Il a fallu plusieurs mois pour finaliser l'étude sur la simplification de la réglementation qui a pour objectif d'élaborer un référentiel des textes législatifs existants en rapport avec les TPME non mis en application et les hiérarchiser compte tenu de leur impact sur le quotidien des entreprises. Présentée début juillet, cette étude réalisée par Hammad Kassal pour Maroc PME démontre tout l'arsenal réglementaire auquel les entreprises doivent faire face et les moyens de rectifier le tir. Autant dire, que c'est impressionnant et riche en renseignements. L'idée de départ de ce travail de plusieurs mois est que la simplification de la réglementation constitue pour les PME et, au-delà, pour le Maroc, un défi fondamental en termes de croissance, de compétitivité et d'emploi. Faut-il rappeler la place accordée à cette question dans le discours du Roi à l'occasion du premier anniversaire de son intronisation : « Nous attendons de notre gouvernement qu'il persévère dans ses efforts de mise à niveau du cadre institutionnel de notre économie et qu'il le rende plus performant, insistant particulièrement sur la promotion du tissu des PME qui sont la locomotive du développement national réellement productif et générateur d'emplois stables. Il faudra les faire bénéficier d'un régime préférentiel, tant durant la phase de leur création et de leur lancement qu'au moment de la recherche des financements adéquats et de toutes les facilités législatives et réglementaires. L'administration, tous secteurs confondus et à tous les niveaux, se doit d'être au service de cet important levier du développement et de coordonner ses efforts pour apporter toute l'aide et l'appui nécessaires à ces entreprises dans le cadre d'un organe spécialisé chargé de leur promotion... », Extrait du discours. Pour y parvenir, le travail a consisté dans un premier temps à analyser l'impact sur le fonctionnement, la performance et la pérennité des TPME et à identifier les textes réglementaires qui ont été promulgués mais non appliqués. Rapidement, un premier frein est identifié : l'absence quasi-totale d'un registre public des réglementations. Cela n'empêchera les auteurs de l'étude de passer au peigne fin tous les textes réglementaires en rapport avec les PME et TPME, de la création, au bail commercial ou l'acquisition d'un bien immobilier, à l'autorisation de construire, à l'étude d'impact environnemental et exigences environnementales, aux autorisations, à l'obtention de prêts et de financements, à l'accès aux marchés publics, à l'allégement de la trésorerie, au paiement d'impôt, au remboursement de TVA, à l'import et export, jusqu'au traitement des entreprises en difficulté. Le constat est sans appel, la complexité administrative et réglementaire, pèse lourd sur la vie des entreprises : entre lois, décrets, arrêtés, circulaires, etc. les managers ne savent plus où donner de la tête. L'étude révèle que la majorité des entreprises ne sont pas rattachées à un écosystème ce qui les prive de fortes potentialités de financement, de commercialisation et de développement. D'une manière générales et concernant tous les aspects de la réglementation relative aux entreprises dans notre pays près de 70 % (en moyenne et selon les thèmes traités) des répondants considèrent que la réglementation a un impact négatif, directement ou indirectement, sur la vie de leur entreprise et sur sa compétitivité. Pire encore, certains chefs d'entreprises interrogés considèrent que les règlements excessifs réduisent considérablement la productivité de leur activité, les découragent de donner de l'expansion à leur entreprise et ne conseillent pas à leurs enfants de se lancer dans l'entreprenariat. L'étude identifie trois indicateurs qui permettent de mesurer le fardeau administratif imposé aux entreprises : le nombre d'exigences réglementaires générant des formalités administratives ; le volume de ces formalités; et le coût qu'elles représentent pour les entreprises. S'agissant des domaines réglementaires à simplifier, émergent clairement, dans l'ordre, les délais de paiement, le droit du travail et la protection sociale, la fiscalité, l'octroi des autorisations, les aides publiques aux entreprises, la liquidation d'une entreprise Suite à l'approfondissement de l'analyse, l'étude dégage les lois motrices, dont l'impact sur la vie des TPME est très important et que sont : * Les délais de paiement; * Le code du travail; * La liquidation d'une entreprise; * Les autorisations (permis de construire, étude d'impact environnementale....); * L'accès aux marchés publics; * L'accès au financement bancaire et hors bancaire; * Opérations d'import/export; * Fiscalité. Comment parvenir à la simplification de la réglementation pour en faire un levier de croissance et de compétitivité des entreprises L'étude note d'emblée qu'une réforme efficace de la réglementation exige un changement de culture radical au sein du gouvernement, lequel exige à son tour discipline et concertation. Une réforme réglementaire réussie comprend trois éléments clés : * Le leadership politique; * La reddition de compte à l'égard du public; * Les contraintes imposées aux autorités de réglementation. L'une des recommandations phare de l'étude est l'introduction d'une analyse d'impact de la réglementation (AIR). Cette AIR recouvre une série de méthodes visant à évaluer systématiquement les effets négatifs et positifs des projets de réglementation et des réglementations existantes. Elle vise une plus grande transparence en ce qui concerne les problèmes liés aux projets de lois et à la réglementation, les objectifs visés, les options envisageables, les mesures proposées et, en particulier, les conséquences escomptées. L'examine analyse d'impact de la réglementation d'autres possibilités de réglementer et évaluer la facilité d'exécution et l'éventuelle nécessité d'améliorer le projet. Dans son travail qui a duré plusieurs mois, Hammad Kassal étaye les étapes successives de l'AIR avec pour objectif principal la mise en place d'une véritable « fabrique à simplifier » dans ce cadre, il est préférable de transformer le comité nationale du climat des affaires en une « agence de simplification de la règlementation », préconise l'étude. Aussi, la dématérialisation apparaît-elle comme un levier essentiel de simplification, mais il est impossible de se limiter à cette seule initiative. Aussi, il est recommandé l'établissement d'un Référentiel des Données Administratives. « Ce Référentiel constituerait tout à la fois un dictionnaire sémantique des données, une structuration des informations et leur normalisation sous un langage informatique permettant l'envoi des données par les entreprises, via internet. Il représente un moyen simple, efficace et structurel pour réduire l'hyper-hétérogénéité de notre système déclaratif et ainsi, industrialiser et généraliser l'automatisation des télé déclarations », révèle l'étude. Ainsi, la suppression des pièces justificatives représente, pour les démarches les plus courantes qu'effectuent les entreprises, une économie évaluée à des millions de dirhams en année pleine. La troisième recommandation consiste en la simplification de la création ou la reprise d'une entreprise à l'aide de modèles de statuts types agréés par secteur. L'étude préconise également l'amélioration de l'accessibilité des PME à la commande publique. Cette dernière représente un vecteur clé de création d'emplois et, par conséquent, un bénéfice réel en termes de croissance économique. Elle permet de mobiliser tous les secteurs d'activité et toutes les régions. Dans ce sens, des dispositifs simples pourraient être mis en place pour améliorer l'accessibilité des PME à la commande publique. Par exemple, très souvent, les acheteurs demandent à plusieurs reprises les mêmes documents. Ces demandes répétitives, qui ont un coût indirect pour l'entreprise, pourraient être évitées. De même, des documents complémentaires sont fréquemment demandés à l'appui des documents obligatoires. Ces simplifications peuvent être traitées au travers d'un programme « Dites-le-nous une fois ». Et surtout désigner un interlocuteur unique pour les titulaires d'un marché public ou réglementé. En matière de simplification de l'accès des entreprises au financement, l'étude propose, entre nombre de proposition, de mettre en place sur le portail Maroc PME un formulaire en ligne permettant au chef de TPME de présenter son projet et de définir ses besoins financiers. Après un examen par un expert de Maroc PME, le chef d'entreprise recevra une proposition claire dans un délai d'une semaine, précisant les dispositifs en adéquation avec son projet et les interlocuteurs vers lesquels s'adresser. Le même principe est préconisé pour la simplification de l'accès aux aides publiques à travers la création d'un portail qui regroupe l'ensemble des aides publiques et quel que soit le secteur d'activité ou l'administration qui octroie l'aide aussi bien au niveau central qu'au niveau territorial. Et pour éviter la multiplication des coûts et faciliter l'accès par les utilisateurs, intégrer dans ce portail un formulaire qui permettrait d'effectuer des requêtes personnalisées directement. L'étude propose également de créer un accès direct vers un site (les-aides.gov.ma) qui permettrait aux entreprises de recevoir également des alertes, des newsletters, sur les dispositifs publics ciblés. Par ailleurs, pour accompagner les exportateurs en rationalisant les aides et procédures réglementaires à l'export, l'étude suggère la mise en place d'un catalogue commun des dispositifs de soutien financier aux exportateurs qui doit être intégré dans la plate forme des aides publiques( contrat export, consortium, ASMEX....) et l'accélération de la mise en œuvre du guichet unique des formalités administratives à l'export, avec une procédure simplifiée pour le statut d'exportateur agrée. En matière d'innovation, il est préconisé de positionner Maroc PME comme l'acteur de référence en matière d'aides à l'innovation, en coordination avec l'OMPIC. Il s'agit de coordonner le rôle des autres acteurs publics impliqués avec celui du chef de file de façon à apporter un soutien global aux TPME, de la sensibilisation jusqu'au dépôt de brevet en passant par le montage de dossiers. L'étude qui révèle une forte attente des chefs d'entreprises en matière d'information, de conseil et d'accompagnement, estime que le « e-guichet unique » devrait permettre au chef de TPME, par un simple clic, d'obtenir une réponse quasi immédiate à cette double question récurrente : « Que dois-je faire ? » et « A qui-dois-je m'adresser ? » et devrait fédérer tous les sites et portails publics déjà existants. L'étude suggère également la création d'un portail électronique dédié aux réglementations environnementales pour permettre aux chefs d'entreprise d'accéder en quelques clics à l'ensemble de la réglementation en matière environnementale. Il devrait aussi intégrer la jurisprudence, puisque le contentieux dans ces domaines est de plus en plus important. Les impacts considérés par la simplification de la réglementation sont des impacts « potentiels » et sont de trois natures différentes : Hammad Kassal insiste par ailleurs sur l'importance de soumettre désormais tout nouveau texte juridique à une évaluation préalable de ses impacts sur les entreprises (Application systématique du Test PME pour tous les nouveaux textes juridiques concernant les entreprises) et d'instituer le fait que toute nouvelle loi concernant les entreprises ne peut être promulguée qu'à la condition de supprimer au moins une autre loi devenue obsolète. Une étude qui tombe à point nommé et doit être décortiquée par les autorités concernées à la lumière du discours royal à l'occasion du 19ème anniversaire de l'intronisation du Roi : « Nous insistons en outre sur la nécessité d'une mise à jour des programmes d'accompagnement destinés aux entreprises, en particulier ceux visant la facilitation de leur accès au financement, l'accroissement de leur productivité, et la formation et la mise à niveau de leurs ressources humaines. Le but recherché est bien de rehausser la compétitivité de l'entreprise marocaine, de renforcer ses capacités exportatrices, et d'accroître son potentiel de création d'emplois. Une attention particulière doit être portée aux petites et moyennes entreprises qui représentent 95% du tissu économique national. L'entreprise productive a aujourd'hui besoin de davantage de confiance de la part de l'Etat et de la société. C'est la voie à travers laquelle l'investissement pourra retrouver le niveau souhaité, et l'attentisme délétère cédera la place à une dynamique marquée par la prépondérance d'un esprit d'initiative responsable et d'innovation ».