Ecrit par Imane Bouhrara | Les lampions des élections éteints, l'heure est actuellement aux pronostics sur la composition du prochain gouvernement. Pour un score de 97 sièges, avec quelles formations politiques le RNI composera-t-il la prochaine majorité ? Ce sont des élections générales pleines de rebondissements auxquelles nous avons eu droit cette année. Deux faits majeurs : grande percée du RNI (60 sièges supplémentaires soit une progression de 162% par rapport à 2016), parti qui avait souvent, en apparence, endossé le second rôle dans différentes majorités, dont Benkirane II à la suite de la sortie du PI en 2013 et en Otmani I&II, tout en visant les portefeuilles stratégiques : agriculture, finances, industrie, tourisme. Le score aurait pu être supérieur, le RNI ayant fait les frais du quotient électoral. Mais la grande surprise est le score du PJD qui perd 90% de ses sièges (de 125 en 2016 à 12 sièges seulement en 2021) et ne tient son salut que grâce au quotient électoral. Une défaite cuisante qui s'assimile à une sanction du Parti par ses électeurs et ses sympathisants. Les prémices de cette débâcle étaient là avec tous les problèmes du chef du parti, El Otmani, à rafistoler sa cuisine interne. Mais personne ne s'attendait à un tel score. On tablait au pire sur une quatrième position derrière le RNI, PAM, et le PI et non pas qu'il ferme le tableau. On notera par ailleurs que malgré avoir perdu 20 % des sièges par rapport à 2016, le PAM conserve sa place de deuxième et se retrouve face au choix cornélien : faire partie des tractations au risque de devoir composer avec d'autres formations politiques après près de 20 ans dans l'opposition ou bien choisir de rester dans l'opposition face à une majorité écrasante au risque de perdre de son aura. Enfin, il y a lieu de citer la progression différenciée des partis historiques, particulièrement le PI qui gagne 32 sièges supplémentaires soit une progression de 70 % et l'USFP qui rejoint le quatuor de tête avec 35 sièges au lieu de 20 en 2016. Tous les experts s'accordent à dire que contrairement aux précédentes élections, il n'y a pas eu de phénomènes de balkanisation puisque les trois premiers partis (RNI-PAM-PI) ont la majorité (257 sièges) et si l'on ajoute l'USFP, elle devient plus que confortable (292 sièges soit 73,92%) et les mains libres face à une opposition très faible. Pourquoi pas le PPS aussi ? Ou bien sa proximité du PJD et l'échec de son SG à se faire élire vont-ils le sanctionner auprès du RNI ? Il s'agit là d'un premier scénario simpliste sur la base d'une addition des scores des partis en tête, également motivé par l'aspiration d'un gouvernement d'union qui évite une prolongation des tractations et mette rapidement une majorité en place face aux défis qui se posent au Maroc dans le contexte actuel. Force est de constater que, les dysfonctionnements dont souffre le Maroc étant de « notoriété publique », les programmes des trois partis se croisent sur plusieurs points, notamment la relance économie, la création de l'emploi, le renforcement des secteurs sociaux et une meilleure redistribution sociale. Les trois partis sont bien évidemment conscients qu'ils devront travailler selon un canevas précis tracé par le nouveau modèle de développement et le Pacte national qui en découle. Mais, ce scénario présente un défi majeur à la personne qui sera désignée par le Roi au sein du RNI pour former un gouvernement : comment partager les portefeuilles ministériels, les trois partis convoitant les mêmes ? Partager une poire en deux, ça va. Sur trois, cela devient une compote ! Mais convenons-en tout de même que pour certains portefeuilles ministériels, il serait difficile d'imaginer la succession pour ne citer que les ministères de l'Industrie et des Finances. Qui pourra succéder à Moulay Hafid Elalamy qui a mené d'une main de maitre un grand nombre de chantiers et en a ouvert d'autres plus déterminants et qu'il est appelé impérativement à boucler ? Ou encore à Benchaâboun qui, vaille que vaille, a su, avec beaucoup de doigté, manier les finances pour parvenir à une réponse immédiate à l'impact économique et social de la pandémie ? Un travail minutieux qui lui a permis de recevoir cette année le Trophée du Ministre des Finances de l'année. Aussi, auquel cas c'est Aziz Akhannouch qui devra mener les tractations, autant dire que les relations avec Ouahbi ne sont pas au top, après que ce dernier ait accusé le SG du RNI d'exploiter des fonds ministériels pour mener campagne. Le troisième point est que ces partis sont réconfortés par leurs scores, ce qui pose le problème du leadership voire la dualité au sein d'une même majorité. Un deuxième scénario semble plus plausible : RNI-PI-USFP-MP (236 sièges soit 59,74%). Le RNI de centre droit et le PI de droite, sont tous les deux rodés à l'exercice exécutif, avec l'USFP de gauche (mais ayant de bons liens avec le RNI) et le MP de droite, créant un équilibre au sein de la majorité et avoir le PAM comme principale formation dans l'opposition. Même ce scénario pose la question épineuse de la répartition des portefeuilles ministériels les plus stratégiques : agriculture, finances, industries et tourisme ! D'autant qu'en matière fiscale, qui trace la ligne de conduite d'un gouvernement, les deux partis ont des visions qui ne sont pas concordantes comme il nous a été donné d'apprécier lors de l'élaboration des LF 2020 et 2021. Ou bien le RNI et le PAM mettent leurs querelles de côté et composent une majorité confortable avec deux (avec USFP et MP une majorité à 240 sièges soit 60,75%) ou trois autres partis (avec USFP, MP, et UC, une majorité de 258 sièges soit 65,31%). Dans ce cas, il aura le PI en face dans l'opposition. Une chose est sûre, le RNI doit impérativement passer par le PAM ou le PI voire garder les deux pour former une majorité. Sans le PAM et le PI, le RNI devra rallier tous les autres partis en plus des 15 sièges qui n'ont pas encore été décomptés pour avoir une majorité, ce qui est tout simplement impensable au risque de tomber dans les mêmes patchworks de ces deux dernières décennies avec des conséquences désastreuses sur les plan économique, politique, financier et social et qui ont d'ailleurs motivé le vote sanction contre le PJD. Maintenant, il s'agira d'attendre les résultats définitifs puisque 6% des sièges (15) n'ont pas encore décomptés pour voir toutes les éventualités qui se posent, mais également les surprises qui peuvent survenir. Indépendamment de ces scénarios, tout le monde attend de voir qui sera choisi par le Roi au sein du RNI, formation arrivée en tête de ces élections, conformément à l'article 47 de la Constitution, pour former le prochain gouvernement.