Ecrit par Imane Bouhrara | La décision de prolongation de l'année scolaire 2021-2022 à juillet continue de faire jaser. En plus des parents d'élèves qui ne décolèrent pas, c'est le corps de l'enseignement qui se retrouve face à un casse-tête chinois. En effet, en temps normal, la période des examens au Maroc démarre fin mai jusqu'à la mi-juillet pour la session de rattrapage. Comment la tutelle va-t-elle gérer ce chamboulement ? Un cadeau empoisonné que laisse Amzazi à son successeur. La décision de reporter la rentrée scolaire 2021-2022 au 1er octobre est tombée ce 6 septembre comme un couperet sur des milliers d'élèves et parents d'élèves préparés à reprendre le chemin de l'école le 10 septembre. Un véritable choc d'autant qu'aucun changement dans la situation pandémique ne la justifie et aucune donnée scientifique n'a été communiquée dans ce sens. Ils n'ont pas encore eu le temps d'assimiler cette décision sans aucun égard pour les parents d'élèves et les élèves, qu'une autre est tombée le 7 septembre relative à la prolongation de l'année scolaire 2021-2022 au mois de juillet 2022. Le ministère de tutelle aurait pris la première décision pour permettre à la campagne de vaccination des 12-17 ans démarrée le 31 août de progresser avant une reprise des cours (pourquoi ne pas l'avoir prévue plus tôt) et la deuxième en raison du souci d'achever les programmes scolaires. Soit. On prend donc le bâton du milieu pour satisfaire les établissements privés, non tenus de rembourser le paiement du mois de septembre aux parents d'élèves et on compense ce mois de scolarité perdue par celui de juillet pour calmer la colère des parents d'élèves, cette petite vache à lait qui trinque faute d'une offre publique de qualité. Mais il y a comme un petit problème dans cette improvisation de dernière minute : pourquoi ne pas avoir réuni les représentants des parents d'élèves et des établissements scolaires pour concertation avant la prise de décision au lieu de les mettre devant le fait accompli ?. Cette fois-ci, c'est le corps de l'enseignement qui met en doute la faisabilité de la chose. En effet, le corps enseignant déjà mobilisé (les enseignants et cadres notamment dans les zones reculées ont déjà rejoint leur lieu d'affectation et les PV signés) met en doute la faisabilité de cette prolongation jusqu'au mois de juillet. Comme l'explique un cadre pédagogue, l'année scolaire s'achève réellement au Maroc à la mi-mai et s'en suivent les examens scolaires jusqu'à la mi-juillet. « Si l'on suit le raisonnement de cette décision, les cours se prolongent jusqu'à juillet, donc les examens ne seront achevés qu'en août. C'est juste impensable pour plusieurs raisons », explique-t-il. En effet, dès fin mai démarre l'examen régional unifié de la première année du baccalauréat pour les candidats libres, et juste après les candidats scolarisés. Si l'on suit le raisonnement sous-jacent au communiqué du 7 septembre, avec un décalage d'un mois, ces épreuves devraient se tenir fin juin et début juillet. Et ce n'est pas tout, car il ne faut pas oublier l'effet domino sur le reste des examens. L'examen national unifié du BAC se déroule en général la deuxième semaine de juin, suivi du normalisé collège et le normalisé primaire qui lui s'achève à la troisième semaine de juin. Enfin la session de rattrapage du Bac intervient en général entre la première et la deuxième semaine de juillet. Et le plus important à prendre en considération, surtout pour l'épreuve du BAC, tout décalage ne doit aucunement excéder un mois en raison des inscriptions et des concours des grandes écoles, surtout à l'étranger où elles ne sont pas censées tenir compte d'une décision que nous n'avons eu nulle part au monde, sauf à Cuba ! « Certes nous sommes dans un contexte sanitaire délicat, mais ces décisions, surtout celle de prolonger l'année scolaire à juillet, ne prennent en considération ni l'intérêt des élèves ni les conditions de travail du corps administratif et enseignant. Essayez d'enseigner une classe de 48 élèves en juillet à Kalaat Sraghna ou à Marrakech. Encore mieux, comment justifier la prolongation de l'année scolaire à juillet même pour les enfants dans le préscolaire, non tenu par un programme scolaire commun ? Nous avons passé une année scolaire 2020-2021 très difficile émaillée de gros problèmes et émaillée par les grèves des contractuels et cette année scolaire, nous démarrons du mauvais pied. J'espère que la tutelle entendra la voix de la raison, autrement nous aurons à gérer de grosses perturbations », déplore notre source syndicalisée. Et d'ajouter « Ça me semble impossible de caler tous les examens en un seul mois avant le mois d'août et tout aussi dommageable d'étaler sur le mois d'août alors que la rentrée 2022-2023 devra démarrer en septembre 2022, sans conséquence sur les élèves, sur les enseignants et sur la qualité de l'enseignement. Nous attendons de voir à quelle gymnastique s'évertuera le ministère ». On ajoutera encore deux éléments pour bien noircir le tableau. Le premier est qu'Aïd Al-Adha interviendra en 2022 à la mi-juillet ce qui perturbera le calendrier des examens de l'année scolaire 2021-2022. Ensuite, cette prolongation au mois de juillet va impacter indirectement le secteur du tourisme, déjà à genou, dont la saison démarre en juillet ! Autant dire que cette décision sans concertation, et non étayée d'informations scientifiques la justifiant, n'a pas encore fini de faire des dégâts. C'est ce qui arrive quand on décide et après on réfléchit ! Voilà une patate chaude au successeur d'Amzazi.