Ecrit par Lamiae Boumahrou | Le Secrétaire général du RNI a récemment déclaré que les 17 Mds de DH de bénéfices issus de la vente des hydrocarbures réalisés par les pétroliers entre 2016 et 2017 après la libéralisation n'est qu'une fake news politique. Il a fallu attendre 3 ans pour s'enquérir de l'avis de l'un des principaux concernés par cette affaire. Analyse. Après 3 ans de silence, Aziz Akhannouch, principal visé dans l'affaire des 17 Mds de DH de bénéfices réalisés par les pétroliers après la libéralisation des prix des hydrocarbures, crève enfin l'abcès. Invité de la Fondation Lafqui Titouani, le secrétaire général du RNI a balayé d'un revers de main le rapport de la Commission des Finances de la Chambre des représentants sur les hydrocarbures. Un rapport qui ayant suscité une grande polémique reste malheureusement sans suite. Aziz Akhannouch a affirmé que ce rapport a été politisé et a surtout servi d'arme pour les adversaires du parti du RNI. « Ce chiffre est un mensonge. Une fake news. La commission n'a pas relevé ce chiffre dans son rapport », a affirmé Aziz Akhannouch en accusant le président de la commission, Abdellah Bouanou, de l'avoir inventé . Pour le SG du RNI, ce dossier, qui a tenu en haleine l'opinion publique durant plus de 3 ans, n'est en réalité qu'un dossier purement politique. Akhannouch remet en cause le travail d'une institution constitutionnelle qui a fait état d'un dysfonctionnement du marché après la libéralisation et d'une éventuelle entente sur les prix à la pompe. En effet, depuis la libéralisation, les prix à la pompe ne suivent pas réellement les cours du baril. Ce qui a permis aux pétroliers de réaliser des marges de bénéfices sur le dos des Marocains qui ont été le grand perdant de la politique de libéralisation. Cela dit, il a fallu attendre 3 ans pour que A. Akhannouch fasse cette déclaration qui nous interpelle à plusieurs titres. Tout d'abord, si ce qu'il dit est vrai pourquoi aucun des membres de ladite Commission, constituée par les députés de plusieurs partis politiques, n'a démenti l'information ? Deuxièmement, pourquoi le RNI a gardé le silence sur ce sujet durant tout ce temps ? Troisièmement, pourquoi le gouvernement avait annoncé, juste après la publication de l'avis du Conseil de la Concurrence soit le 15 février 2019, qu'il y aura plafonnement ? Quatrièmement pourquoi le Conseil de la Concurrence avait annoncé le 22 juillet 2020 des sanctions lourdes à l'encontre de trois sociétés leaders du marché ? Autant de questions qui restent en suspens et qui nous intriguent parce qu'elles ne collent pas à la réalité des faits. Rappelons que Lahcen Daoudi, à l'époque ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, avait affirmé que le gouvernement allait actionner l'article 4 de la Loi sur la liberté des prix et de la Concurrence qui stipule l'adoption de mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix, motivées par des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. « Il y aura plafonnement, c'est acté », avait-il déclaré à l'époque. Une décision du gouvernement, qui certes n'a jamais vu le jour, mais qui s'est basée sur le rapport de la commission et l'avis du Conseil de la Concurrence. Prix des hydrocarbures : l'hémorragie continue Certes, comme l'a souligné le SG du RNI, le rapport ne mentionne pas précisément les 17 Mds de DH. Toutefois, la commission a relevé un différentiel de marge réalisée par litre de 92 centimes. Cette marge multipliée par le volume consommé en 2 ans (2016 et 2017), donne un bénéfice de 17 Mds de DH. Malheureusement, l'hémorragie a continué. A fin 2020, soit 3 ans après la publication du rapport, le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole fait état d'une situation beaucoup plus alarmante que les 17 Mds de DH. Les pétroliers auraient doublé leurs bénéfices atteignant environ 38 Mds de DH (compte non tenu des profits réalisés sur le kérosène, le fuel et l'asphalte). D'autre part, le rapport a été expurgé d'une partie de son contenu comme déclaré, à l'époque, par certains membres de la commission. « Même si la version publiée de son rapport sera « allégée » de ses conclusions les plus accablantes, on y apprendra quand même l'existence de phénomènes systématiques d'entente et d'abus de position dominante, les compagnies entretenant entre elles une coordination permettant de maintenir les prix à la pompe à des niveaux nettement supérieurs à ceux qu'un marché « normal » aurait permis. Cette rente, sur une période d'une vingtaine de mois seulement, avait pu être évaluée à près de 17 milliards de dirhams, ainsi indûment extorqués aux citoyens marocains », a souligné l'économiste Najib Akesbi, dans une chronique publiée dans la revue Marocaine des sciences politiques et sociales. Cela dit, tant que le Conseil de la Concurrence n'a pas statué sur l'éventuelle entente sur les prix des hydrocarbures, la réalité sera toujours maquillée par le versions des uns et des autres. Espérons que Ahmed Rahhou puisse réussir là où son prédécesseur a échoué.