La définition même de la PME prête aujourd'hui à confusion, ce qui nous invite à effectuer une brève radiographie de la petite et moyenne entreprise. Dans un contexte de mondialisation et d'ouverture économique, certaines très petites entreprises de moins de 3 employés remplissent les critères de CA requis pour être considérées comme des PME. Cette réalité constitue pour ces structures un frein considérable à leur développement, ce qui pousse les professionnels à s'interroger sur la nécessite pour elles de bénéficier des mêmes outils et des mêmes réformes que lesdites PME. La PME est au cœur de plusieurs stratégies et programmes gouvernementaux. Si les travaux menés ces dernières années ont eu pour objectif de garantir les outils nécessaires pour optimiser la compétitivité du tissu entrepreneurial national, ils ne se penchent pas sur la réelle définition et catégorisation des entreprises appartenant à cette tranche de structures. Plus encore, la définition même de la petite et moyenne entreprise reste strictement mathématique. La plus récente définition admise, à savoir celle de l'ANPME, tient compte essentiellement -pour ne pas dire uniquement- du critère basé sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, faisant ainsi abstraction de l'effectif de l'entreprise. Pourtant, ce deuxième critère doit aujourd'hui être intégré dans la réflexion qui définit la PME marocaine. Les différentes mutations économiques, résultat d'un contexte de mondialisation dans lequel évolue l'économie nationale, assimilent aujourd'hui certaines TPE aux effectifs ne dépassant pas les 3 employés à des PME. Leur CA, défini par l'ANPME, est davantage celui d'une moyenne entreprise. Selon l'Agence nationale pour la promotion de la PME, la très petite entreprise est une structure dégageant un CA inférieur à 3 MDH. La petite entreprise enregistre aujourd'hui un CA compris entre 3 et 10 MDH, et la moyenne, un CA estimé entre 10 et 175 millions de DH. Une PME à visage évolutif En se basant sur l'approche de l'ANPME, il conviendrait donc de ne s'intéresser qu'au critère mathématique du chiffre d'affaires, qui peut hisser certaines TPE au rang de PME. Cela leur permettrait de bénéficier de programmes gouvernementaux qui ne les concernait pas, ces derniers étant exclusivement réservés à une catégorie d'entreprises «supérieures». Autre élément d'analyse: certains chefs de très petite structure soulèvent un décalage. Ils se trouvent confrontés à certaines contraintes règlementaires liées à leur catégorisation dans les registres officiels, et ne peuvent se voir délivrer les documents officiels attestant que ces dernières sont des entreprises au CA égal voire supérieur à celui d'une PME, abstraction faite du nombre d'employés au sein de la structure. Ces mêmes documents peuvent être demandés par leurs partenaires commerciaux, parfois basés à l'étranger. Pour Hammad Kassal, économiste et patron de PME, «le débat sur la définition même de la PME date déjà de quelques années, et une demande de redéfinition avait même été émise». Plus encore, dans un benchmark, Hammad Kassal souligne le cas de l'Union européenne qui «admet trois critères de définition de la PME, à savoir le critère du chiffre d'affaires, celui de l'effectif, qui doit essentiellement être inférieur à 250 employés, et enfin la participation d'un grand groupe dans le capital de l'entreprise qui ne doit pas dépasser les 25%». Au Maroc, la difficulté que représente aujourd'hui l'application de ces critères est évidente bien qu'il ne soit pas aujourd'hui essentiel d'intégrer les TPE aux PME marocaines. Cette réflexion va même au-delà de la simple réflexion philosophique qui consiste à définir la PME, puisque l'actualité récente énonce différentes stratégies destinées aux PME puis aux TPE, qui démontrent dans leur substance «le gain d'efficacité que pourrait représenter une fusion des deux stratégies pour s'adresser à tout le tissu entrepreneurial aujourd'hui dit TPME». Cette approche permettrait de surcroît de focaliser les réflexions sur les différents freins au développement de la PME marocaine. C'est ce que démontre une récente étude menée par Hammad Kassal, réalisée à la demande l'Union européenne, visant à démontrer le potentiel de PME marocaines dans la région Sud de la Méditerranée, et à identifier les principaux obstacles et les éventuelles réponses politiques à apporter. Accès au financement Le sujet a été analysé ces dernières années sous différents angles. La dernière étude, réalisée par Hammad Kassal pour l'Union européenne, remet sur le tapis les différents blocages qui continuent de plomber le développement du tissu entrepreneurial marocain. L'accès au financement constitue le frein le plus important. Parmi les cinq principaux obstacles auxquels se heurtent les PME, la catégorie «accès aux financements» restent de loin la plus préoccupante, citée par plus de 60% des PME. Dans cette configuration, le crédit bancaire reste le moins accessible (75% des PME déclarent avoir des difficultés à accéder aux crédits bancaires). Plus encore, les PME de petites tailles et celles exerçant dans les secteurs considérés par les banquiers comme risqués tels que le textile et habillement, l'imprimerie et l'édition ou encore la plasturgie sont les plus touchées par le manque de moyens de financement. Les banques exigent en effet des actifs personnels mettant souvent en cause le patrimoine personnel et familial en cas de défaillance. Pour remédier à cela, des mécanismes étatiques sont mis en place tels que la Caisse centrale de garantie, qui assure dans certains cas le cautionnement pour que certaines petites structures puissent accéder aux crédits de financement auprès des institutions bancaires. Du côté des banques, la conjoncture ne facilite pas l'amélioration des conditions d'accès au crédit, manque de liquidité oblige. L'évolution de la résorption de ce blocage pourrait être assurée par une «instauration des critères spécifiques aux risques PME pour les prêts bancaires», la réduction des délais d'obtention des crédits bancaires permettant aux entreprises de remplir sur internet leur dossier de financement pour des crédits inférieurs à 25.000.000MAD. Règlementation administrative Aujourd'hui, plus de 78% des PME -près des trois quarts- rencontrent de grandes difficultés pour effectuer des procédures administratives jugées complexes. Plus la structure est de petite taille, plus la difficulté augmente. Dans ce contexte, la disponibilité de services de conseil ou de consultation pour accompagner la PME dans pareilles situations n'est pas toujours assurée. 70% des PME interrogées dans le cadre de l'étude soulignent de nombreux freins à l'accès aux services d'un consultant; les plus touchées restant les TPE des secteurs de l'artisanat, de l'imprimerie et de l'agro-industrie. Même constat concernant l'audit externe exigé par la loi dans le cas d'entreprises enregistrant un CA supérieur à 50 MDH. Seul l'accès aux services d'un consultant est aujourd'hui pris en compte dans les politiques publique. L'ANPE, entre autres, propose dans le cadre de ses programmes de financer le recours à des cabinets de conseils spécialisés. Infrastructures L'accès aux infrastructures reste un des principaux freins au développement des PME marocaines. Moins de 12% des entreprises considèrent que l'accès à l'infrastructure entrave leur développement, principalement dans le secteur de l'industrie extractive ou dans l'artisanat de montagne. Si le Maroc a entrepris ces dix dernières années une grande opération de mise à niveau de son infrastructure (libéralisation des télécommunications, généralisation de l'électricité et de l'eau, ou encore développement d'un réseau routier de qualité) a permis le désenclavement de plusieurs régions, les besoins restent encore importants. Sur ce créneau, les efforts déployés par les autorités ont été probants ces dernières années, surtout en matière de disponibilité des moyens de communication. 99% des entreprises interrogées disposent en effet d'au moins une ligne fixe, d'un téléphone mobile et plus de 50% d'entre elles ont une connexion internet. Un effort reste aujourd'hui à faire dans le développement des sites web des entreprises, qui ne sont que 10% à disposer d'une plateforme web, le reste ne jugeant pas indispensable le recours à ce genre d'outils, notamment dans les petites structures. Ceci reste essentiellement lié au coût excessif de la création d'un site web, mais également au faible développement du e-commerce. Disponibilité des RH Le recrutement de personnel qualifié dans les domaines de la communication, de l'aptitude au leadership et du braconnages d'employés qualifiés par d'autres employeurs est largement soulevé par le tissu d'entreprises participant à l'étude. Plus de 58% des PME sont en effet concernées par cette problématique, qui reste principalement marquée dans les secteurs de l'offshoring, des NTIC ou encore de l'industrie automobile. Plus de 60% de PME ont de grandes difficultés à trouver des compétences présentant des aptitudes au leadership. Plus de 40% de PME jugent les programmes enseignés à l'école peu pertinents et ne collant pas à la réalité de l'économie marocaine. En ce qui concerne la disponibilité des compétences et l'aptitude à la pensée critique, plus de 35% des PME considèrent que ce type de profils est très rare au Maroc. Pour y remédier, plus de 30% de patrons de PME affirment que, depuis 2008, leur entreprise a pris part à des initiatives d'apprentissage et de mentorat dans le cadre des programmes financés par l'ANPME ou dans le cadre des contrats de formation spéciaux initiés par l'OFPPT. Ceci reste peu probant dans le sens où 25% des patrons avouent qu'elles ne concernent que quelques quelques fonctions au sein de leur entreprise, à savoir la fonction commerciale ou encore la fonction recouvrement. Une solution de fond est aujourd'hui nécessaire. Le problème est considéré par le secteur privé comme étant intiment lié aux programmes de formation dans les établissements publics, de formation professionnelle comme de formation de niveau supérieur. Plusieurs études sont actuellement menées par différents organismes, mais aucune mesure n'a pour l'heure été prise au regard de la complexité d'un chantier dit «pharaonique». Délais de paiement La problématique des délais de paiement fait l'actualité depuis quelques mois déjà. Le débat autour de l'amendement de la loi 32-10 sur les délais de paiement continue, et des limites sont aujourd'hui relevées par plusieurs acteurs économiques de la place. Ces derniers relèvent principalement le manque de traçabilité de l'exécution des prestations de service, en cas de multiplicité d'intervenant sur le territoire national et international. D'autre part, la problématique des avoirs, impayés, litiges, contentieux, etc., ainsi que les faits pouvant suspendre le délai de paiement sont soulignés. Un régime fiscal applicable aux pénalités de retard manque toujours au cadre règlementaire, sans oublier la prise en compte de délais sectoriels qui pourraient être préjudiciables pour les secteurs dont le cycle de production est long ou à caractère saisonnier. À cela s'ajoute l'absence des mécanismes de contrôle de l'application de la loi pour les sociétés non soumises au commissariat aux comptes. Un organisme, le Coface, met en exergue des recommandations claires à ce sujet. Ce dernier appelle à l'instauration de délais de paiement sectoriels, à l'instar de certains pays. Il propose de mettre en place une période transitoire pour l'application de la loi en fonction de la taille des entreprises, de sorte à laisser le temps aux PME/TPE de se préparer. D'autre part, la mise en place de comités sectoriels qui recenseront les problématiques d'application de la loi, en vue de proposer des recommandations aux instances législatives est évoquée, et le développement d'applications informatiques spécifiques à la gestion des délais de paiement, notamment pour les PME/TPE, est envisagé.