Ecrit par Lamiae Boumahrou | La réforme du secteur de la distribution d'électricité, d'eau et d'assainissement liquide a suscité une vive polémique notamment par rapport aux gestionnaires délégués. La fin du contrat marquera-t-elle la sortie définitivement des délégataires du Maroc où y aura-t-il une nouvelle forme de coopération notamment sous format de PPP ? Environ 3 ans après l'annonce faite par le ministre de l'Energie Aziz Rabbah en janvier 2019, la réforme du secteur de la distribution d'électricité, d'eau et d'assainissement liquide aboutit enfin. Le 29 juillet 2021, les ministères de l'Energie, de l'Intérieur et des Finances ainsi que l'ONEE signaient le mémorandum d'entente relatif à ladite réforme. C'est l'aboutissement d'un processus de réflexion qui a démarré depuis quelques années dans l'optique d'améliorer la gouvernance de ce secteur stratégique. Un processus sur lequel a travaillé une commission mixte entre le ministère de l'Energie et celui de l'Intérieur dont le projet figurait déjà dans le premier contrat-programme de l'ONEE. Il s'agit concrètement de la création de sociétés régionales multiservices SRM dans les 12 régions du royaume. Une telle orientation s'inscrit dans le cadre du chantier de la régionalisation avancée qui permettra, in fine, à chaque région de gérer ses propres affaires. Mais bien que le projet soit en gestation depuis quelques années, l'annonce de la réforme par les médias à suscité une vive réaction d'autant que la communication sur ce chantier stratégique n'a pas été faite par voie officielle du ministère de l'Intérieur. Mais par la fuite du document du mémorandum d'entente suivie de déclarations de Mustapha El Habti, Gouverneur de la Direction des réseaux publics locaux à la presse nationale. Une réforme qui a suscité plusieurs questions notamment par rapport à l'avenir des acteurs actuels du secteur à savoir les régies, l'ONEE et les délégataires. Si pour les deux premiers opérateurs les choses sont claires, elles le sont moins pour le 3ème opérateur à savoir les gestionnaires délégués. En effet, le document en question précise clairement que les régies vont être liquidées quant à l'ONEE il devra se désengager et transférer ses activités de distribution aux SMR. Quant aux gestionnaires délégués, le document stipule qu'il est question d'assurer le transfert opérationnel aux SRM de l'ensemble des Services Publics de Distribution au niveau de chaque Région tout en tenant compte des contrats de gestion déléguée conclus avec les opérateurs privés en vigueur à la date de création desdites SRM. En d'autres termes, les délégataires Lydec, Rédal et Amendis ne sont pas concernés par cette réforme avant la fin de leur contrat. Mais cela signifie-t-il qu'ils vont plier définitivement bagages et quitter le Maroc ? Est-ce la fin de la présence des opérateurs privés étrangers dans ce secteur ? Pas certain. A. Rabbah avait affirmé, à l'époque, que « le distributeur régional (SMR) réunira la gestion des 3 services (eau, électricité et assainissement) et en même temps réunira l'ONEE, les distributeurs ainsi que les autres acteurs ». La possibilité de faire appel aux délégataires, sous une autre forme de partenariat, n'est donc pas écartée. La configuration des SMR pourrait donc inclure la possibilité de déléguer la gestion de certains services sous forme de partenariat public-privé de gestion notamment à travers des contrats d'exploitation avec des opérateurs privés. Pour l'instant rien n'est clair. Il faudra attendre le projet de loi visant création des SMR pour voir si cette éventualité serait envisageable. Nous retenons toutefois que les 4 SMR pilotes ne vont pas démarrer que dans les régions où il y a le moins de problèmes et de contraintes à savoir celles qui sont gérées par un seul distributeur soit l'ONEE, la régie ou le gestionnaire délégué comme l'avait annoncé le ministre de l'Energie A. Rabbah. C'est le cas de la région Casablanca-Settat qui compte 2 opérateurs à savoir Lydec et l'ONEE. Cela dit, le mémorandum précise que les SRM pilotes qui seront créées ne prendront pas en compte le périmètre géré par les délégataires et ce jusqu'à la fin de leur contrat. Harmonisation du périmètre du grand Casablanca : une réforme tant attendue noyée En plus de la création des SMR, le mémorandum d'entente de la réforme du secteur de l'eau, de l'électricité et de l'assainissement apporte une réforme tant attendue qui met en application la convention d'harmonisation signée devant SM le Roi en septembre 2014. Une convention qui est restée lettre morte durant 7 ans et qui consiste à harmoniser les périmètres de distribution de la gestion déléguée au niveau du Grand Casablanca avec un seul opérateur qui est Lydec. Ladite convention stipulait que la gestion d'une bonne partie des zones périphériques de la capitale, gérée actuellement par l'ONEE, soit confiée au délégataire qui assure, actuellement, l'assainissement uniquement. Un manque à gagner qui se chiffre en Millions de DH qui aurait permis de dégager les ressources supplémentaires, à travers la péréquation entre les métiers pour financer les besoins en infrastructures, de rationaliser les investissements en mettant en place des synergies géographiques par métier ainsi que d'améliorer la qualité des services. Il permettrait également la mise en cohérence régionale des tarifs pour les clients ainsi que des frais de participation aux grandes infrastructures pour les aménageurs. 7 ans plus tard, cette harmonisation prendra effet à partir de 2022. « Procéder au transfert opérationnel par l'ONEE de l'ensemble de ses activités de distribution en relation avec l'opération d'Harmonisation à l'actuel gestionnaire des services Publics de Distribution au niveau de l'ECI Al Baida », lit-on dans le mémorandum. A souligner que l'ECI Al Baida est devenue, depuis juillet 2021, l'autorité délégataire de Lydec alors que c'était le Conseil de la ville. Lydec (seul délégataire à s'exprimer sur le sujet) a précisé ce dimanche dans un communiqué que « concomitamment à la création de la SRM de Casablanca-Settat, les services de distribution d'eau et d'électricité du Grand Casablanca seront harmonisés sur le périmètre de l'ECI. Lydec se tient prête dès 2022 à reprendre la totalité des services de distribution d'eau et d'électricité sur ce périmètre, et ainsi servir environ 400.000 nouveaux clients en électricité et 100.000 nouveaux clients en eau, soit près de 30% d'activité supplémentaire ». Et d'ajouter que « la création des SRM ouvre de réelles opportunités pour mettre à la disposition de celles-ci les savoir-faire et expertise de Lydec dans la région de Casablanca-Settat et dans les autres Régions du Royaume, dans un cadre partenariat à définir en cohérence avec les nouvelles orientations du Royaume et la volonté des Autorités compétentes ». Cela dit, il faudra attendre le projet de loi-cadre relatif aux SMR pour voir plus clair sur l'avenir du secteur.