Mazagan, tu as d'abord été pour moi une tranche de vie. J'ai foulé ton sol sans aucune interruption, et je t'ai reçue toute entière, en une seule et formidable étreinte. Ton vent, sur moi, m'a pris, m'a enveloppé et a affolé le jeune garçon que j'étais, et qui allait chaque jour à l'école main dans la main avec son petit frère, cheveux au vent. Dans cette étreinte passionnée, j'inventais le chant puissant de ton océan, et mes yeux s'abreuvaient chaque jour d'avantage, de ton profil, sous le soleil chaud et brûlant. Enfance, adolescence, les années ont passé. Bien que tu aies changé de nom, nos rencontres, de plus en plus fréquentes ont donné naissance à un pacte inébranlable d'amour. Nous avons partagé ensemble toutes les nuis et tous les jours de toutes les saisons sans pouvoir jamais nous séparer. Et toujours en moi, ton vent, ton océan, ta plage de sable fin et doré, tes marées hautes ou basses, tes remparts et tes ruelles et tes mystères comme ces ombres drapées ou ces visages voilés… Un jour, cette étreinte a cessé. L'Histoire en avait décidé ainsi, pendant combien d'années ne t'ai-je pas revue, Ma Mazagan ? Tu le sais fort bien, toi qui as pour mémoire, le vent et l'océan !. L'Horloge s'est arrêtée, celle qui égrenait les heures d'un temps hors du temps. Sur la place de la place de la Municipalité….Et puis est venu le jour de nos retrouvailles. De quel signe, autre que l'immense bonheur, pourrait-on marquer ces retrouvailles ? Je t'ai retrouvé ma très chère, au grand jour et en plein soleil. Tu étais blanche et ceinturée de bleu, et au bord de ton océan bien vivant, que je découvrais immense et si bleu, les vagues déferlaient les une après les autres, comme pour me saluer en une succession de révérences. Elles venaient s'écraser sur le sable pour le lécher les chevilles, profitant de cet instant merveilleux pour déposer des milliers de baisers, sur mes pieds mouillés en signe de bienvenue. Dans le ciel, des mouettes planaient en une ronde de joie, scandée de ces cris qui accueillent les enfants de retour. J'ai refoulé ton sol et bu ton vent à pleins poumons. J'ai rêvé devant ton port, parcouru tes rues et tes ruelles grouillantes. J'ai traversé tes places, visité tes tours et refait chemin de ronde de tes remparts d'où j'ai vécu la haute mer à travers les meurtrières. J'ai caressé le bronze de tes canons pointés vers la large, comme à l'affût d'un éventuel ennemi. Avant de te quitter, je suis passé par la place de la Municipalité et là, abasourdi, j'ai constaté que l'horloge s'était remise à égrener les heures. Puis, j‘ai cherché les traces de mon passé, les fastes de nos anciennes demeures. J'ai écouté tes ancêtres raconter la gloire de notre histoire comme on raconte à la veillée la légende des paradis perdus. J'ai pénétré au cour de ton mystère, et, au cours de ce voyage, ma mémoire a vu ressurgir une moisson de souvenirs éblouissants que toi seule sait offrir au voyageur qui revient. Pour m'adresser à ma mémoire –un instant- j'ai fermé les yeux , quand je les ai ouverts, il y avait là un enfant qui allait à l'école. Il tenait par la main son petit frère, il avait les cheveux au vent et me souriait. J'ai glissé ma main dans la sienne pour lui faire traverser la rue jusqu'à l'école, et doucement, comme un frisson, le jour et la nuit, le passé et le présent, le rêve et la réalité se sont confondus, et le cercle de la magie, s'est refermé sur moi, pour toujours et à jamais. J'ai quitté Mazagan, la nostalgie au cœur En rêvant bâtir une vie, un bonheur Des enfants, Un foyer, un jardin et des arbres Pour prendre cet élan d'espérance et d'amour J'ai choisi mon abri sans fronton et sansmarbre Une maison avec un peu de France autour.