Le Mercredi 17 Mars 2021 le Président américain Joe Biden a répondu par l'affirmative à un journaliste de la chaîne ABC lui demandant si Vladimir Poutine était un « Tueur », et qu'il allait bientôt payer le prix pour ses actes. Le lendemain Jeudi 18 Mars, le Président russe répond tout d'abord par l'ironie en signalant « c'est celui qui le dit qui l'est » à savoir que « Nous voyons toujours en l'autre nos propres caractéristiques », tout en souhaitant une bonne santé au Président américain. Plus sérieusement, les dirigeants russes ont déclaré que les propos de Biden étaient inacceptables et que la Russie défendra ses intérêts face aux Etats-Unis. Vladimir Poutine a en outre proposé à Biden une discussion en direct diffusée en ligne ou à la télévision. Le soir de ce même jour, a été annoncé le rappel de l'Ambassadeur russe à Washington afin de « corriger la relation russo-américaine ». Cet acte inédit entre les deux pays depuis 1998 est d'usage dans les relations internationales pour un pays afin de marquer son désaccord avec un autre pays avec lequel il entretient des relations diplomatiques. Le qualificatif de « Tueur » admis par Biden vis-à-vis de Poutine est rare et surprenant en matière diplomatique. Il peut s'expliquer par la volonté du nouveau président américain de se démarquer de la position de Donald Trump, jugé par les démocrates complaisante vis-à-vis du président russe. Il repose également sur plusieurs griefs reprochés à Poutine aussi bien sur le plan intérieur qu'extérieur. Biden veut se présenter comme le champion des droits de l'homme et de la démocratie. Ce n'est pas le cas de Poutine, ancien membre du KGB, qui a instauré un régime autoritaire dans son pays, et qui même une politique agressive vis-à-vis de ses opposants. On peut signaler à ce sujet le cas de l'opposant russe Alexeï Navalny qui a subi une tentative d'empoisonnent et qui a été incarcéré à son retour en Russie. Il est également reproché au régime russe d'avoir interféré dans les élections présidentielles américaines de 2016 et de 2020, et de procéder à des cyber-attaques concernant les institutions américaines. En politique étrangère, les Etats-Unis reprochent à la Russie l'invasion de la Crimée, ancienne possession de l'Ukraine, et le soutien aux rebelles du Donbass à l'Est de l'Ukraine. Enfin est vue d'un mauvais œil, l'intervention russe en Syrie pour le soutien du Président sanguinaire Bachar Al Assad, et l'envoi de mercenaires russes en Libye. Le seul sujet qui a fait l'objet d'un accord entre les deux pays, est la prolongation de la Convention de désarmement nucléaire New Start. Le monde connaît depuis décembre 2019 la pandémie du Covid-19 qui a occasionné à ce jour plus de 122 millions de contaminations et plus de 2.700.000 décès. Du fait du confinement, l'économie mondiale a connu une récession de 3,5% en 2020, une perte de 255 millions d'emplois, et une augmentation de la pauvreté entre 119 et 124 millions de personnes. Grâce aux mesures exceptionnelles de relance économique, et à la multiplication des vaccins contre le Covid-19, il est espéré une croissance économique mondiale de 5,5% en 2021. Certains analystes ont comparé la pandémie de la Covid-19 à une guerre mondiale, au vu des pertes humaines et de la récession économique. Ils prévoient un nouvel ordre mondial suite à la fin de la pandémie. Les quatre puissances mondiales qui se détachent à l'aube de ce XXIème siècle sont les Etats-Unis, la Chine, l'Union européenne et la Russie. Comme avec les Russie, les relations des Etats-Unis avec la Chine sont mauvaises. Preuve en est la réunion le 18 Mars 2021 à Anchorage en Alaska entre Américains et Chinois. Le Secrétaire d'Etat américain Antony Blinken en compagnie du Secrétaire d'Etat à la défense Lloyd Austin a dénoncé les agissements de la Chine au Xinjiang (répression contre la minorité musulman Ouϊghours), Hong Kong (mise en cause du principe « un pays : deux systèmes »), Taiwan (revendication par la Chine), et les mesures de coercition économique contre les alliés des Etats-Unis. Il a ajouté que chacune de ces actions menace la stabilité mondiale. Le Chef de la diplomatie chinoise Yang Jiechi a stigmatisé la démocratie américaine, les traitements à l'encontre des minorités, la politique américaine en matière d'Affaires étrangères et de commerce international. Il a ajouté que le Xinjiang, Hong Kong, et Taiwan étaient des parties indissociables du territoire chinois, et que Pékin s'oppose à toute ingérence américaine dans ses affaires internes. Au-delà de ces questions, qui opposent les Etats-Unis à la Chine, le problème essentiel est que la Chine se place comme le seul concurrent des Etats-Unis pour occuper le premier rang mondial. Aussi, la stratégie des Etats-Unis va consister à renforcer ses relations avec ses alliés asiatiques et européens. Déjà le 16 Mars, Antony Blinken en visite au Japon a rejeté les revendications territoriales de Pékin dans les mers de Chine, et a menacé que les Etats-Unis riposteront si la Chine utilise la coercition et l'agression pour arriver à ses fins. Le Secrétaire d'Etat américain et le Secrétaire d'Etat à la défense ont également visité le lendemain Séoul pour apporter le soutien militaire des Etats-Unis à la Corée du Sud. Ils ont également tenu une réunion virtuelle du Quad (dialogue quadrilatéral sur la sécurité regroupant les Etats-Unis, le Japon, l'Australie et l'Inde). En ce qui concerne les relations transatlantiques, Joe Biden a déclaré le 19 Février 2021 lors de la Conférence sur la sécurité de Munich que les Etats-Unis étaient pleinement engagés dans l'OTAN, et qu'ils travailleraient en pleine collaboration avec leurs partenaires de l'Union européenne. De son côté, le Secrétaire d'Etat Antony Blinken sera en visite à Bruxelles du 22 au 25 Mars 2021, où il assistera à la réunion mensuelle de l'OTAN, s'entretiendra avec les dirigeants de l'Union européenne et rencontrera des responsables belges. En conclusion, on assistera à la constitution de trois ensembles qui vont dominer la scène internationale. En premier, les Etats-Unis avec ses alliés asiatiques (Japon et Corée du Sud) et européens (OTAN et Union européenne). Le second sera la Chine qui a été le seul pays qui a eu une croissance positive en 2020 (+2,3%) et prévoit +8,1% en 2021. La Chine va tenter d'élargir son influence mondiale grâce aux « routes de la soie » qu'elle est entrain de construire. Le troisième sera la Russie qui malgré un PIB faible (11ème place mondiale) dispose d'une armée solide et de l'influence au Moyen-Orient (Syrie). Ainsi le monde sera multipolaire avec des relations croisées entre les trois ensembles. Quant à l'Afrique, pour assurer son développement elle doit coopérer avec les trois ensembles sans distinction. Par Jawad KERDOUDI Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)