Interviewé par Lamiae Boumahrou | Pour le secteur de l'industrie Métallurgiques, Mécaniques et Electromécaniques, l'année 2021 reste une année incertaine en raison de la crise sanitaire qui persiste. Et pourtant le secteur fait face à un autre défi de taille celui de la décarbonation. Le point avec Tarik Aïtri, président de la Fédération des Industries Métallurgiques, Mécaniques et Electromécaniques (FIMME). EcoActu.ma : Dans un contexte toujours marqué par la pandémie, comment se présente l'année 2021 pour le secteur de l'industrie Métallurgiques, Mécaniques et Electromécaniques ? Tarik Aïtri : Le secteur des IMME a été fortement impacté par la crise sanitaire ayant généré une crise économique sans précédent. L'année 2021 reste une année incertaine, l'ensemble des professionnels n'ont pas caché leur scepticisme. Plusieurs entreprises ont été obligées de ralentir leurs activités, tout en espérant une année 2021 saine et prometteuse. Toutefois, la reprise était timide et pas à la hauteur des attentes. Plusieurs éléments ont accentué cette crise et ont freiné une bonne relance 2021, on cite notamment la baisse de la demande locale et internationale, la hausse des prix de l'acier et le coût exorbitant du fret. Malgré les mesures annoncées par le ministère de tutelle et celle de la loi de Finances pour booster la relance du secteur, les incertitudes persistent pour l'année en cours et le manque de visibilité impose aux professionnels de rester prudents. Dans une optique de booster cette industrie lourde, le Plan d'accélération industrielle 2014-2020 a préconisé la mise en place d'écosystèmes visant à améliorer l'intégration sectorielle, à démultiplier les investissements et à assurer une montée en valeur du secteur. Les objectifs fixés par le PAI ont-ils été atteints ? Le bilan du contrat programme relatif au secteur de la métallurgie est très positif avec des résultats très satisfaisants grâce notamment à l'appui mis en place par le ministère de l'Industrie à travers les 4 écosystèmes : valorisation des métaux (Cu et Al), Travail des matériaux et Nouveaux métiers (Bicyclettes et machines agricoles). De ce bilan, il faut retenir des performances en vert pour l'écosystème « travail de matériaux » où 10.000 emplois ont été créés soit plus de 4 fois les objectifs fixés, plus de 1.100 MDH d'investissement ont été mobilisés, ce qui représente le double des objectifs prévus, et une performance à l'export de 79% des seuils escomptés. Ces résultats confirment la nature du tissu économique du secteur, caractérisé par des PME spécialisées dans le travail de matériaux pour servir différents autres secteurs tels que : l'automobile, la construction...etc. Concernant l'écosystème valorisation des métaux, c'est un secteur très capitaliste avec peu d'acteurs sur le marché national. Les performances réalisées jusqu'à maintenant reflètent la complexité du secteur et la nécessité de continuer le travail de structuration et d'organisation de la filière mené conjointement par la fédération, les acteurs professionnels, et les acteurs institutionnels sous le pilotage du ministère de l'industrie. S'agissant de l'écosystème « nouveaux métiers », la crise du Covid 19 a fortement entravé l'atteinte des objectifs escomptés vue que sa réussite dépend essentiellement d'investisseurs pouvant jouer le rôle de locomotives industrielles. Avec la nouvelle stratégie de substitution et du made in Morocco, on espère pouvoir créer des champions industriels nationaux dans l'industrie de bicyclettes et de machines agricoles (tracteurs), autour desquels des écosystèmes industriels forts et compétitifs pourront s'installer. Au-delà des chiffres, je tiens à féliciter le ministère de l'Industrie pour son rôle de facilitateur industriel en faveur des acteurs industriels du secteur. Un rôle qui prend sa dimension dans la mise en place de mesures réglementaires nécessaires permettant de protéger, d'organiser et d'accélérer la croissance des acteurs des écosystèmes. Pour conclure, je pense que dans l'absolu les objectifs du plan d'accélération industrielle ont été atteints avec cette confiance dans l'industriel marocain des IMM qui a été renforcée, appuyée et valorisée. Dans quelle mesure la mise en place des écosystèmes a-t-elle accéléré la création des emplois industriels, la croissance et le développement des marchés dans le secteur ? Les écosystèmes ont proposé une panoplie de mesures incitatives à l'investissement, à la création d'emplois, à la formation...etc, au profit des projets de développement relatifs aux écosystèmes précités. De plus, une cellule d'animation dédiée à l'accompagnement des projets et la coordination avec les équipes du ministère a été mise en place. Ces éléments, en plus de la mobilisation totale de l'équipe du ministère de l'Industrie et des acteurs institutionnels notamment la Douane, l'AMDIE, l'IMANOR...etc. ont transformé les écosystèmes en un levier de développement qui a permis de booster l'activité des IMM, de créer des emplois et de revigorer la dynamique des acteurs industriels pour innover et explorer de nouvelles opportunités du marché. Cette expérience a démontré que dans la mesure où on considère les écosystèmes des plateformes d'accélération industrielle qui fédèrent les énergies des acteurs, créent des synergies entre acteurs et œuvrent pour la compétitivité du secteur, on peut directement agir sur la création d'emplois industriels, le développement du marché et la croissance du secteur. Quel est l'impact de ces écosystèmes sur la valeur ajoutée du secteur ? Le secteur des IMM est le socle de plusieurs autres industries, sa valeur ajoutée est prouvée et a été davantage confirmée à travers les écosystèmes, surtout l'écosystème travail des matériaux où on a assisté à un réelle dynamique d'entreprises industrielles ayant intégré de nouveaux secteurs tels que l'automobile et d'autres ayant innové en proposant de nouveaux composants destinés à des chaines de valeurs industrielles à l'étranger. La valeur ajoutée du secteur a également été renforcée à travers les banques de projets de substitution lancées par le ministère de l'Industrie pour servir le marché local en produits importés jusqu'ici, et relancer l'activité industrielle. Quels sont aujourd'hui les défis à relever pour permettre aux entreprises marocaines du secteur de s'imposer à l'international ? Toute entreprise du secteur, quelle que soit sa taille, est capable de relever le défi de l'exportation à condition qu'elle soit déjà bien implantée localement, Les erreurs sont, en principe, plus faciles à corriger chez soi. Avec le temps, l'expérience consolide la fiabilité des produits et augmente la crédibilité sur les marchés étrangers. Les entreprises qui font le choix d'anticiper la demande, d'innover et de s'internationaliser très tôt dans leur phase de commercialisation via la pratique de l'intelligence économique, peuvent atteindre des taux de croissance forts et une valorisation financière exceptionnelle. L'investissement continu est aussi nécessaire pour réduire les coûts, gagner en compétitivité, et pouvoir faire face à la concurrence. A noter que l'accord de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente une belle opportunité pour croitre l'offre exportable des entreprises du secteur des IMME. L'industrie marocaine est confrontée à une nouvelle contrainte, celle de la décarbonation. Etant un secteur énergivore, comment l'IMM se prépare-t-elle pour être au rendez-vous avant janvier 2023 ? En effet, le secteur de la métallurgie est très énergivore et ne peut améliorer ou préserver son positionnement sans se interdécarboner. C'est devenu une nécessité absolue pour nos entreprises et industriels. Par rapport à ce volet, la Fédération est en train de préparer une stratégie de décarbonation du secteur permettant d'accompagner les acteurs industriels dans les aspects de réduction de l'empreinte carbone et ce à travers plusieurs actions, dont les plus importantes : * Être accompagné par Maroc PME pour bénéficier de Tatwir vert; * Encourager l'innovation pour la mise en place d'actions pilotes de décarbonation du secteur; * Sensibiliser et former les acteurs industriels aux enjeux de la décarbonation; * Appuyer les acteurs industriels dans leur démarche de certification environnementale et durable; * Faciliter le transfert de savoir-faire multidisciplinaire à travers des partenariats solides autour de projets pilotes dans la digitalisation, l'utilisation de l'énergie verte, l'amélioration de l'efficacité énergétique…etc.