parler, se raconter leurs soucis, leurs dernières blagues et à pleurer ou à rire en semble comme une seule et unique famille. Les portes restaient ouvertes et quand bien même on les fermait, des bouts de ficelles pendaient toujours vers l'extérieur. C'est dans l'ambiance de ces quartiers que plusieurs générations de marocains ont baigné et appris les véritables valeurs de la vie. Mais des us et coutumes envers lesquelles on semble s'être peu arrêtés, pour pouvoir souligner leurs avantages culturels, sociaux, économiques, spirituels et politiques. Une belle histoire qui prit malheureusement fin, le jour où nous avons tourné le dos à tout cela suite à notre occupation d'abord, puis de l'influence de la culture de l'occupant par la suite. Au final, nous avons épousé la « modernité », où ce qui s'en apparente. Un style étranger à notre culture et où en terme d'habitation, tout obéissait à un découpage par zones et par classes : zones villas, zones immeubles, quartiers populaires… Du coup, les familles aisées et souvent cultivées de l'époque ; celles qui servaient d'exemple et de modèle à suivre , sont parties se cloîtrer, cette fois-ci, dans des villas bien barricadées. La classe moyenne a, à son tour, délaissé le quartier pour des immeubles et autres appartements « taillés sur mesure ». Qunt aux plus défavorisés, ils se sont retrouvés seuls, face à leurs difficultés , abandonnés de tous et… dans un quartier qu'ils ne reconnaissaient plus. Plus aucun modèle à suivre pour se motiver et essayer de s'en tirer d'affaire. Plus rien pour les empêcher de basculer dans les bas fonds d'une société devenue brutalement égoïste. L'ironie de l'histoire, c'est que pendant que ces « nouveaux riches » semblent se complaire dans leurs nouvelles villas et ce nouveau « luxe » auxquels ils viennent tout récemment d'y goûter (années 60-70 du siècle dernier), ceux qu'on voulait imiter viennent, en force, occuper les Riads abandonnés. Un fait qui semble ressembler fortement à celui relevant du volet culinaire : c'est lorsqu'on a pris goût à leurs frites, qu'ils ont opté pour nos tajines aux olives et pommes de terre, réputés plus sains ; et c'est quand on a adopté dans notre alimentation leurs steaks, leurs hamburgers et fastfood en général, qu'ils semblent s'être rendus compte, de toutes les vertus de notre couscous aux sept légumes. Tout cela pour dire que nous avons abandonné le Quartier Arabe, sans penser au rôle culturel qu'il jouait. A la stabilité sociale qu'il générait. Et surtout, en l'absence d'un Etat fort économiquement, à même d'aider les plus démunis d'entre ses citoyens. Chinois, Japonais…et asiatiques en général se modernisent, s'ouvrent à l'Autre, mais pas à n'importe quel prix et pas au détriment de leur culture. Ils ont compris depuis belle lurette, que ce qui brille n'est pas or et ce qui vient d' « Ailleurs », n'est pas nécessairement le meilleur et l'Exemple à suivre. L'herbe n'est-elle pas toujours plus verte chez l' « Autre», jusqu'à ce qu'on découvre que c'est du gazon artificiel ? En cette période de l' « aâouacher » et de la nuit du destin, puisse Allah faire en sorte que nous continuons à nous aimer les uns les autres et à aider les plus nécessiteux parmi nous. Amen.